Leopold était frustré. Frustré de ne pas avoir pu finir son œuvre avec Victorine. La cachette du corps constituait un acte presque rituel, qui venait clore un meurtre. Lorsqu'il était revenu au lieu où il l'avait laissé, quelques heures plus tard lorsque la pluie avait cessé, il avait vu quelques policiers en uniforme, et l'endroit était bien différent de celui qu'il avait quitté quelques heures auparavant. Les hommes avaient piétiné le sol autour du corps, le rendant encore plus boueux, et la pluie avait presque effacé toutes les traces de sang, ce qui changeait l'aspect de la jeune morte. Elle avait l'air plus paisible. Mise à part sa peau blafarde, on aurait pu dire qu'elle dormait.
Il avait observé la scène, dissimulé derrière un arbre, et regardé un homme puis deux se pencher sur le corps avant de le faire emmener.
« - Silence, cria-t-il à la porte de la petite pièce. »
Celle-ci ne faisait que crier. Malgré le bâillon, elle parvenait à émettre des sons forts et dérangeants. Il l'avait capturé près de l'endroit où il avait tenté d'enterrer Victorine. Elle avait parlé avec les policiers, et il n'avait eu aucun mal, lorsque ceux-ci étaient partis, à la faire venir jusqu'à son île. Quelques billets avaient suffi à la convaincre de faire des heures supplémentaires. Il ne savait pas ce qu'elle avait dit, ni ce qu'elle avait vu, mais il préférait ne prendre aucun risque. Il avait compris de loin qu'un des hommes avait demandé qu'elle soit arrêtée, mais les officiers n'avaient pas obéi et l'avaient relâché discrètement. Il n'avait même pas tenté de la faire exercer son métier, il l'avait endormi sitôt la porte franchie et l'avait enfermé dans la cage, encore imprégnée du sang de Victorine.
Elle s'appelait Henriette. Plus boulotte que la précédente, elle possédait un coffre surprenant qui lui permettait de crier presque sans s'arrêter. Il avait réussi à lui arracher son prénom du bout des lèvres, après plusieurs tentatives vaines. Et maintenant cela faisait deux jours qu'elle s'égosillait dans la cage. Il attendait avant de lui faire les premières entailles, aussi pensait-elle sûrement à un simple enlèvement. Lui qui arrivait toujours à garder son calme commençait à perdre patience. Il s'efforçait de se contenir, et d'attendre avant de la tuer.
Il subsistait grâce au panier que Magda déposait le Lundi devant sa porte, et qui lui permettait de boire et de manger sans avoir besoin de sortir de son antre. La veille au soir, il était pourtant sorti se soûler dans le premier bar venu, n'en pouvant plus d'entendre Henriette crier. Lorsqu'il était revenu, il avait décidé qu'il se mettrait au travail le lendemain. Et maintenant, il hésitait à entrer dans la petite pièce. Il entendait aux râles qu'elle poussait de temps à autre que sa voix et ses forces commençaient à l'abandonner. C'était le moment idéal pour commencer.
Il entra dans la pièce. L'ignorant, d'abord, il lui tourna le dos et sortit de sa malle ses couteaux, qu'il posa bien en évidence sur le dessus. Enfin, il se plaça face à elle. Le regard d'Henriette croisa le sien, puis tomba sur les couteaux, et elle cessa de crier. Goûtant quelques secondes à ce silence retrouvé, il la fixa. Il fit ensuite le tour de la cage, et lui lia les mains aux barreaux derrière elle. Elle se débattit peu, et semblait hésiter sur la marche à suivre. Il ouvrit la porte de la cage et saisit son plus petit couteau, dont la lame mesurait tout de même vingt centimètres.
Elle ne détachait plus son regard du couteau, et ses yeux s'embuaient déjà de larmes. Il s'accroupit devant elle, et saisit fermement sa cheville gauche. Elle couina, et tenta de libérer sa jambe, mais il n'eut pas besoin de beaucoup de force pour la maîtriser. Il posa la lame au-dessous du genou, et la fit glisser vers lui en tranchant la peau jusqu'à la cheville. Le sang s'en échappa aussitôt, et Henriette se mit à pleurer. Il se sentait déjà mieux. Il prononça une phrase en anglais qu'elle ne comprit pas, cette phrase qu'il répétait à chaque nouvelle victime, comme une sentence. Ne voulant pas s'arrêter aussitôt, il appuya son couteau contre la plante du pied gauche de la femme, et y fit une profonde balafre. Il la lâcha et elle ramena d'un coup sec sa jambe vers elle.
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Un Anglais à Paris
Fiksi SejarahA la fin du XIXe siècle, un jeune anglais décide de venir s'installer à Paris afin de se faire oublier. Son admiration pour un certain tueur en série et ses crimes avait failli lui valoir des ennuis, et il lui fallait un nouvel endroit pour continue...