Chapitre 1.1 ~ Alexandre

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Depuis que j'étais sorti de l'appartement d'Anna ce matin, j'étais sur mes gardes. Je regardais partout autour de moi pour essayer de voir si des personnes louches me surveillaient. Je jetai des regards discrets aux passants, je scrutais les alentours pour repérer quelque chose ou quelqu'un de suspect. Mais je ne remarquai rien d'anormal à première vue. Je devenais vraiment parano, mais je connaissais mon frère. J'avais l'intime conviction qu'il ne plaisantait pas quand il avait menacé de faire du mal à Anna. Il était vraiment prêt à tout pour me nuire.

Depuis toutes ces années, je m'y étais habitué, à son ressentiment envers moi, au fait qu'il me tenait pour responsable de la mort de notre mère. Je m'étais fait une raison, en sachant que rien de ce que j'aurais pu dire ou faire ne changerait son opinion. Comment cela aurait-il pu être possible ? Moi-même, je n'arrivais toujours pas à me pardonner sa disparition. Me faire du mal à moi, c'était une chose. Je pouvais l'accepter. Mais en faire à Anna, ça, c'était juste hors de question !

Anna. Ma douce Anna. Cette nuit passée avec elle a été encore plus intense que notre première à Paris. Elle m'a laissé dormir chez elle. Ça pouvait paraître anodin, mais sans savoir pourquoi, j'avais l'impression que c'était un vrai cadeau de sa part, un peu comme un privilège. Lors de notre première nuit, elle s'était presque enfuie de chez moi en courant après que nous ayons fait l'amour. J'avais trouvé son comportement étrange et déstabilisant. Mais cette fois-ci, c'était différent. Nous avions dormi ensemble, toute la nuit, dans son lit. Elle ne m'avait pas demandé de partir. Je repensai à sa peau contre la mienne, à son regard chargé de désir, à sa bouche autour de ma queue.

La voir agenouillée ainsi devant moi m'avait complètement bouleversé. Aucune femme ne m'avait goûté auparavant. Adriana n'aimait pas les fellations, et en tant que soumis, je n'avais pas mon mot à dire sur la question. Sentir les lèvres chaudes et humides d'Anna autour de mon sexe était vraiment une sensation extraordinaire. Je n'avais qu'une seule envie, qu'elle recommence. Encore et encore. Je voulais aussi lui donner autant de plaisir qu'elle m'en procurait. Mais au-delà de ça, je voulais vraiment construire quelque chose avec elle. Et elle aussi. Elle me l'avait dit ce matin. J'avais encore du mal à intégrer l'information. Pourtant, oui, elle était bel et bien d'accord pour faire un bout de chemin avec moi !

Cette idée me remplissait le cœur d'un sentiment que je n'avais encore jamais connu jusque-là et que je n'osais pas nommer. Mais la chaleur que je ressentais dans ma poitrine était tellement agréable que, pour l'instant, je m'abandonnais à cette sensation délicieuse et apaisante. En même temps, j'étais terrifié. Je ne savais pas comment me comporter dans une relation de couple « normale ». Je n'avais connu qu'une relation Domina-Soumis avec Adriana.

Je l'avais avoué à Anna et ça lui avait fait un choc. Mais elle avait l'air prête à accepter mon passé. Alors je n'allais pas laisser passer ma chance de la rendre heureuse. J'étais déterminé à tout faire pour. Et ça incluait d'affronter mon frère jumeau et de le dissuader de tenter quoi que ce soit contre elle. J'étais tellement absorbé par mes pensées que je n'avais pas remarqué que mon taxi était arrivé à destination avant que le chauffeur ne me dise :

— Monsieur, nous sommes arrivés.

— Heu... oui, merci. Combien je vous dois ?

Après avoir jeté un rapide coup d'œil au compteur, il me lança d'une voix aimable :

— Soixante-quinze euros cinquante, s'il vous plait. Vous pouvez régler par carte bleue.

— OK, tenez.

L'esprit complètement ailleurs, je lui tendis machinalement ma carte bancaire et je tapai mon code sans réfléchir. Savoir Olivier à proximité me rendait très nerveux. Hier, j'avais affirmé à Anna que tout allait bien se passer pour ne pas la faire paniquer, mais en réalité, je ne savais pas du tout à quoi m'attendre. Je n'avais aucune idée de ce que j'allais bien pouvoir lui dire pour le convaincre d'abandonner ses plans. Aucune. Lorsque le chauffeur de taxi se retourna pour me rendre ma carte et mon ticket, il me demanda d'un air bizarre :

— Vous voulez que je vous attende ici ? Ce quartier n'est pas vraiment très... sûr.

