8

3 1 0
                                    


"On a pas le choix, il faut s'en aller."
Pawen avait pris directement les décisions d'un ton ferme.
"Pardon ?", demanda Sofielle. "Tu laisse tomber le château ?"
Pawen avait pris un air dur et sévère. Sofielle essayait plus de comprendre ses motivations que de lui tenir tête.
"Réfléchis, Sofielle. On est cernés par deux cités comme la nôtre, animées par une rage qui n'est même pas la leur. Le château restera celui de Terre-Noire. Simplement ils ne cesseront jamais de nous chercher. Et nous ne pouvons pas rester là."
Sofielle soupira. Jade continuait à pleurer sa cousine décédée, dont le corps pourrissait sûrement toujours au soleil.
"Rien que pour mettre les deux amoureux à l'abri. Nous ne pouvons pas rivaliser. Soyons sérieux.", continua Pawen.
Hylios parcourut la salle du regard. Jaymery était d'accord. Je me suis levée. J'avais gardé mon arbalète, que j'avais incrustée à ma robe dans mon dos. Les carreaux étaient toujours en travers de mon ventre, et Rouge cognait contre ma cuisse.
"Non", dis-je. "C'est moi qu'ils veulent. Ne bougez pas. Si je sors, ils me suivront et ils vous laisseront en paix. Donnez moi un cheval, je m'enfuirais et vous serez à l'abri."
Ils se sont tous regardés. J'ai attendu leurs réactions, craignant le pire.
"Tu ne t'en iras pas sans moi", dit Hylios. "Je ne te laisse plus."
Je lui ai souri tendrement.
"Jeune fille. Je pense qu'il faut que je te suive. Tu es quelqu'un de bien. Je veux t'accompagner."
Hylios jeta un regard en coin à Jaymery. Lui arborait un air sérieux et dur. Je lui ai souri aussi.
Pawen allait s'avancer à son tour mais Sofielle le retint.
"Reste avec moi, Pawen. On ne peut pas quitter le château. Tu ne peux pas me laisser seule encore une fois."
Il soupira puis revint vers elle.
"Bonne chance."

Nous nous sommes élancés au galop dans la plaine. Si nous faisions le tour du château, nous aurions peut-être une chance de nous en sortir indemnes. Il ne fallait pas rêver. Plutôt être prêt à se battre.
"Je décide qu'on aille à Erminalle", dis-je. "Elle ne fait pas partie de cet assaut, et je pense savoir pourquoi."
Pas de réponse. Qui ne répond pas conscent. Nous allions donc à Erminalle.

Nous avons continué à galoper sans prendre garde à la nuit qui arrive.
"Je vais stopper le temps. Je veux que nous ne prenions que deux jours.", dis-je.
Hylios se mit à ma hauteur.
"Je peux savoir ce que tu comptes faire ?"
Je l'ai regardé.
"Je ne pense pas que le Maître soit stupide, et s'il avait été intelligent, il t'aurait corrompu toi pour me détruire. Je pense qu'il n'y est pas parvenu. Je pense que sa magie ne marche pas sur moi et sur les gens qui ont vraiment confiance en moi. Toi, Jaymery et Pawen. La ville entière de Terre-Noire."
"Et Erminalle ?"
"Je pense que ça a un rapport avec Jaymery. Et puis Armirelle d'Erminalle était notre première alliée, et c'est grâce à elle que nous sommes entrés dans l'alliance des quatre Er."
Il acquiesça. Ça me paraissait d'une logique implacable. J'espère pour lui aussi. Jaymery écoutait notre conversation mais ne disait rien. J'imagine qu'il n'y avait pas grand chose à dire.

Au bout de ce qui est de huit jours pour nous mais un jour et demi pour le monde, nous sommes arrivés dans la forêt d'Erminalle. Nous avons avancé. Quand nous avons entendu des fougères bouger à nos pieds, nous avons commencé à conter notre requête.
"Nous sommes les Absolus de Liéssance et cheffe de guerre.", dis-je en arborant notre couleur pourpre. "Nous sommes avec Jaymery Enstel, ami de la reine. Nous venons demander audience un instant avec sa majesté au sujet de la guerre qui ne cesse d'approcher."
Aussitôt dit, aussitôt fait. Les yeux bandés, nous avons refait le chemin en direction d'Erminalle.

"Comment dites vous ?"
"Corrompus. En quelques sortes."
La reine faisait les cent pas dans la salle. Elle jetait parfois de petits regards en coin à Jaymery d'un air nerveux. Ses longs cheveux noirs traînaient par terre en cascade, et il m'a semblé qu'ils étaient plus longs que la dernière fois.
"Et vous venez me conter cette histoire, quand a-t-elle eu lieu ?"
"Il y a deux jours. Environ."
"Vous avez effectué le trajet en deux jours ?", demanda la reine d'un air interrogateur.
"Ma reine, je suis Clairvoyante. Le temps n'a aucun secret pour moi. Et je sais le stopper un moment."
Elle acquiesça timidement.
"J'ai promis de vous aider et je le ferai. Mes alliés sont contre vous, je ne devrai pas..."
"Ils le font contre leur gré."
"Rien ne me le prouve."
Jaymery s'avança.
"Je vous en prie, ma reine. Nous ne faisons que vous dire la pure vérité. Ce sont vos alliés qui ont promu cette jeune fille cheffe de guerre et personne d'autre. C'est eux qu'elle a vaillamment défendu au fort. Je vous en prie. Vos alliés ont attaqué Terre-Noire, qui est aussi censée être des vôtres. Cette corruption est malheureusement une vérité. Aidez-nous, nous avons besoin de nos plus sûrs alliés."
La reine soupira.
"Soit. Allez chercher mon fils.", dit-elle à un domestique.
Le domestique releva la tête, incrédule.
"Pardon, ma reine ?"
"Allez me chercher Lowray, vous êtes sourds ? Je veux mon fils ici et maintenant."
Le domestique courut chercher Loupyo. Elle se dirigea vers une porte à droite de son trône. Elle nous fit signe de venir.
"J'ai besoin de vous aussi. Venez. Nous allons gagner cette guerre."

"Sang.
Encore, direz-vous.
Oui.
C'est évident.
Tout est plus sombre.
Tout est plus noir.
Mais où es la lumière ?
Peut-être pas là où on le pense."

Edanaelda - Tome 3 - On ne peut se vaincre soi-même.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant