Tous les jours. Après l'école. Il attendait à la maison. Je le détestais.
Mais je ne pouvais rien faire. Elle m'obligeait à rester et partait en ville. Il arrivait. Toujours avec une bouteille presque vide. Il me criait toujours dessus. Je n'avais rien fait. Des fois je ne le comprenais pas. C'est là qu'il cassait la bouteille par terre. Il me la lançait dessus quand elle était en morceaux.
J'avais mal. Mais je devais me taire. Ne rien dire. Ne rien montrer. C'est ce qu'elle m'a dit. Je pensais qu'il voulait que je la répare, la bouteille. Je ne comprenais pas. Il se rapprochait. Criait. De plus en plus fort. Il me tapait. Partout. Partout où c'était possible. Il me jetait par terre. M'écrasait. Je pleurais. En silence, toujours.
Chut.
Je devais le laisser faire. Quand il sortait de la pièce, il revenait avec une ceinture. Et il recommençait à me frapper. Avec la ceinture. Je n'avais rien fait. Je ne faisais rien. Je ne comprenais rien. Un jour j'ai crié. Il était encore plus fâché. Alors j'ai arrêté. Mais il continuait. Ensuite elle revenait. Il sortait. Et elle me regardait. Elle me regardait pleurer. Des fois elle souriait. Elle semblait contente. Quand je m'arrêtais elle me soignait. Et le lendemain tout recommençait. Elle savait ce qu'il faisait. Pourquoi elle ne disait rien ? Elle me soignait mais il recommençait. Un jour je n'ai pas voulu de ses pansements. Ils ne faisaient rien. Ils étaient nuls. Alors elle l'a appelé, et il a recommencé. La journée, j'apprenais des jolies chansons à l'école. Je ne les chantais jamais. Je ne pouvais jamais chanter.Aaron s'était pris un savon pour avoir laissé un mégot par terre dans un lieu public, mais surtout pour avoir osé fumer dans l'infirmerie. Il n'avait jamais fumé de sa vie et détestait l'odeur du tabac, mais il n'avait eu ni la volonté ni la force de contester ou d'accuser une autre personne.
Il se laissa alors crier dessus comme il savait si bien le faire. Ça aussi, c'était devenu une habitude.
De toute façon, l'infirmière n'avait vu qu'Aaron assoupi dans ce lit, et personne d'autre dans cette pièce. Alors il ne voulut pas s'efforcer de convaincre cette femme épuisante qu'il avait bien vu quelqu'un, pensant qu'elle le prendrait pour un menteur. C'était bien la dernière réputation qu'il comptait avoir.En rentrant chez lui, il marqua un arrêt chez le serrurier le plus proche et se procura un verrou que le marchand lui avait vendu comme "celui qui pètera jamais même sous la force, Monsieur!".
Il installa prestemment celui-ci dès qu'il eût fermé la porte de chez lui. Il avait acheté cet appartement et avait tous les droits dessus. En y pensant, c'était bien tout ce qu'il avait de réellement personnel. Raison de plus, pensa-t-il, pour garder ce lieu calme et aussi sécurisé que possible.
Il ne voulait plus être dérangé de bon matin, ni risquer une autre infraction tardive et encore moins risquer sa vie en laissant la porte "ouverte" aux inconnus. Il s'endormît en se demandant si le lendemain serait un jour plus paisible à vivre que les autres.xxx
« Alors, t'as bien dormi à l'infirmerie ?»
Cette voix impatiente et d'une tonalité forte, appartenait à celle surnommée par plusieurs dans son dos :
"le bulldog justicier".Dans ce cours spécial de ''gestion de soi'' où la direction s'était contentée de réunir tous les genres de cas particuliers, la majorité s'avérait être des personnes souffrant de trouble de la concentration.
Il y avait aussi quelques dépressifs, et le reste étaient des cancres se prenant beaucoup au rôle d'idiot violent. Cependant, ils avaient tous coché l'option de prendre ce cours en début d'année, bien orientés (et forcés) par le questionnaire de santé mentale mis en place par l'école à l'inscription.
Plus il les regardait, plus Aaron était convaincu que ces faux cancres compensaient le manque d'action dans leur vie d'étudiant par des jurons à tout va et des provocations de disputes. Il leur fallait plus que d'être assis sur une chaise et d'écouter la voix monotone des enseignants, et sur cette idée Aaron les rejoignait.Ils aimaient créer des problèmes pour mettre un peu de piment dans leur vie, et surtout car c'était peut être l'une des seules choses qu'il savaient faire sans réfléchir.
Il était certain que ces élèves étaient en fait bien plus intelligents que la normale, et prétendaient volontairement ce manque d'intelligence pour accéder à ce module et ses notes faciles.
Futés, ces idiots.Ils faisaient partie de ceux qui avaient inventé ce surnom de "bulldog justicier" pour la personne qu'ils n'appréciaient pas. Elle répondait toujours à leurs provocations lorsqu'elle avait raison, ce qui lui valait une certaine crédibilité auprès de la direction quand elle leur rapportait les faits. À cause de cela, ils évitaient généralement de l'approcher, de peur de se faire réprimander. Suite à plusieurs scandales causés par cette même personne, risquant de les faire renvoyer, certains la détestaient.
Aaron s'installa un peu plus confortablement sur sa chaise et s'appuya contre le mur à sa droite, pour enfin répondre à la question qui venait de lui être adressée.
« C'était comme une prison. Fun. Tu devrais essayer.
- Comme si t'avais déjà fait de la prison, à ton âge.»Elle lui tournait le dos, et semblait plus concentrée à limer ses ongles qu'à mener une conversation sérieuse avec Aaron. Les boucles de ses longs cheveux s'agitaient sur son avant bras à cause des aller-retours frénétiques qu'elle effectuait. Le genre de personne à bouger la main vide plutôt que la main tenant la lime.
Après un moment à fixer le dos de sa chaise et ces cheveux bouclés, Aaron continua la conversation.
« J'ai fait une crise de panique, Meldann.
- Ouais, je sais, c'est pour ça que t'es allé à l'infirmerie.
- Jeudi aussi.»Celle-ci marqua une pause dans ses mouvements et se retourna, dévisageant Aaron avec inquiétude.
« Putain, me dis pas que tes cauchemars reviennent ? »
Il ouvrit la bouche pour parler mais la referma aussitôt. Il voulait lui raconter ce qu'il s'était passé jeudi soir mais doutait qu'elle ne le croive une seule seconde.
En faisant le récit de ces deux derniers jours dans sa tête, tout lui revenait avec incohérence et semblait directement sorti du scénario d'un thriller. Le fait qu'il ne comprenne pourquoi tout ceci lui était arrivé n'allait pas lui faciliter la tâche.De plus, Meldann était une bonne amie, mais Aaron n'osait lui confier un secret la mettant en relation avec une personne dangereuse.
Et si jamais elle appelait la police ?
Est-ce que c'était réellement la personne à prévenir ?Après un moment à contempler le vide, il remarqua que Meldann attendait toujours sa réponse.
« Si quelqu'un t'a touché, je le tue.»
Cette remarque fit pouffer Aaron.
Elle avait aussi un problème avec le contact physique, mais différemment.
Pour elle, chaque personne qui la toucherait volontairement en la regardant droit dans les yeux cherchait à la provoquer. Elle voyait cela comme une dominance ou une menace. Les chiens possèdent le même système de pensée, en effet.C'est donc de cette façon qu'elle avait obtenu son titre, et plusieurs prises de tête avec la moitié de cette classe, qui craignait maintenant quotidiennement d'être un peu trop proche d'elle. Bien sûr, pour la direction il ne s'agissait que de self défense de sa part.
Elle était aussi devenue une sorte de garde du corps pour Aaron, s'attribuant elle-même le rôle de le défendre. Elle s'était prise d'un genre d'affection fraternelle pour lui en voyant la façon dont il restait à l'écart des autres. Aaron profitait de cette protectrice le temps de ces quelques heures de cours toutes les semaines, bien qu'il ait compris que la pitié menait ce comportement chez Meldann. Prendre soin de ce qui semble plus faible, pour que personne ne vienne le déranger.Personne. Sauf quelqu'un d'un peu trop envahissant.
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forbidden touch
Romance« Recule. J'ai dit, RECULE ! » ※ Aaron ne le supporte pas. Ça le brûle. Il en est terrifié et il ne veut plus y refaire face. Il a peur du contact physique.