Je pus lire de l'inquiétude dans son regard. Sa sollicitude me toucha mais je refusai sa proposition avec un sourire crispé, en lui disant d'un ton aussi convaincu que possible :

— Merci, mais ça va aller !

— OK, comme vous voulez. Au revoir !

— Au revoir, bonne journée...

Je sortis de la voiture en inspirant profondément pour essayer de me calmer. Je relevai la tête vers le ciel d'un bleu azur magnifique, si caractéristique du Sud, pour me donner du courage. La chaleur du soleil printanier me rassura légèrement. Pourtant, j'avais les mains moites. Mon cœur commençait à s'emballer. La sonnerie de mon téléphone qui se trouvait dans ma poche me fit sursauter. Un texto d'Anna. Elle voulait savoir où j'étais. En effet, je ne lui avais même pas précisé où j'allais avant de partir de chez elle. Je lui répondis rapidement, en lui donnant l'adresse de mon frère et en lui demandant de rester en sécurité au lycée.

Une fois mon téléphone remis dans ma poche, je jetai un regard à cette avenue Corot que je connaissais bien. Revoir ces immeubles me rappelait toutes les fois où j'étais venu rendre visite à Olivier, même s'il me recevait toujours avec colère et mépris. Quoi qu'il pût en penser, nous étions frères. Frères jumeaux. Et ça, rien ni personne ne pouvait le détruire, ce lien si particulier qui nous unissait.

Nous avions peut-être pris des chemins radicalement opposés après l'accident, mais il n'en restait pas moins un membre à part entière de notre famille. En montant les escaliers vers le huitième étage, j'étais plus que jamais partagé. D'un côté, j'aimais mon frère et je ne voulais pas lui causer du tort. D'un autre côté, Anna était importante pour moi et je ne pouvais pas le laisser détruire la relation qui naissait entre elle et moi. Non, je ne le pouvais pas. Je me raccrochai à cette idée tout en gravissant lentement les marches sales et usées de l'immeuble où il habitait.

Une fois devant la porte de l'appartement 517, je frappai trois petits coups secs. Mon rythme cardiaque accéléra encore, je me sentais très nerveux. Je ne pouvais plus reculer maintenant. Je devais affronter mon frère une bonne fois pour toutes et le faire changer d'avis sur ses intentions. Il le fallait. Pour moi. Pour Anna. Pour nous. Olivier ouvrit la porte d'un mouvement assez rapide. Lorsqu'il me reconnut, il me jeta à la figure :

— Qu'est ce que tu fous ici ?

— Bonjour à toi aussi !

— Casse-toi !

— Hors de question. Il faut qu'on parle et tu vas m'écouter.

Cet accueil plus que glacial ne me surprit pas. Je forçai le passage en contournant son fauteuil et en refermant violemment la porte derrière moi. Ses yeux s'écarquillèrent une fraction de seconde. Il n'avait pas l'habitude de me voir si déterminé. Mais il reprit vite le dessus et son petit sourire sournois réapparut sur ses lèvres. C'était tellement étrange et familier à la fois. Je le regardais, dans son fauteuil roulant, et c'était comme si je me voyais dans un miroir. Cheveux bruns, yeux verts, mince, mais plus musclé que moi.

La seule chose qui nous différenciait vraiment était les tatouages qu'il avait partout : sur les bras, dans le dos, sur le torse aussi. Nous étions semblables physiquement, et pourtant si différents. J'avais choisi de consacrer mon temps à sauver des vies. Il avait choisi d'aider des voleurs à braquer des banques et des bijouteries.

Oui, mon frère était un voleur. Enfin, un as de l'informatique qui aidait les voleurs à désactiver les systèmes de sécurité, pour être plus précis. Peu importait, il n'en restait pas moins un criminel. Il avait tellement de colère en lui que ça pouvait le rendre dangereux. Jusqu'à présent, je n'en avais jamais vraiment pris conscience. Mais depuis qu'il m'avait appelé pour me parler d'Anna, cette vérité m'était apparue comme une évidence.

Il fallait que je parvienne à le dissuader de lui chercher des noises. Par tous les moyens. Comme je ne disais toujours rien, Olivier me tourna le dos et fit rouler son fauteuil quelques mètres pour s'éloigner de moi. Bien décidé à aller jusqu'au bout, je le suivis d'un pas rapide. Lorsqu'il s'arrêta, je me mis en travers de sa route, face à lui, les bras croisés, mon regard plongé dans le sien. Yeux verts contre yeux verts. Frère contre frère.

— Olivier, maintenant, ça suffit, tu vas m'écouter !

— Dégage !

— Oh non. Je suis venu pour te dire que si jamais tu fais du mal à Anna, ça va mal se passer pour toi.

Les Ombres du Passé ~ Tome 2 ~ Apprivoise-MoiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant