Gemma passe une dernière fois l'aiguille et le fil dans le fin petit trou restant dans le jean de Melvin. Elle avait promis à son petit-fils de lui recoudre son jean et maintenant que cela est terminé, Gemma sait qu'elle va passer le reste de son mercredi après-midi à s'ennuyer. La vérité, c'est que Gemma s'ennuie toujours. Elle s'est occupée de toutes les manières possibles et imaginables depuis qu'elle est à la retraite. Mais la vieille femme de soixante dix-sept ans a épuisé son stock d'idées. Elle ne sait plus quoi inventer pour s'occuper. Tout l'ennuie à présent.
Gemma se lève lentement de son fauteuil et elle va déposer le jean de Melvin dans un sac contenant d'autres vêtements du petit garçon qu'elle a recousu durant cette pénible semaine. Elle grogne en se baissant pour placer correctement le jean dans le sac et un soupire de fatigue s'échappe de ses lèvres lorsqu'elle se relève.- La vieillesse est une plaie ..., déclare t-elle à voix haute en retournant s'assoir sur son fauteuil.
Elle a demandé à Zak, le mari de Sandra - sa fille unique - de placer ce fauteuil devant la fenêtre pour qu'elle puisse admirer la rue quand elle s'ennuie, bien qu'il n'y ai pas grand chose à voir de l'appartement C348. Enfin, plus maintenant. Avant, Gemma s'amusait à analyser ce qui se passait devant sa fenêtre. Mais ce n'est plus d'actualité puisqu'il se passe toujours la même chose et c'est lassant.
Gemma sait que le gérant de la petite supérette face à l'immeuble fume une cigarette tous les jours à 10h45, à 12 h50 et à 15h35. Elle sait aussi que la petite Sara de l'agence immobilière boit un café à 10h30 pendant sa pause. Café qu'elle va toujours acheter au Starbucks qui se trouve à quelques mètres de l'immeuble. Néanmoins, elle boit toujours son café devant l'agence, une cigarette à la main. Généralement, elle reste jusqu'à l'arrivée du gérant de la supérette qu'elle n'apprécie pas vraiment. Gemma a bien comprit que ce dernier avait lourdement dragué Sara qui est visiblement dégoûté par son allure. Gemma sait également que tous les vendredis à 16h34, la jeune et jolie Deb Donovan du B348 va louer un DVD dans cette boutique spécialisée au coin de la rue. C'est ce même jour et à 17h45 tapante que le jeune garçon du B349 rentre du travail. Monsieur Edwards. C'est son nom.
Gemma l'apprécie beaucoup parce que lorsqu'il la croise dans le hall avec des courses ou d'autres choses bien trop lourdes pour les pauvres bras de Gemma, il lui propose toujours et sans exception de l'aider à les monter jusqu'à chez elle. Et même, ce jeune homme est extrêmement poli. Il a toujours le sourire même si sa vie n'est pas toute rose. Gemma le sait et tous les locataires de cet immeuble le savent aussi. L'appartement B349 est le sujet de tous les ragots ici. Monsieur Edwards et mademoiselle Dolman - sa petite amie - sont les derniers à avoir emménagés ici. Du coup, tous le monde les observent et ça a empiré quand les habitants ont remarqué que ces deux là formaient un couple sujet aux longues et pénibles disputes que tous ont le loisir d'entendre dans ce miteux immeuble possédant des murs qui n'ont aucune isolation.
Gemma a un peu de peine pour eux parce que mise à part leurs disputes incessantes, ce sont de jeunes gens sans histoires qui ne méritent pas d'être jugés de la sorte par tout un immeuble. Mais bon ... Que peut-elle y faire ? Rien. Gemma soupire en dirigeant son regard vers le balcon du B349 qu'elle peut apercevoir de son appartement et plus particulièrement de cette fameuse fenêtre dans son séjour. Gemma a la " chance " d'avoir une vue d'ensemble sur ce balcon puisque son appartement n'est pas totalement au dessus de celui de monsieur Edwards et de mademoiselle Dolman, il est en diagonal on va dire.
Sur ce balcon, il y a seulement une table et deux chaises. Et en ce moment, il y a aussi mademoiselle Dolman, debout, un café à la main. Elle passe tellement de temps sur ce balcon que Gemma a pensé à la compter dans le mobilier extérieur ! Mademoiselle Dolman s'assoit sur une des chaises d'extérieur tous les jours sans exception. À chaque fois qu'elle rentre chez elle, elle s'y assoit et elle regarde la rue. Des fois elle fume. Plus souvent elle pleure. Rarement elle lit. Quelques fois elle s'y dispute, au téléphone ou en personne. Toujours avec monsieur Edwards évidement.
En ce moment, elle pleure ( NDA : média 😢💦💧 ). Gemma ne voit pas très bien malgré ses lunettes, mais elle sait reconnaître une larme. Et elle voit très bien la petite et fine goutte d'eau couler le long de la joue de la jolie mademoiselle Dolman. Gemma fit une moue. Cette pauvre jeune fille souffre mais personne ne l'aide.- Pleurer aussi souvent à cet âge, déclare Gemma en soupirant. Quel gâchis.
C'est au moment où elle dit cela qu'elle voit mademoiselle Dolman se retourner vivement vers la porte vitrée menant à l'intérieur de son appartement. Elle a l'air absolument terrifiée mais pourtant, elle rentre dans l'appartement.
Gemma se lève aussi de son fauteuil et elle ferme sa fenêtre et les volets. Si tout se passe comme d'habitude, mademoiselle Dolman se disputera avec monsieur Edwards pendant au moins vingt minutes. Après cela, elle ressortira sur son balcon et elle ne prendra même pas la peine de s'assoir sur une chaise pour pleurer encore et encore jusqu'à au moins 18h. Et Gemma en a assez de voir cela. Elle en a marre de voir tout le temps la même chose.
VOUS LISEZ
Point of view
RomanceUn univers. Une planète. Un monde. Un continent. Un pays. Une ville. Un couple. Une histoire. Un nombre déterminé de personnes qui vous la raconterons.