17

9 1 0
                                    


"Pourquoi tu t'en vas ?", me dit Hylios une fois dans notre chambre à Terre-Noire. "Je t'en prie, reste avec moi. Jaymery est déjà resté à Erminalle. Ne t'en va pas non plus. Tu te souviens de Vendel ? De lorsque nous étions en cavale ? Nous étions tous les trois, nous étions soudés, et c'était fantastique. Maintenant je vais me retrouver seul."
"Je suis désolée, Hylios. Mais je suis premier Pont avant tout. Et je dois veiller sur les miens."
Il posa ses mains sur mes épaules.
"Cesse cette folie par pitié. Nous sommes bien ici. Nous avons tous dû renoncer à quelque chose qui nous était cher. Mais ne cherche pas à sauver tout le monde, tu n'y arriveras pas. Terre est un monde sans foi ni loi. La guerre y fait rage depuis toujours. Ils n'ont jamais connu la paix universelle. Jamais. Alors fais-moi confiance. Reste."
"Comment sais-tu cela de Terre ?"
"Comm... Hein ? Car il y a beaucoup d'écrits là-dessus. J'en ai lu pas mal au Temple. Mais ce n'est pas la question."
J'ai soupiré.
"Je suis désolée, Hylios. Mais je dois m'en aller. Je t'aime et je t'aimerai toujours, ça ne changera rien. Mais je ne peux pas continuer à vivre ici. Ce sera trop douloureux. J'ai aussi des souvenirs de Terre qui ne sont pas mauvais. On m'a fait venir ici pour la guerre, tu sais. Comment tu veux que je reste ? Je souffrirai plus qu'autre chose."
"Mais tu ne garde pas que des souvenir de la guerre ! Il y a moi, il y a Jaymery, Pawen..."
"Je suis désolée. Toi, oui. J'ai des merveilleux souvenirs avec toi que je n'oublierai jamais. Jaymery, lui aussi est parti. Je ne le reverrai plus jamais. Et Pawen..."
"Quoi, Pawen ?"
"Tu sais... J'ai lu une fois l'une de ses lettres en allant dans la tente, pour préparer la guerre avec Jaymery. Et... Quelque chose me dit qu'il ne pourra pas vraiment être avec nous."
"Comment ça ?"
"Sofielle est enceinte. Elle attend depuis quelques mois un enfant."
Hylios resta bouche bée. C'est vrai que ça ne se voyait absolument pas, et même si Sofielle avait mis beaucoup de couvertures et de fourrures sur son ventre pour cacher sa rondeur, si je n'avais pas lu la lettre, je n'aurais jamais su cela. Hylios croisa les bras.
"Et puis alors ? Dans tout ça, qu'est-ce que je deviens, moi sans toi ?"
"Deviens la personne que tu es. Et je te promet que je reviendrai un jour."

Hylios était allé tout raconter à Pawen. Ça avait été contre mon gré, j'aurais voulu le faire moi-même, mais visiblement ce n'était pas quelque chose qui se faisait en Edenilde. J'ai donc assumé seule la tension qui régnait au dîner. Sofielle relevait de temps en temps la tête vers moi, et je lui lançait des regards emplis de tristesse. Je ne voulais pas qu'ils pensent que je les abandonnais. Je voulais qu'ils comprennent qu'il me faut, après un an, retourner chez moi.
"J'avoue que quand Hylios nous a dit que t'avais un souci, je pensais que vous étiez deux à être enceintes. Ça m'aurait fait marrer, j'avoue."
Sofielle lui administra une tape derrière la tête. Il lui jeta un regard provocateur.
"Mais... Que comptes tu trouver en Terre que tu n'as pas ici ?"
J'ai haussé les épaules.
"Je n'en sais rien."
Tout le monde a continué à regarder son assiette, sauf Pawen. Il me regardait dans les yeux, l'air sérieux.
"En tout cas, sache que les portes de Terre-Noire te seront toujours ouvertes."
Je souris.
"Et je viendrai m'y réchauffer quand les temps seront durs."

Je me suis préparée à partir. Ça allait être compliqué, mais il le fallait. J'étais là, seule, sur le  parvis du château. Sofielle vint dans mes bras.
"Au revoir, ma belle. Fais bon voyage."
Elle sourit, puis revint à la porte. Ce fut ensuite Pawen qui s'avança.
"Alors on se dit au revoir, maintenant ?"
"Je reviendrai."
"J'y compte bien, gamine."
Il retourna aux côtés de sa femme dans le château. Il ne restait plus qu'Hylios. Il s'avança.
"Tu..."
Je lui fit signe de se taire. Je me suis approchée et je l'ai embrassé. Il allait me manquer, peut-être bien plus que les autres.
"Je reviendrai te voir. Dès que j'aurai fini de voir le sang, de voir Mensol, de voir ces images."
Il me prit dans ses bras.
"Je ne t'oublierai jamais. Je te le jure."
"Moi aussi je te le jure."
Je l'ai regardé une dernière fois dans les yeux, puis je suis partie. Je savais comment retourner sur Terre. Alors j'y suis retourné.

Les plaines et le château ont soudain fait place à la rue, aux voitures, aux immeubles gris. Les gens étaient pressés, ils me bousculaient. Ah, s'ils savaient qui j'étais. Mais ici, je n'étais plus personne, et il fallait que je m'y réhabitue. J'ai regardé le ciel. Le vent balayait mes cheveux. Ils étaient devenus très longs. J'avais décidé de les faire pousser depuis que j'avais rencontré Hylios de la même façon que la reine Armirelle d'Erminalle pour son défunt mari Yauserev. Hylios. Hylios était quelque part, croisé entre le temps et l'espace, et il m'attendait. Il attendait que je revienne. Et je le lui ai promis.

Je reviendrai.

Edanaelda - Tome 3 - On ne peut se vaincre soi-même.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant