Chapitre 3 - La flèche empoisonnée

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Unbelievable – Kaci Brown


Thomas Ménard est devenu mon voisin l'année de nos six ans. Sa mère venait d'épouser Patrick, le crétin de la maison d'à côté. Ils se sont installés chez lui un matin du mois d'août. Un mardi, je crois. Une Ford blanche est venue se garer devant notre portail décrépi et des cartons se sont accumulés le long du trottoir. Je jouais à la corde à sauter dans mon jardin lorsqu'un bruit m'a alertée. Intriguée, je me suis approchée de la clôture qui séparait les deux jardins, histoire d'observer ce qu'il se passait de l'autre côté. Alors que le voisin et une petite femme brune au teint mat portaient des cartons à l'intérieur de la maison, un garçon, qui me donnait l'impression d'avoir le même âge que moi, pleurait contre un tronc d'arbre. Après une courte réflexion, j'ai soulevé la latte en bois cassée de notre clôture pour passer de l'autre côté. J'étais suffisamment menue pour me faufiler aisément au travers. Lorsque je suis allée à la rencontre du nouveau voisin, ce dernier avait toujours la tête plongée entre ses bras. Comme il ne m'a pas entendue arriver, je me suis raclé la gorge afin de lui signaler ma présence. Il a sursauté tout en relevant la tête dans ma direction. Il était tellement beau. Sa peau était mate, comme celle de la dame qui déballait les cartons chez Patrick. À l'éclat du soleil, ses cheveux châtains prenaient de belles nuances blondes et cuivrées. Quant à ses grands yeux noisette, ils étaient tellement expressifs que j'ai immédiatement décelé la détresse qu'ils contenaient. J'ai d'ailleurs eu beaucoup de mal à détacher mon regard de ses traits parfaits.

— Pourquoi tu pleures ? ai-je demandé, attristée de le voir aussi peiné.

— T'es qui, toi ? Et comment es-tu entrée ici ? m'a-t-il agressée d'un ton sec.

Je ne me suis pas démontée pour autant.

— Je suis Ella, la voisine d'à côté.

Son visage s'est immédiatement radouci. Peut-être a-t-il eu honte de s'être fait surprendre en train de pleurer par une fille ? Ah, ces garçons et leur fierté en carton... Je lui ai souri timidement afin de l'encourager.

— Je m'appelle Thomas, a-t-il fini par me répondre.

— Enchantée, Thomas. Tu... Tu ne m'as toujours pas dit pourquoi tu pleurais.

— Ce n'est rien, m'a-t-il répondu en s'essuyant le nez du revers de la main. Ma mère s'est mariée avec ce gros nul de Patrick, mais il me déteste. Tu peux me dire comment je vais faire pour vivre sous son toit et le supporter au quotidien ? Malheureusement, je suis obligé de vivre avec eux, car mon père vit aux États-Unis.

Embarrassée, je me suis mordu les lèvres. Visiblement, les divorces laissaient des séquelles et c'étaient toujours les enfants qui trinquaient.

— Je suis désolée, Thomas. J'ai peut-être un plan pour te rendre la vie ici un peu plus supportable. Tu aperçois la fenêtre de l'étage, juste sur le côté droit ? ai-je demandé tout en pointant du doigt ma maison. Il s'agit de ma chambre. Dès que tu auras besoin de fuir ou de te confier à quelqu'un, je serai là pour toi. Même en pleine nuit. Il te suffira de grimper à ma fenêtre.

— Tu as vu la hauteur ? Jamais, je ne pourrai grimper jusqu'à cette fenêtre ! s'est-il plaint. Je ne suis pas Tarzan !

— Je sais bien que tu n'es pas Tarzan ! ai-je gloussé. Mais l'échelle de mon père est posée à côté de son cabanon, tu pourras t'en servir. Elle est hyper légère, je l'utilise tout le temps pour grimper sur le toit. Enfin... si tu pouvais éviter de répéter à mes parents que je fais ça sans arrêt, ça m'éviterait d'être punie !

Ce stupide Cupidon (sous contrat d'édition avec Hachette)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant