Minuit

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L'ambiance est saturée. Électrisée. Ça sent l'alcool à plein nez, leurs effluves montant au cerveau de quiconque passerait le pas de la porte de cette maison sans prétention de quartier résidentiel. Ça empeste la transpiration émanant de tous ces corps collés les uns aux autres dans le but de se divertir le temps d'une soirée, de partager leur euphorie avant de retourner à leur routine millimétrée. Ça sent aussi la cigarette, cette odeur âcre et répugnante mais qui au fond me plait bien. Pas que je sois un gros fumeur, loin de là, me servant plutôt de l'excuse « soirée » pour m'en cramer une. Je suis de ceux qu'on range dans la catégorie fumeur occasionnel. Et aujourd'hui est l'un de ces jours d'exception justement, et j'en ai déjà grillé deux. Mais peu importe, ma santé ne prime pas ce soir. Nous sommes plutôt tous réunis ici pour en souhaiter à quelqu'un d'autre, de santé. En effet, si je me suis retrouvé dans ce salon bondé de monde qui se déhanche à qui mieux mieux sur un rythme endiablé, c'est parce qu'un de mes meilleurs amis a un petit faible pour les soirées réussies, et que pour rien au monde il ne manquerait d'en faire une pour son propre anniversaire. Petit péché qui me plait bien d'ailleurs, j'aime autant faire la fête que cet imbécile, si ce n'est plus.

Cet imbécile, comme je le nomme affectueusement, s'appelle en réalité Park Jimin. Petit bout d'homme plutôt bien bâtit en carrure, un peu moins en taille mais qu'importe, il en jette tellement avec ses biceps et son six pack que peu de personnes ont l'envie suicidaire de s'y frotter. Particulièrement quand on sait que son petit ami est nul autre que Kim Namjoon, qui bien que pas très épais, semble fort impressionnant du haut de son mètre quatre-vingt-un et de sa mine sérieuse, d'autant plus lorsqu'il utilise son cerveau hors norme pour vous lancer des piques dont vous ne ressortez rarement indemne, blessé profondément dans votre amour propre par sa verbe légendaire. Ils se complètent bien tous les deux. Et non, je le répète, personne n'a envie de se frotter au couple Park/Kim, au risque d'en ressortir le visage en compote, ou bien pleurant sa dignité disparue.

Mais on n'est pas là pour parler de ce qui pourrait se passer si on en venait à leur chercher des noises, pas vrai ? La quarantaine de personnes présentes, approximativement, sont plutôt rassemblées en cette douce soirée d'octobre pour souhaiter à cette tête rousse et turbulente un joyeux anniversaire, et tous leurs vœux de bonheur pour sa vingt-troisième année sur cette Terre. Nan je déconne, la plupart est venu se murger la gueule et passer du bon temps, les soirées de Chimchim étant réputées pour être mémorables au campus. Bien sûr que certains avaient de bons sentiments en se rendant ici, mais ils ont fondu comme de la neige au soleil devant les traitres cocktails servit par le traiteur, appelé exprès en cette occasion. On ne rigole pas avec les soirées quand on s'appelle Park Jimin et qu'on a des parents aussi blindés que les siens. Et moi alors, pourquoi me suis-je rendu à cette soirée à la base ? Certainement pas pour l'alcool, n'en étant pas un grand fan. J'aime à la rigueur l'amertume de la bière qu'il m'arrive de siffler de temps en temps, mais je tiens tellement mal l'alcool que je l'évite comme la peste. Il m'est arrivé trop souvent de me retrouver dans des situations compromettantes à cause de cette boisson vicieuse. C'était donc en partie pour mon cher ami qui compte pour moi, qu'importe ce que j'en dise, que je suis ici, mais surtout pour la piste de danse.

Cet espace, c'est mon espace à moi, celui où je peux m'exprimer comme je le veux, où je peux devenir celui que je veux. La musique à mes oreilles entraine chaque partie de mon corps, les meut à son bon vouloir pour une chorégraphie sophistiquée. Je n'en ai même plus conscience, de ce corps. Il est animé de sa volonté propre, répétant les gestes mille fois exécutés depuis ma plus tendre enfance. C'est ce qui nous a rapproché au départ avec Jimin, notre passion pour la danse. Les autres à l'école nous trouvaient bizarres, c'était absurde de leur point de vue de parler avec le corps pendant des heures plutôt qu'avec de vrais mots. Mais eux ne savent pas ce que c'est de s'exprimer par gestes, eux ne sauront jamais décoder le langage subtil du corps qui en raconte mille fois plus qu'une langue seule ne pourra jamais faire. Tant pis pour eux, qu'ils restent dans leurs esprits étriqués et aveugles, moi je préfère danser que de les convaincre de mon point de vue qu'ils ne comprendront de tout de façon jamais. Le temps est trop précieux pour le gaspiller de la sorte.

24h pour se plaire [Sope]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant