Les yeux rouverts après un court somme, Aaron admirait ce qui lui semblait être le plafond d'une chambre.
L'infirmerie si terne de son école n'était pas l'endroit qu'il appréciait le plus, mais bien l'un des seuls où il se sentait en sécurité: personne ne venait le déranger en ces murs. Bien que l'infirmière ne savait que faire pour l'aider dans ses crises de panique, il arrivait toujours à retrouver son calme dans cet endroit.
De plus, le silence et l'absence de foule lui faisaient du bien et l'apaisaient grandement.
La gérante de la pièce s'étant éclipsée (c'était à se demander si elle avait un jour été utile à son poste), Aaron aurait dû être seul dans cette pièce.
Il détourna alors lentement le regard du plafond, apercevant au passage les affiches de prévention déprimantes contre la cigarette, pour le fixer sur l'individu assis sur la seule chaise de la pièce, normalement vide.
Il ne se donna pas la peine de lui adresser la parole et referma les yeux, feignant de dormir. Toujours anxieux face à cet individu dangereux, il ne pouvait s'empêcher d'être ennuyé par ses apparitions répétitives. Un déclic parvint à ses oreilles avant qu'une odeur de tabac n'envahisse ses narines.« C'est un endroit non fumeur.
- Ah bon.»Clay rigola un court instant, et amena à nouveau la cigarette à sa bouche. Il se moquait ouvertement de la remarque d'Aaron, et infligeait inconsciemment un grand stress au brun encore allongé. Celui-ci contenait du mieux qu'il pouvait son angoisse, et n'arrivait toujours pas à comprendre la raison de cet acharnement.
« J'ai pas beaucoup d'argent.»
Le fumeur lança un regard confus à l'autre, et son sourcil droit tressaillit furtivement. Après un instant, il secoua la tête en souriant, comprenant enfin l'insinuation de cette phrase.
« C'est pas ce que je cherche.»
Il ne savait pas bien lui-même ce qu'il cherchait, mais se trouvait intrigué par Aaron et ses réactions. Le calme apparent qu'il gardait étonnait Clay qui avait envie d'en voir plus. Il voulait voir à quel moment l'autre craquerait, à quel moment laisserait-il la peur dominer tout le reste ?
Il voulait provoquer la crainte chez cette personne si stoïque, et ce par pure curiosité.
Sans un mot, il se leva et quitta la pièce, abandonnant sa cigarette encore allumée au milieu de l'infirmerie maussade. Aaron s'était déjà rendormi et Clay décida de ne pas le perturber plus, du moins pour aujourd'hui. Il n'avait plus envie de jouer.Dehors le temps était glacial et la pluie glissait sur ses chaussures en cuir. Il avait une nouvelle fois envie de fumer, regrettant d'avoir jeté sa cigarette à moitié entamée. En cherchant dans ses poches, il trouva son paquet de clopes mais son briquet manquait à l'appel. Agacé d'avoir à nouveau égaré ce petit objet, il s'orienta vers la première personne qui croisa son chemin.
« Eh, vous auriez pas du feu ?»
L'homme se retourna. En un coup d'œil, le fumeur le détailla des pieds à la tête. Costume. Cravate bleue. Montre au bras gauche.
Et un mouchoir de poche brodé d'une forme de T.« Mh, non merci, en fait.»
Il se remit à marcher, mais sentait bien que l'homme en costume le suivait. À un coin de rue, un autre homme aux habits similaires apparut. Clay était dans une belle merde. Il se mit finalement à courir. Manque de chance, un autre homme apparu juste devant lui à une intersection et l'attrappa par la nuque. Il reçut une forte et brève décharge électrique, et toute son énergie quitta son corps. Il fut rattrapé par deux d'entre eux, qui le mirent alors inutilement sur ses pieds, et trainèrent son corps paralysé dans les rues de la ville.
Ces hommes en costume l'avaient acheminé jusqu'au troisième étage d'un immeuble à mauvaise allure, après un long trajet sous la pluie. Ils s'arrêtèrent à l'entrée d'un appartement et restèrent silencieux, tandis que l'un d'eux actionnait la poignée. Tout était organisé et précis.
Devant eux s'ouvrit un couloir blanc immaculé où ils s'arrêtèrent. Les trois hommes se réunirent autour de Clay ayant maintenant reprit possession de son corps, et s'occupaient à remettre ses vêtements bien en place. L'un d'eux tendit même la main pour remettre ses cheveux bouclés en place, mais le regard méprisant de Clay lui fit retirer son geste. Il entra seul dans la pièce au bout du couloir, qui contenait un sofa dans lequel il s'assit nonchalamment, et renvoya les trois hommes d'un signe de tête.« Tu leur demande de me taser maintenant ?»
Le fauteuil derrière le bureau en face de lui se retourna à sa parole. L'homme assis dessus avait visiblement déjà dépassé les soixante ans et arborait plusieurs bijoux de valeur, qui semblaient tous peser beaucoup trop lourd pour son corps. Son visage ridé et ses cheveux blancs le rendaient vieux et aigri, trahissant l'aspect jeune et robuste qu'il tentait de se donner. Un patron vieillissant qui ne s'avouait pas avoir terminé sa période de gloire. Sa voix gueulante résonna dans la grande pièce.
« TU DISPARAIS APRÈS AVOIR ÉLIMINÉ UN DE MES AGENTS ET TU VOUDRAIS QUE JE TE FASSE DES CARESSES ?»
Sans payer attention à ces remarques, Clay prit le briquet qui traînait sur le bureau si peu rangé de son père pour allumer une cigarette. Il préférait regarder les gouttes de pluies sécher et rouler lentement sur ses bottes plutôt que de l'observer meugler sans fin. Il fallait qu'il lui crie dessus à chaque écart, et beaucoup trop de choses commises par son fils semblaient être un écart au yeux du père.
Aujourd'hui, la faute en question était l'absence pourtant si habituelle de Clay, que le vieil homme ne pouvait plus supporter. Et à l'entendre parler, le meurtre qu'avait commis son fils la veille semblait être une erreur de parcours minime comparé à son absentéisme.
Clay attendit qu'il y fasse une quelconque allusion négative, qui démontrerait qu'une once de bon sens se cachait dans ce monologue colérique. L'attente ne portant pas ses fruits, il tira à nouveau dans sa clope et ferma les yeux l'instant d'une expiration.«.. et retourner à ton entraînement ! Tu ruines ma réputation.
- Ha. Ta réputation de tueur ?
- HONORES TA POSITION. Avec tant d'insolence je comprends qu'aucun autre général ne veuille de toi. La vie que j'ai choisi pour toi est tracée, et tu préfères vivre comme un pauvre dégénéré.
- Un CITOYEN NORMAL.
- Imbécile. Tu est mon FILS et JE décide de ton futur. Ma descendance ne sera pas une tafiotte sans fric et sans utilité. Ta vie sera à l'armée, la décision n'est pas négociable. »Lassé, Clay lança sa cigarette enfin terminée sur le bureau de son patriarche avant de se lever et de poser ses deux mains sur la surface froide.
« Tu peux rien faire pour m'y forcer, vieux con.»
Il quitta immédiatement la pièce en claquant la porte, laissant son père crier aux murs toutes les insultes qui lui venaient à l'esprit.

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forbidden touch
Romance« Recule. J'ai dit, RECULE ! » ※ Aaron ne le supporte pas. Ça le brûle. Il en est terrifié et il ne veut plus y refaire face. Il a peur du contact physique.