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Je suis descendue du cheval. L'armée était derrière. Pawen avançait vers moi, l'air sévère.
"Tu es là."
"J'ai fait aussi vite que j'ai pu."
Il se tourna pour me laisser voir l'étendue de son armée. J'ai regardé tout le monde. Si certains avaient peur, d'autres étaient ou semblaient aguerris.
"Les prés perdus sont neutres.", dit Pawen.
"Rien de cassé au château ?"
"Non, heureusement. Simplement un message comme quoi l'Ailleurs menace. Ils comptent rayer la Terre et l'Edenilde des cartes pour avoir une indépendance."
J'ai acquiescé. C'était donc cela leur but ? L'Ailleurs était peuplé d'Absolus noirs. Après avoir été bannis d'Edenilde, ils ont créé un monde à leur image. Et aujourd'hui ils ne voulaient plus se contenter d'un seul.
"Hylios a rédigé une lettre au temple Absolu. Peut-être que d'autres personnes comme nous pourront nous aider."
Pawen acquiesça. Jaymery et Hylios se sont avancés. Pawen leur sourit faiblement. Hylios est venu à côté de moi.
"Pawen", dit Jaymery. "Tout va bien ?"
Pawen haussa les épaules. Jaymery le prit par l'épaule et l'emmena parler avec lui.
"C'est certain qu'ils vont parler de nous", dit Hylios.
"Pourquoi ça ?"
"Il a cherché pendant tout le trajet à ce que je lui en dise plus. Ce que je n'ai pas fait."
J'ai haussé les épaules. Tant pis.

Nous avons commencé à nous installer. Le campement était immense. Il fallait au moins ça. Nous étions loin des villages. Ce n'était pas les villageois qu'ils voulaient. C'était moi. Je suis restée un peu à l'écart. J'ai regardé le soleil se coucher sur les plaines. J'ai reçu une tape sur l'épaule.
"Bien joué, gamine !"
Je me suis retournée. C'était Pawen. Il arrivait à être continuellement lourd, peu importe l'occasion. Un rien pouvait le réconforter. Je suis restée de marbre. Il s'est assis à côté de moi.
"Non, sans rire. C'était pas pour ça que je venais."
J'ai continué à fixer l'horizon.
"Je t'admire vraiment, tu sais. Tu as pas un rôle facile. En plus tu es jeune et le fait que sois une femme n'arrange pas les choses. D'un autre côté, t'es pas trop comme les autres que je connais. Sofielle est passionnée de tout ce qui est robe, tissu et tout ça. Toi tu préfères les épées bien bourrines."
Il s'est tourné vers moi. Je lui ai jeté un regard discret.
"Mais tu vois, je pense que c'est comme ça que tu arrives à diriger. Les soldats ne te voient pas comme une épouse potentielle ou comme un objet. Ils te respectent. Et ça c'est beau, putain."
J'ai souri.
"Après ils respectent Sofielle aussi, puisque c'est une reine. Et ça en jette quand même. Tu veux boire un coup ?"
J'ai tendu le bras et il m'a filé une bouteille de lumineuse à peine entamée. J'y ai bu une grosse gorgée au goulot, puis je lui ai rendue. Il y but à son tour.
"Et puis... Savoir diriger, se défendre, tout ça... Tout le monde ne le fait pas."
"C'est Jaymery ou Hylios qui t'as envoyé ?"
Il rit.
"Aucun des deux, t'inquiète. Je me suis envoyé tout seul."
Il rebut une gorgée de lumineuse.
"Je voulais juste causer."
"C'est tout à ton honneur."
Il se tut un moment.
"Tu pense qu'on va la gagner, cette guerre ? Je veux dire... Je ne doute pas de toi ni rien... Mais nos adversaires ont du niveau..."
"Je sais. Mais nous devons rester forts. Si nos troupes ont peur, nous sommes perdus."

Le soir vint. Je suis rentrée dans la tente qui m'était attribuée. C'était la même que celle d'Hylios. Il y était déjà. Nous ne parlions pas trop. J'étais fatiguée. Cette guerre m'épuisiait. J'ai ouvert ma tunique pour voir l'état de ma cicatrice. En trois mois, elle avait bien cicatrisé. Trois mois. Déjà. À force d'arrêter le temps, je vivais plus longtemps que le monde. C'était presque un remède pour ne jamais mourir. Trois mois.
"Elle ne se voit presque plus", me dit Hylios.
J'ai acquiescé. J'ai ensuite défait ma ceinture et l'ai jeté dans un coin de la tente. Hylios me regardait en coin. Je ne disais rien. Il faisait bien ce qu'il voulait. Je n'arrivais pas à plus lui parler depuis la forêt. Pour moi, ça n'avait rien changé. Pour lui oui, apparemment. Plus le temps avançait, plus je me disais qu'un amour éternel n'était pas forcément un amour parfait. Et je connaissais mon problème. Je ne savais pas aimer. Pas comme lui. Je n'étais plus comme avant, à rêver de l'homme parfait en récitant presque automatiquement des chansons d'amour. Aujourd'hui, j'étais devenue quelqu'un de fort, et jamais les sentiments ne prendraient le dessus.

Le soleil se couchait sur la vallée. Je suis allée dormir aussi.

"Tu pense que cela est fait.
Que c'est fini.
Rien n'est fini.
Je ne dirai pas que rien a commencé.
Mais ça arrive.
Vite."

Edanaelda - Tome 3 - On ne peut se vaincre soi-même.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant