1. Ezra

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Opalite - Martin Luke Brown
***

Je cours dans Los Angeles, perdu. La pluie s'abat sur mon crâne et martèle le sol en créant ce bruit sensé m'apaiser. Je ferme les yeux et laisse cette même pluie éteindre le mégot de cigarette coincé entre mes lèvres pincées.

Lorsqu'elle est partie, c'est comme si une partie de moi s'était éteinte, s'était perdue dans les profondes et sombres abysses de la mort. C'était comme si mon cœur était arraché en deux parties inégales.

J'accélère mon pas de course, essoufflé. Mon cœur tambourine dans ma poitrine ainsi que dans mes tempes mais je ne m'arrête pas pour autant. J'abats ma capuche trempée sur mon crâne même si ce geste ne sert pas à grand chose, je l'avoue. Les voitures roulent à mes côtés tandis que je reste sur le trottoir et ne sais pas où aller, aveuglé par la pluie.

Mes pieds sont gorgés d'eau, de même pour mes habits. Le temps que je rentre à la maison, je reste sur la même vitesse et reprends progressivement mon souffle. Une fois revenu, ma mère et Erik m'attendent pour dîner. Depuis le départ de Bonnie, son père est plus vulnérable et ma mère ne cesse d'aller rendre visite le mien à l'hôpital.

Moi, je me contente d'aller en cours et de participer aux soirées et faire acte de présence. J'ai dit à Lois que j'arrêtais quelques temps pour me concentrer sur mes études. Je veux me débarrasser de toutes les choses négatives qui ont fait que j'ai perdu Bonnie il y a quatre mois de ça.

Je monte rapidement prendre ma douche. L'eau chaude coule le long de mon corps et détend chacun de mes muscles. Je sors de la cabine et m'essuie avant de m'habiller d'un simple jogging et sweat-shirt.

Descendant en bas, je rejoins ma mère et Erik à table et les sert avant moi, par politesse.

— Alors Ezra, ta journée ? me demande gentiment Erik en buvant une gorgée de vin rouge qui doit certainement coûter un bras.

Je soupire et baisse les yeux vers mon assiette.

— Oh la routine, les cours et les exams. Rien de spécial. Et toi ?

Je finis mon assiette et lève les yeux vers les parents. Ma mère reste silencieuse et paraît attristée tandis qu'Erik me sourit légèrement.

— De même, le travail est assez fatiguant mais quand on bosse dans la plus grande entreprise de bijoux du pays, on ne peut espérer une pause ! rit-il.

Ma mère se joint à lui et lui prend la main pour ensuite me regarder et m'adresser un faible sourire. Nous n'avons jamais été très proches, depuis que mon père est dans le coma c'est comme si j'avais été rayé de la Terre. Il ne reste plus que sa précieuse petite compagnie et son nouveau mari.

C'est ridicule mais je ne peux pas lui en vouloir. Tout ce que je souhaite c'est son bonheur. Mais si mon père se réveille miraculeusement de son coma, que fera-t-elle ? Se le pardonnera-t-elle un jour d'avoir effacé mon père de sa vie amoureuse ?

— Nous avons fixés une date pour le mariage ! annonce ma mère, toute joyeuse.

Soudain, je me lève et sors de table sans en demander la permission puis, je monte dans ma chambre et claque la porte derrière moi. Je prie pour que papa se réveille et la raisonne, bien qu'Erik soit gentil et l'aime passionnellement, le véritable amour de ma mère est mon père.

Je vais ensuite dans la chambre de Bonnie et m'allonge sur son lit dont les draps portent encore et toujours son odeur fruitée. Je saisis le tissu en soie entre mes poings et le serre tout en l'apportant à mes narines. J'en hume la senteur que Bonnie a laissé derrière elle. Ce même parfum m'est impossible à oublier. Je laisse l'émotion me submerger et les larmes m'aveugler.

Je suis vulnérable à cause d'elle. Sans sa présence je ne suis rien d'autre qu'une âme brisée, incapable de se reconstruire convenablement par elle-même.

Je me relève et ouvre la porte-fenêtre pour ensuite me tenir devant le balcon donnant vue sur Malibu. Je vois quelques surfers et baigneurs s'amuser avec les belles vagues Californiennes et d'autres profiter du soleil chaud et accueillant, allongés sur les dunes. Une brise fraîche vient caresser mon visage alors que je ferme les yeux et me laisse bercer par le bruit des vagues se brisant sur le sable au loin.

Je pourrais partir à Londres, là, maintenant. Mais mes examens finaux sont dans trois semaines et ils faut que je les réussisse pour ainsi passer à ma dernière année à l'université. Lorsque je rouvre les yeux et fais face à la ville, je me rappelle des soirs où nous nous retrouvions avec Bonnie à cet endroit précis.

Je glisse une cigarette entre mes lèvres et l'allume.

Une main se pose doucement sur mon épaule et me fait sursauter. Je tourne la tête et vois ma mère qui me sourit avec tant d'innocence que j'en est presque l'envie de vomir. Je prends une bouffée de tabac et réoriente ma tête vers la ville.

— Ezra...

Je sais ce qu'elle va dire, qu'elle se taise.

— Tu sais que j'aime toujours ton père. Mais ça fait cinq ans qu'il est dans le coma et j'ai décidé de me reprendre en mains en épousant Erik. Tu dois comprendre que c'est dur et...

J'écrase mon mégot contre la rambarde d'un geste vif et impatient en contractant la mâchoire. Plantant mon regard dans le sien, je respire vite et fort.

— Arrête, maman. Tu veux juste refaire ta vie avec un autre homme pendant que ton pauvre mari souffre dans le coma et va peut-être mourir !

Ses yeux s'écarquillent de stupeur tandis que sa main s'écrase contre ma joue dans un bruit mat. Ma tête pivote sur le côté, ma peau s'échauffe, je serre les dents.

— Je t'interdis de parler de lui de cette façon. Et si ton père s'en sort, tant mieux. Il pourra refaire sa vie de son côté !

Je n'en crois pas mes oreilles.

— Pourquoi faire ? Il souffrira davantage en te voyant aux bras d'Erik, maman ! Tu ne te rends pas compte du mal que tu lui fais...

Elle soupire et reste silencieuse un moment. Je masse ma joue endolorie par la gifle qu'elle m'a infligé puis détourne les yeux vers l'horizon : le soleil commence à se coucher, le ciel est peint de cette couleur orangée magnifique.

— Je l'aimerais jusqu'à mon dernier souffle, Ezra. Seulement l'amour est effrayant, c'est variable et ça peut disparaître du jour au lendemain. Mais c'est un risque à prendre.

Je déglutis, elle a raison. Je pourrais avoir cette même excuse avec Bonnie : je l'aimerais jusqu'à ne plus avoir d'oxygène dans mes poumons.

— Je vois...

Ma mère pose ainsi sa main au-dessus de la mienne et m'adresse un mince sourire, un rien pour un tout.

— Je t'aime, Ezra. Ne l'oublie pas.

Je ne réponds pas et la regarde partir de la chambre de Bonnie. Je médite quelques secondes sur le sujet avant de reprendre une cigarette et de la consumer avec nonchalance, comme un putain de robot dont les mouvements quotidiens sont devenus automatiques au fil du temps.

Bordel, je suis perdu.

***

BONSOIR !

Vos impressions sur ce premier chapitre ?😘❤️

Bonne fin de week-end mes petites lunes <3

Nolwenn

Instagram 📸 : Rubism00n

Paradoxe (Tome 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant