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"Qui va là ?"
Je me suis avancée. J'ai regardé le garde qui était en haut des remparts.
"Nous..."
Le garde reçut une tape dans le dos. Il se tourna vers la personne derrière lui et le laissa passer sa tête du haut des remparts. C'était Pawen.
"C'est qui ? Ah ! Mais c'est vous ! On vient d'avoir la nouvelle de votre victoire au fort d'Ermise à l'instant ! Allez, venez."
Le garde regarda Pawen un moment, incrédule.
"Mais... Majesté, vous êtes sûrs de..."
"Reste calme, je les connais bien, ils sont sympa. Tiens, regarde, c'est ça la confiance."
Il retira la couronne de sa tête et la balança du haut des remparts. Je l'ai rattrapée de justesse.
"Allez, entrez, je vous attend au château. Et ramenez moi ma couronne au passage."
Il s'en alla sur un clin d'œil et le garde soupira avant d'ordonner l'ouverture des portes de la ville.
"C'est un sacré numéro celui-là.", fit Jaymery.
Je souris.
"On peut dire ça."

Nous sommes entrés. Pawen nous attendait de l'autre côté de la porte, sur le seuil des escaliers de son château.
"Oh ma couronne, merci beaucoup !"
J'ai levé les yeux au ciel en souriant. Je lui ai tendu sa couronne et il la remit sur sa tête. Il nous invita à entrer.
"Sans rire, la guerre a dû être horrible. Je vous plaint. En tout cas je suis heureux que vous soyiez encore vivants, parce que je vous aime bien, quand même."
"Merci", dis-je.
Nous étions de retour dans le grand hall de Terre-Noire. Ça me semblait tellement lointain et en même temps tellement proche. Les dalles noires et blanches, les énormes pilliers de pierre... Puis la porte du fond s'ouvrit. Une Sofielle, changée elle aussi, fit son apparition. Ses cheveux bruns étaient devenus lisses, étaient moins longs et une mèche rebelle partait vers la droite au dessus de son front. Elle portait une petite robe verte. Quand elle me vit, elle se précipita dans mes bras.
"Mon dieu, j'ai cru que tu étais morte ! Vous allez tous bien ? J'ai eu tellement peur pour vous."
Elle me considéra de la tête jusqu'aux pieds.
"Il faudrait que tu prennes un bon bain ma belle. Je peux t'emmener à notre cascade en bas du château. C'est une espèce de lac aménagé dans le l'enceinte de la partie ouest."
J'ai haussé les épaules.
"On va faire ça. Je vais demander deux robes de bain."
"On peut venir avec vous si vous voulez", dit alors Pawen.
Sofielle soupira.
"Pawen, enfin... Ce sont des invités, s'il te plaît..."
Il se mit à rire. Hylios et Jaymery semblaient plutôt gênés. C'était facilement compréhensible. Sofielle interpella un domestique qui s'empressa de lui donner deux robes fines et opaques blanches. Elle me fit signe de venir avec elle, laissant les garçons dans le hall discuter joyeusement. Elle descendit des escaliers en courant. Bientôt, l'air se fit plus humides et les marches commencèrent à être mouillées. Nous sommes rapidement arrivées dans une grotte à deux entrées.
"Tiens, tu n'as qu'à prendre celle de droite et moi celle de gauche. Tu t'y changes et ensuite tu avance jusqu'à l'eau, d'accord ? On se retrouve au bout."
Sofielle avait raison, c'était vraiment un lac aménagé sous le château. On sentaut d'ici la vapeur d'eau agréable qui provenait de la cascade. Après avoir mis la robe de bain et avoir avancé, je suis entrée dans l'eau brûlante. C'était un véritable lagon à ciel ouvert. Au fond coulait la cascade qui faisait un bruit reposant. Sofielle était assise sur une pierre un peu plus loin des remous causés par la cascade et me fit signe de venir la rejoindre.
"Alors, qu'est-ce que tu en penses ?"
"C'est vraiment beau."
"N'est-ce pas ?"
J'ai acquiescé. Je colorais l'eau d'un sillage rouge dès que je passais quelque part. Ça faisait beaucoup de temps que je ne m'étais pas lavée intégralement, et je puais le sang et le crime. Le pire était mon visage et mes cheveux.
"Excuse moi deux minutes", dis-je.
"Mais je t'en prie."
Je suis descendue des pierres mousseuses et prit une grande inspiration avant de plonger ma tête sous l'eau. J'ai frotté mon visage de toute mes forces et ai passé de nombreuses fois mes mains dans mes cheveux. Visiblement ça marchait, car même si j'avais les yeux fermés, je sentais le goût du sang arriver dans ma bouche. Au bout d'un moment, je suis sortie.
"Ah, c'est tout de même mieux comme ça,", dit Sofielle.
J'ai souri. J'ai passé mes mains sur mon visage, et, pour la première fois depuis une semaine, elles n'étaient pas pleines de sang en train de sécher. J'ai souri encore une fois. Sofielle m'a tendu des huiles parfumées qu'elle cachait sous une feuille d'une plante vert turquoise. Je m'en suis appliqué un peu partout.

Quand nous sommes sorties, mon visage avait de nouveau sa couleur d'antan, mes cheveux étaient raides, fins, rayonnants et non plus collés et poisseux. Sofielle me fit signe de la suivre. Nous avons ramassé nos vêtements et sommes montées par un autre escalier qui menait dans sa chambre.
"Assied toi deux minutes. Je vais te chercher une robe et des accessoires."
Une robe ? J'imagine que je ne pouvais pas refuser. J'aurais préféré des pantalons pour y être à l'aise, mais je n'allais pas me plaindre. Sofielle revint avec une robe rouge au décolleté large.
"Tiens, mets la, je vais te chercher d'autres choses en attendant."
J'ai enfilé la robe qui m'allait parfaitement, heureusement pour moi. Elle était peut-être un peu trop décolletée, mais je pense que je ne pouvais pas me plaindre. J'ai touché mon omoplate. Elle mettait ma blessure à la vue de tous. Tant pis. C'est comme ça, je devais vivre avec, maintenant. Sofielle revint avec des perles qu'elle m'accrocha une par une dans les cheveux.
"C'est bon ! Tu es ravissante. Tiens, enfile ces chaussures et tu seras prête. C'est tout de même mieux ainsi, non ?"
J'ai hoché la tête, bien qu'à moitié sûre. J'ai enfilé les petits talons rouges perlés puis je suis sortie de la chambre.

Je suis arrivée avec Sofielle dans le hall. Hylios et Jaymery avaient été dépouillés de leurs vêtements sales et avaient reçu eux aussi des nouvelles tenues. Hylios avait de nouveau une chemise rouge et or, et Jaymery avait une armure de cuir brune. Ils se sont tournés vers moi.
"Oh, eh ben...", fit Pawen.
"C'est notre cheffe de guerre, tu te rends compte ?", lança Jaymery.
Hylios ne disait rien. Il parlait avec les yeux. Je lui ai souri.
~Tu es si belle.~
J'ai rougi. Jaymery avait compris que nous parlions par télépathie. Il se mit à sourire aussi. Je lui ai jeté un regard plein d'espoir. Je ne voulais pas qu'il le dise. Il détourna les yeux, toujours en souriant. J'ai soupiré.
"Cheffe de guerre", fit Pawen. "Ça donne presque envie d'aller guerroyer vaillamment.", dit-il en souriant.
Hylios se racla la gorge et Pawen se tourna vers lui.
"T'inquiète pas, toi. Je te la laisse, j'ai la mienne."
Sofielle semblait désespérée.
"S'il te plaît, Pawen..."
"Mais quoi ? Je rigole, Sofielle.", dit-il en souriant de plus belle. "C'est toi la plus jolie, ma chérie."
Elle sourit et leva les yeux au ciel.
"Bon allez, j'y vais. Je vais préparer des chambres.", dit-elle.
"J'y vais aussi", dit Jaymery.
"Je suis désolé, mais j'ai des choses à faire", lança Pawen.
On dirait un mauvais film d'amour. Même si Sofielle semblait être honnête, les deux autres étaient partis très subitement. J'allais demander à Hylios s'il savait ce qu'il se passait, mais il anticipa ma question et changea directement de sujet.
"Tu savais que l'alliance ne s'appelait plus ''l'alliance des trois Er'' mais ''l'alliance des quatre Er"?"
"Euh non. Mais c'est bien, Pawen doit être content."
Je voulais avoir une réponse. Ça me paraissait trop simple de changer de sujet comme ça.
"Pourquoi ils sont tous partis d'un coup comme ça ?"
Hylios fit mine d'hausser les épaules.
"J'en sais rien."
Il savait. On ne ment pas à une Clairvoyante. J'ai haussé un sourcil. Il m'a regardé en coin, l'air gêné.
"Je... peux aller voir Jaymery pour lui demander si tu veux. Mais ne t'inquiète pas, je pense que c'est rien."
Le "je pense que c'est rien" n'est pas anodin. Il n'y avait rien. Je n'ai donc pas insisté et je suis restée avec Hylios dans le hall. Il voulait simplement être avec moi.

Edanaelda - Tome 3 - On ne peut se vaincre soi-même.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant