Vingt-trois heure

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Je l'observe dormir depuis un bout de temps, me demandant si j'aurai le courage de le réveiller dans quelques minutes à la gare de Daejeon pour que nous fassions demi-tour, ou si je craquerai pour son adorable bouille et le laisserai tranquille jusqu'à Daegu, nous rallongeant le trajet d'une quarantaine de minutes, en même temps que son sommeil. Mais au final, je ne peux me permettre d'imposer cela à Namjoon et Jimin qui nous attendent déjà bien gentiment à la gare de Séoul, en plus de tout le reste. Après cette aventure, si les deux ne nous maudissent pas, j'en mangerai mon piano.

Un petit rire pincé sort du coin de mes lèvres. Evidemment qu'ils ne nous maudiront pas, ils seront bien trop heureux de nous voir auprès d'eux, ensemble qui plus est. J'imagine déjà le sourire complice que me glissera le grisé, et le rire que Jimin aura du mal à réfréner. Mais même sans cela, les deux sont bien trop généreux, soucieux de rendre service, d'arranger la vie d'autrui pour ne serait-ce que froncer les sourcils. Ils me l'ont prouvé, à maintes reprises, que leur cœur et leur abnégation pourraient contenir le monde entier. Je m'autorise un sourire légèrement niais, comptant sur le fait qu'Hoseok est trop enfoncé dans les limbes du sommeil pour le remarquer.

Cet idiot ! Est-ce qu'il sait ce que sa présence et sa déclaration ont déclenché en moi ? Des putains de montagnes russes, voilà ce qu'il en est. J'ai fait le fier devant lui, celui qui avait tout prévu, tout deviné, j'en étais mort de trouille intérieurement. J'ai eu l'impression que ses yeux m'englobaient tout entier, et que ses mains tiraient, tiraient sur mon cœur pour l'étendre, le rendre énorme, le faire déborder de toutes parts. Et lorsque je l'ai embrassé, ç'avait été totalement impulsif, impossible à contrôler comme si je n'étais plus maître de mes gestes. Je le sentais si proche et si loin en même temps, tout ça accompagné d'une impression de flotter totalement angoissante et électrisante, il avait fallu que je me raccroche à quelque chose. Et sa bouche m'avait paru une bonne solution, un juste milieu entre la réalité et le fantasme. Et ce fut une bonne solution, avant qu'il ne me dévore. J'avoue que ça m'avait plu, au départ, cette alchimie qui s'opérait, son contact, son odeur qui provoquait mille fourmillements de délice. Puis il a commencé à m'écœurer, me dégoûter. Ses lèvres furent voraces, sa chaleur indécente, et je ne pus continuer. C'est seulement une fois nos peaux séparées que la sensation d'euphorie me reprit. J'étais, et le suis toujours, profondément heureux qu'il soit revenu me trouver, même avec nos doutes qui persistent. La conclusion que j'en retiens est que durant un jour à ses côtés, j'ai fait plus de progrès qu'en deux ans de thérapie, mais qu'il a tout de même ses limites, tel tout bon traitement qui se respecte, et il reste un chemin à parcourir, psychologiquement. Qu'importe, si cela revient à dire qu'il faut que je côtoie plus longtemps le roux afin que les choses rentrent dans l'ordre, je le ferai avec grand plaisir. C'est le plan, de toute manière.

Mon regard glisse sur l'heure affichée à mon écran puis sur son visage qui ballote dans le vide. Il lui reste deux minutes de paix avant le dur retour à la réalité. Ce qui est aussi mon cas. Il me reste cent vingt secondes pour observer ses traits en toute impunité. Quoi ? Allez pas me dire qu'il ne l'a pas fait de son côté lorsque je dormais dans son salon, je ne vous croirais pas.

Ses cils sont plus épais que ce que j'imaginais, un panache qui repose tranquillement sur ses pommettes hautes et roses dont je découvre un certain appétit à embrasser. Son nez est droit, franc et termine en un petit bout que je qualifierais de malin. Ses lèvres sont entrouvertes et laissent échapper sa respiration lourde et bruyante. Mais comme la troisième personne qui peuple ce wagon a son casque sur les oreilles, je ne vois pas qui ça gênerait. Ses cheveux flottent en un vif halo autour de son crâne, illuminant sa peau de reflets irisés. A moins que ce soit dans mon imagination seulement. Ses traits semblent enfin complètement détendus, pour la première fois de la journée, et j'espère avoir l'occasion de l'observer plus souvent dans ces conditions, car il se révèle encore plus beau ainsi. Evidemment, je le trouve beau de manière générale. Il est incroyablement attirant lorsqu'il revêt son masque de confiance, dégageant prestance et force, mais aussi attendrissant lorsqu'il confie ses peurs, et me donne envie de me blottir dans ses bras jusqu'à ce que le peuple des rêves m'embarque lorsqu'il vient à mon secours. Cependant, ainsi livré à mon bon vouloir, entièrement et complètement serein, c'est comme cela qu'il m'est le plus précieux.

24h pour se plaire [Sope]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant