Je déglutis, incapable de lui répondre. J'étais complètement paralysée par la peur, comme clouée sur place par son regard pic à glace. Je sentais la sueur perler dans mon cou et le long de ma colonne vertébrale. Ma respiration continuait à accélérer. Mon cœur tambourinait encore plus fort dans ma poitrine. C'était très troublant de le voir ainsi, en chaise roulante, l'air si mauvais, lui qui ressemblait comme deux gouttes d'eau à Alexandre.
J'avais un peu l'impression que c'était une part de lui qui me faisait du mal, même si on fond de moi, je savais bien qu'Alexandre n'était absolument pas capable de me nuire de façon intentionnelle. Je n'arrivais plus à démêler tout ça. Olivier. Alexandre. La fatigue. La peur. L'envie de fuir. De hurler. De pleurer. Olivier recula un peu son fauteuil roulant, sans me quitter des yeux. Il dit en riant jaune :
— Mais je suis con, tu ne peux pas parler avec ce bâillon, pauvre chérie...
Il se retourna vers son complice et lui fit un signe de tête. Le gros bras acquiesça et s'approcha de moi avec son couteau. Il déchira le morceau de scotch qui m'empêchait de parler et le décolla brutalement. Malgré les circonstances, cela me fit du bien de retrouver un peu d'air. J'essayais de me calmer en respirant doucement et profondément, mais je n'arrivais toujours pas à parler. Olivier se rapprocha de nouveau de moi, en me disant sèchement :
— T'as perdu ta langue ? Il me semble que je t'ai dit bonjour en arrivant...
— Bon... Bonjour.
— Ah, j'aime mieux ça. Comment tu te sens ce matin ?
— Qu... Quoi ?
— T'es idiote ou quoi ? Ma question est pourtant simple...
— Que voulez-vous que je vous dise ? Que je suis ravie d'être attachée et d'avoir été blessée ?
— Ne sois pas insolente, sinon...
Je sentis sa colère monter d'un cran. J'avais envie de lui cracher à la figure, mais je n'en fis rien. Il était tellement imprévisible. J'avais trop peur de sa réaction. Pourtant, j'avais envie de le provoquer, de lui poser des questions, de comprendre pourquoi il agissait ainsi envers son propre frère. Son jumeau qui plus est. Je ne pus m'empêcher de lui demander d'une voix très faible :
— Pourquoi vous faites ça ? Qu'est-ce-que vous attendez de moi ?
— Ce que je veux ? Mais ça me semble évident, non ?
— Non. Pas pour moi en tous cas. Alexandre est votre frère, votre frère jumeau, je ne...
— Ta gueule !
Il avait de plus en plus de mal à contrôler sa colère. Il respirait bruyamment par le nez. Ses mains étaient crispées sur les roues de son fauteuil. Autant de signaux qui auraient dû tirer ma sonnette d'alarme. Mais je ne voulais pas lâcher le morceau, je voulais comprendre ses raisons putain ! Alors, je revins à la charge en parlant plus fort cette fois :
— Dites-moi pourquoi vous faites ça !
En entendant mes mots, il fit rouler son fauteuil très vite et se retrouva tout près de la chaise pourrie où j'étais attachée. Il serra fort mon cou dans sa main gauche et je commençais à suffoquer. C'était horrible, je n'arrivais plus à respirer et je ne pouvais pas me dégager de sa main, il était trop fort.
— Tu veux savoir pourquoi je fais ça hein ?
Il desserra un peu la pression de ses doigts sur mon cou. J'en profitai pour prendre une goulée d'air qui me fit du bien. Je ne pouvais pas parler, mais je bougeai légèrement la tête pour lui faire comprendre que je voulais vraiment savoir. Sa main enserrait toujours mon cou, mais la pression restait supportable. Il plongea son regard vert dans le mien en me disant d'une voix lugubre, remplie de colère froide :
— Je veux qu'il souffre. Je veux qu'il paye pour la mort de ma mère. Je veux lui prendre une personne à laquelle il tient, comme lui m'a pris ma mère.
— Alexandre n'est pas responsable de la mort de votre mère, vous le savez très bien !
— Il t'a raconté ce qu'il s'est passé ?
— Oui.
— L'enfoiré !
Tout à coup, il ôta sa main qui entourait toujours mon cou et me gifla violemment. J'étais sonnée. Ma joue était en feu. Ma tête tournait. C'était insupportable. Je n'aurais pas dû le pousser à bout. Je n'aurais pas dû insister. Merde. Je fermai les yeux pour faire disparaître ce cauchemar. Je voulais que tout ça s'arrête. Je sursautai quand Olivier me hurla dessus :
— Où est-il ? Dis-moi où il s'est barré, cet enfoiré !
— Je n'en sais rien !
— Tu mens, espèce de petite garce. Tu mens, j'en suis sûr...
— Non, c'est la vérité. S'il vous plait, arrêtez... Je...
Il était dans une fureur noire. Je ne savais plus quoi faire. Les larmes roulaient sur mon visage sans que je puisse les arrêter. Il s'éloigna de moi et se dirigea vers son complice, qui tenait la garde à côté de la porte. Il lui prit son couteau et revint vers moi en roulant très rapidement avec son fauteuil, jusqu'à arriver à ma hauteur. Il leva son bras armé vers moi en hurlant :
— Je vais te tuer, sale garce, je vais te tuer !
— Non, pitié, non !
À ce moment-là, tout se passa au ralenti sous mes yeux. J'entendis des cris qui provenaient de l'autre pièce. Quelqu'un enfonça la porte en criant « Police ! ». Le sbire se retourna en sortant son pistolet, mais il ne fut pas assez rapide. J'entendis une détonation. Puis une seconde. Olivier se rapprocha encore plus près de moi en brandissant la lame de son couteau. J'entendis une autre détonation. Mes oreilles sifflaient. Il y avait du sang et des cris partout. Olivier reçut la balle dans le bras et lâcha son couteau qui tomba par terre. Tous les bruits étaient assourdis, je n'arrivais pas à suivre tout ce qu'il se passait autour de moi.
Mais j'étais certaine d'une chose, ce cauchemar était fini. La police était là. Enfin. Merci. Merci Alexandre. Je me sentais tellement soulagée. Ma vue était brouillée. Je sentis qu'on détachait mes chevilles. Je voyais plusieurs hommes autour de moi. L'un d'entre eux m'auscultait. Je sentais ses mains qui touchaient mes membres pour trouver mes blessures. Lorsqu'il toucha ma cuisse et mon flan, je grimaçai de douleur. Il me posait des questions, mais je ne comprenais pas ce qu'il me disait :
— Mademoiselle, vous m'entendez ?
— Alexandre... Alexandre...
— Quoi ? Que dites-vous ?
— Où est-il ? Je veux le voir, je...
Je perdis connaissance en murmurant son prénom. Je voulais le voir, je voulais le remercier de m'avoir sauvée des griffes de son frère. Mais j'étais trop faible. Je me laissais glisser dans le doux sommeil sans rêve et sans douleur qui m'attendait.
[...]
J'étais allongée dans une civière, dans ce qui ressemblait à une ambulance. J'avais une perfusion dans le bras et un masque à oxygène sur le nez. Je voyais vaguement des gens qui s'affairaient autour de moi. Il me semblait que l'ambulance roulait, mais je n'en étais pas très sûre. J'essayais de me concentrer en cherchant Alexandre du regard, mais je ne le voyais pas. J'utilisais mon bras libre pour ôter mon masque à oxygène et demander faiblement :
— Alexandre, où est-il ?
— Mademoiselle, gardez votre masque et restez calme, on vous emmène à l'Hôpital Nord, votre état est sérieux, vous avez perdu beaucoup de sang.
Pourquoi n'est-il pas là, avec moi ? Je reposais ma tête sur le brancard en fermant les yeux, et l'ambulancier remit mon masque à oxygène en place.
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Les Ombres du Passé ~ Tome 2 ~ Apprivoise-Moi
RomanceAnna avait décidé de tenter de construire une relation avec Alexandre, malgré son passé de soumis. Elle l'avait laissé entrer chez elle, dans son intimité, dans sa vie. Tout simplement parce qu'elle avait réalisé qu'elle l'aimait, malgré son passé i...