Tobio reprit conscience avec la violence d'une gifle.
Une foule de sensations l'assaillit –il saisit d'un même coup le décor clair de la salle de club de Karasuno, les murs collés de posters et les casiers, l'odeur familière du sport –sueur, bombe de froid, synthétique- et la voix suraiguë de Hinata qui s'aggrava soudain dans une imitation burlesque :
-Je suis Kageyama Tobio qui ne se réjouit jamais de rien, et je n'irai pas voir les étoiles filantes parce que c'est trop gnan-gnan pour moi qui ai des choses tellement plus intéressantes à faire, de toute façon j'aime pas les gens, j'aime jamais rien, je suis ronchon.
Kageyama cligna des yeux une fois, deux fois, trois fois, confus au possible. La minute précédente, il était avec Aoba, avec Oikawa et le reste de l'équipe dans la plaine, de nuit, en train de regarder les étoiles filantes. Et maintenant –maintenant il était de retour à Karasuno, exauçant son souhait de revenir à sa vraie vie.
Une partie de lui avait envie de sourire, de rire même, que tout soit enfin rentré dans l'ordre, qu'il retrouve enfin ses coéquipiers et le volley, quel soulagement ! et une autre part lui faisait mal, vraiment mal, à l'idée que tout ce qu'il avait vécu dans l'autre dimension soit effacé à jamais. Cet Oikawa qui l'aimait, ce Kindaichi qui l'appréciait, cette équipe dans laquelle il était toujours compté comme un membre à part, tout cela avait disparu.
Un petit rire le fit se retourner : c'était Tsukishima, agenouillé à côté de son casier, qui le regardait en ricanant :
-Allez, le roi. Tu pourras faire le vœu de changer d'expression faciale, ça fera plaisir à toute l'équipe.
Toujours pris dans le choc de la réalité, Kageyama ne réagit pas. Là encore, deux pôles se livraient un combat farouche en lui ; l'un voulait ardemment insulter Tsukishima, l'autre, sans trop se l'avouer, était quand même heureux de revoir sa tête narquoise.
Une main se posa sur son poignet, et se retournant avec des yeux écarquillés, il reconnut Suga –son expression douce, son regard chaleureux, le sourire timide qui étirait ses lèvres, et la bienveillance dans sa voix :
-Ça va, Kageyama ? Tu m'as l'air un peu pâle.
-Je vais... Je vais juste..., bégaya Tobio complètement perdu. Prendre l'air. Deux minutes.
Il tituba jusqu'à la porte, l'ouvrit avec peine et s'appuya finalement contre la passerelle. Il avait vue sur le gymnase, sur quelques bâtiments alentours, et il se rendit enfin pleinement compte qu'il était de nouveau à Karasuno, son Karasuno, et que tout était exactement tel qu'il l'avait laissé. Il inspira, s'efforçant de se calmer. La transition avait été pire que brutale, et il sentait déjà le manque de son ancienne vie le ronger, mais il ne pouvait pas se permettre de s'apitoyer là-dessus.
Il reprenait peu à peu ses esprits quand Suga s'accouda à côté de lui.
-Tout va bien ? demanda paisiblement le terminale.
Kageyama avala péniblement sa salive avant de répondre par une autre interrogation :
-Sugawara-san. Si... Si tu avais l'occasion d'effacer tes erreurs, est-ce que tu le ferais ?
Il était conscient que sa question était étrange, subite, hors de tout contexte ; mais son aîné prit quelques secondes pour y réfléchir avant de répondre :
-Ce serait vraiment tentant de le faire. Mais je ne pense pas que ce serait vraiment satisfaisant.
-Pourquoi ?
Pourquoi est-ce que je me sens aussi mal ?
-Parce que les erreurs ne s'effacent pas, déclara Sugawara. Elles se réparent.
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Fais un vœu
أدب الهواة"Si seulement j'avais une chance de revenir en arrière. De faire les bons choix". Kageyama sentit l'appréhension l'étreindre quand il franchit les grilles de Kitagawa Daiichi. Le lieu ne lui laissait pas de très bons souvenirs... Mais ces souvenirs...