La matinée du deuxième jour de stage intensif fut aussi éprouvante que la précédente. Kageyama avait l'impression de dépenser le double de son énergie à force de jouer tout en prenant soin de ne pas révéler son vrai niveau –et dans un contexte collège, tout aurait été absolument nickel. Et il craignait aussi qu'à force de le voir jouer en continu, les coachs finissent par remarquer que quelque chose n'allait pas.
L'entraînement venait de se terminer ; il ne reprendrait qu'après la pause du midi, et les joueurs avaient un peu de temps pour eux. La plupart filèrent se rafraîchir et se détendre avant de manger, mais Oikawa resta dans le gymnase pour travailler son service, et Tobio, ayant pour une fois été invité à rester, s'assit sur le bord du terrain pour le regarder faire.
C'était une mauvaise idée, réalisa-t-il rapidement. Pas parce qu'Oikawa se mettrait en colère, non, pas dans cette dimension-ci, pas dans ce passé-ci ; c'était lui-même qui avait proposé, au grand bonheur de son cadet. Mais Tobio ne savait pas ce qui l'intéressait le plus entre regarder Oikawa et regarder le service –l'un n'allait pas sans l'autre et la différence était subtile, mais il était à peu près sûr de ne pas avoir posé ces yeux-là sur son aîné quand il avait vraiment douze ans.
Avant de servir, Oikawa commençait par ramasser une balle et la prenait à deux mains pour la faire tourner entre ses doigts quelques instants, comme pour s'habituer à elle, comme pour mieux la sentir –c'était un rituel de service habituel, et Tobio aurait les siens aussi, il le savait. Puis il inspirait pour se concentrer et lançait la balle d'un geste fluide –elle décrivait un courbe parfaite tandis qu'Oikawa s'élançait, prenait ses pas d'impulsion et sautait ; et alors Tobio ne pouvait pas détacher ses yeux de sa silhouette, tellement libre alors, tellement gracieuse, légèrement arquée pour frapper la balle lorsque celle-ci retombait... Puis l'impact, et la balle survolait le filet en un éclair pour aller se planter dans le terrain adverse. Oikawa retombait souplement sur ses pieds, les mains un peu écartées pour retrouver son équilibre, ses mèches de cheveux se remettant d'elles-mêmes en place autour de son visage, ses yeux rivés sur l'autre moitié du terrain pour évaluer le service.
Kageyama, comme à toutes les époques, ne se lassait jamais de le voir. Quelques années plus tôt, il scrutait attentivement les gestes, les pas, le timing, tout ce qui pouvait lui apprendre à imiter ce service et à le pratiquer lui-même. A présent... Eh bien, il était davantage distrait par le corps d'Oikawa, la puissance de ses bras, l'agilité de ses doigts, les mouvements de ses cheveux. Il suivit distraitement des yeux une goutte de sueur parcourir sa tempe, sa joue et sa gorge avant de disparaître dans son col, et songea qu'il était pire que damné.
-Ça t'a plu, Tobio-chan ? lança Oikawa en se tournant vers lui, une main sur la hanche.
-Beaucoup, assura Kageyama en se réservant le double-sens.
-Tu voudrais servir comme ça ?
Le cœur de Kageyama se mit à battre plus vite. Oikawa allait-il lui proposer d'apprendre son service, enfin ? Lui qui avait demandé sans relâche, quitte à supplier, dans son précédent passé... Son aîné allait-il tout simplement faire le premier pas et lui proposer avant même qu'il manifeste l'envie d'apprendre ?
-Je ne sais pas si j'en serais capable, choisit-il de répondre poliment.
Oikawa prit une nouvelle balle et la fit rebondir tranquillement sans quitter son cadet des yeux. Un léger sourire jouait sur ses lèvres, et une nouvelle fois, Kageyama le trouva magnifique.
-Oh, ça ne vient pas du jour au lendemain. J'ai travaillé tous les jours pour arriver à ce résultat... Mais il faut bien commencer quelque part. Viens voir.
VOUS LISEZ
Fais un vœu
Fanfic"Si seulement j'avais une chance de revenir en arrière. De faire les bons choix". Kageyama sentit l'appréhension l'étreindre quand il franchit les grilles de Kitagawa Daiichi. Le lieu ne lui laissait pas de très bons souvenirs... Mais ces souvenirs...