Un cadavre au mauvais moment

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Tout le monde se tait et essaie de comprendre ce qu'il se passe.
Quelques hommes se précipitent dans sa maison. Ils finissent par en sortir et Wahid, le ton lugubre, annonce:

"Soliman l'infirme, fils de Mohamed le brave, est mort, pendu, aujourd'hui, dans sa 35ème année. Que les dieux l'accueillent comme il se doit.

"Pendu? Soliman a été pendu? S'exclame Samir, le père de la journaliste.

Un autre silence suit. Plusieurs têtes se tournent vers Meryem, cachée derrière Antoine.

Fatima, qui continue de pleurer s'écrie :

- Non! Ce n'est pas Meryem! Elle n'y est pour rien.

Puis elle se tourne vers le ciel et clame :

- Mon fils! Mon fils! Je jure que je vengerai celui qui t'a fais ça ! Je le jure!

Un homme dit alors:

- Mais et s'il s'est suicidé ?

La vieille dame braque alors sur lui un regard noir, rempli de haine:

- Mon fils avait trop d'honneur pour s'abaisser à cela. Soliman était un homme, un vrai.

Pendant ce temps, Rachid s'efforçait d'expliquer le plus clairement possible les évènements aux voyageurs et Meryem en faisait de même pour Antoine.
Emily se sentant mal, Frédéric l'asseoit sur une bûche et lui fait de l'air en agitant sa main. Marie aussi est effondrée, Éric s'occupe d'elle.

Soudain, Samir prend la parole, mettant fin aux questions qui commençaient à germer dans les esprits.

- Que tout le monde rendre dans sa maison et n'en sorte pas avant l'aube. Fatima, tu viens dormir chez moi, ajoute-t-il. Avec des volontaires, nous nous occuperons de tout cette nuit.

Puis, prenant un ton plus grave:

- Nous trouverons le ou les coupables s'il y en a."

Sur ces paroles, la plus part des villageois et tous les voyageurs, qui avaient interdiction formelle de les aider, rentrèrent chez eux.

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" Que tu sois maudite ma fille pour avoir fait une telle chose!

Meryem est assise dans un cachot, et derrière les barreaux se trouvent en premier son père, puis tous les villageois.

- Demain, poursuit Samir, demain tu seras exécutée pour ce que tu as fais, ignoble créature. Tu n'as aucune pitié à attendre de nous. Tu as tué Zédébé. Tu l'as tué tu entends?

Se tournant vers le peuple il crie:

- Faites ce que vous voulez cette nuit tant qu'elle reste vivante.

Les gens se mettent à lui lancer des pierres.  Pleins de pierres. Pendant plusieurs heures. Se lassant, ils rentrent chez eux. La nuit reprend place, silencieuse et noire.
Meryem, blessée, est recroquevillée sur elle même.

- Pssst! Meryem! Tu m'entends ?

La jeune fille de 15 ans se relève avec difficulté et voit Soliman en train d'ouvrir le cachot, tenant un sac à la main.

- Je suis là maintenant. Ne t'inquiètes pas.

Il commence à l'osculter puis il soigne ses plaies, lui donne à manger et la fait boire. À peu près rétablie, Meryem lui demande:

- Pourquoi? Pourquoi tu fais ça ?

- Tiens, prends ce sac. Il y a tout ce dont tu as besoin, dit-il pour seule réponse.

Il aide la jeune fille à se relever et lui met le sac sur ses épaules meurtries.

En silence, ils se dirigent à la sortie du village.
Il n'y a aucun bruit, aucune lumière. Tout est calme. Le ciel est parsemé d'étincelles dorées et fendu par la voie lactée. Rien ne laisse penser qu'il y a plusieurs minutes la tribu jetait des pierres sur l'une des leurs.

- Tu as juste ce qu'il faut en nourriture et en argent pour rejoindre le bord de mer, chuchote Soliman. Je t'ai aussi mit des vêtements, une tente et du matériel d'orientation. Avec ça tu devrais pouvoir traverser le désert.

- Pourquoi tu fais tout ça ? Demande une deuxième fois Meryem.

- Parce que...parce que je t'aime Meryem.

Là dessus, ils s'embrassent tous les deux. Des papillons leurs volent dans le ventre. Plus rien n'existe durant ces secondes de pur bonheur.

- Pars maintenant, lâche Soliman, pars avant qu'il ne soit trop tard.

- Attends!...

Trop tard. Les larmes aux yeux, le cœur encore fou, elle regarde son sauveur, retourner chez lui presque en courant.

La fille du désertOù les histoires vivent. Découvrez maintenant