Chapitre 2

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Leopold sortit du bâtiment et en fit le tour, pour constater, de jour, l'état des lieux. Le bois était plutôt épargné par les intempéries, et l'état général était plutôt bon. Il vit une fenêtre qui devait donner sur la mezzanine, une deuxième dans la petite pièce, et deux autres, face à face, sur les deux murs opposés sur la longueur. Il arrivait près de la barque qu'il avait laissée dans l'eau, lorsqu'il aperçut une silhouette sur la berge opposée. Il n'y accorda d'abord aucune d'attention, mais la personne lui fit un signe. Il monta dans la barque, et quand il s'approcha il constata que c'était une jeune femme qui l'attendait. En accostant, il reconnut Magda. Elle tenait un cahier serré sur la sa poitrine, les bras couverts par une longue robe et un châle, bien que le mois d'Avril venait de commencer. Cela faisait longtemps qu'il avait cessé de ressentir les différences de température.

Il l'aida à embarquer dans l'esquif, puis donna quelques coups de rames pour atteindre la rive opposée. Il lui donna ensuite son bras pour la faire entrer dans sa nouvelle demeure. En entrant, il fit un geste des mains pour s'excuser de ne pas avoir de chaise. Magda posa son cahier sur la table et l'ouvrit à la première page. Son oncle lui avait écrit des mots anglais et leur traduction en français et vice-versa. En commençant par le début, la jeune fille articula la manière de se présenter en anglais, puis en français. Il répéta avec application, jusqu'à maitriser parfaitement la phrase. Il gardait néanmoins un accent anglais qui montrait son origine. Ils passèrent en revue quelques expressions françaises de remerciements, en tâchant de se comprendre mutuellement.

Lorsque le soleil fut à son zénith, la jeune fille s'excusa, reprit son cahier puis se laissa reconduire jusqu'à la berge. Alors qu'elle se retournait pour partir, le jeune homme lui prit la main puis l'effleura de ses lèvres, sans cesser un instant de la regarder. Troublée, elle sera plus fort son cahier contre sa poitrine puis se détourna en marchant très vite. Il sourit, il aimait faire ce genre d'effet, les femmes de son époque étaient tellement fragiles, pour la plupart, que c'était très facile de les impressionner.

Après le départ de Magda, il marcha jusqu'à des rues commerçantes, où il trouva un magasin de mobilier. Il acheta deux chaises, un matelas et une table basse, qu'il demanda à faire livrer. Du moins il espérait que le vendeur avait compris ce qu'il voulait. Il erra pendant une heure avant de retourner sur son île. Le soir même, il trouva sa commande sur la berge opposée. Il chargea le tout dans sa barque, puis ramena ses nouvelles acquisitions à l'intérieur. Il disposa les chaises autour de la table, plaça le matelas près de la pièce isolée et la table basse dans un coin.

Alors que la nuit tombait, il sortit et commença à se promener dans les bois alentours. En arrivant dans un endroit un peu plus pauvre en arbre, il fut surpris de trouver une calèche, garée à côté d'un arbre. Il se dissimula lorsqu'il entendit du bruit à l'intérieur. L'habitacle remua pendant quelques minutes, puis la porte s'ouvrit et une femme plus vraiment jeune en sortit. A l'intérieur, il put voir un homme avec un embonpoint très proéminent, qui réajustait sa redingote. Le jeune homme haussa les sourcils devant cette scène insolite, et attendit que le véhicule soit parti avant de s'avancer. D'autres calèches étaient stationnées un peu partout, et des vingtaines de personnes allaient et venaient. Des hommes de tous âges et de toutes classes sociales haranguaient des femmes habillées de manière affriolantes, qui se promenait entre les calèches et les arbres, balançant leurs courbes nonchalamment pour permettre à ces messieurs de faire leur choix parmi ces dames dont le métier de fille de joie était évident.

Leopold sentit une pulsion ranimer son être, effaçant du même coup faim et fatigue. Depuis son départ de Londres, après les deux semaines durant lesquelles il s'était tenu à carreau, il avait perdu sa motivation et la détermination qui le caractérisait d'ordinaire. Se remettre en chasse, là était la solution. Il s'avança au milieu des calèches, et lança une œillade appuyée à une jeune femme qui était adossée à un arbre et couvait les hommes qui passaient d'un regard sensuel. Il lui proposa son bras et elle s'y accrocha. Il commença à l'entrainer parmi les arbres. Elle lança une interrogation qu'il ne comprit pas, mais elle se tut lorsqu'il lui montra quelques billets sortis d'une poche intérieure. Il l'emmena jusqu'à son île, même si elle sembla légèrement rebutée par la barque. Il lui montra le matelas par terre, et elle commença ce pourquoi elle gagnait de l'argent. Il fallait admettre qu'elle était plutôt douée dans son domaine, mais c'est ce qui allait se passer après qui occupait l'esprit du jeune homme.

Un Anglais à ParisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant