Chapitre 6 - Tout ça pour une robe ?

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We Are Never Ever Getting back Together—Taylor Swift


— Bon, tu viens te coucher ou tu attends que l'hiver arrive ? s'impatiente Alicia tout en pianotant sur son téléphone.

Installée dans un lit d'appoint, le bras de mon amie soutient son visage de poupée tandis que ses cheveux dégringolent en cascade le long de ses épaules nues. La veille de chaque fête, Alicia vient dormir chez moi. C'est devenu un rituel. Nous papotons durant une grande partie de la nuit et le lendemain, nous faisons les magasins, à la recherche d'une tenue à porter pour l'occasion. Enfin... Alicia. Pas moi. Contrairement à elle, je n'ai pas un budget illimité. Avec un père haut placé dans une multinationale et une mère avocate, Alicia ne manque pas d'argent. Certes, elle les voit très peu, mais en compensation, elle est libre de faire ce qu'elle veut en leur absence. C'est-à-dire : la plupart du temps. Parfois, je dois bien admettre que je l'envie. Moi aussi j'aimerais que mes parents me fichent la paix, mais c'est plus fort qu'eux : il faut toujours qu'ils se mêlent de ma vie privée, jugeant bon de me donner des conseils qui s'avèrent souvent plus embarrassants qu'autre chose. Comme la fois où ils m'ont acheté une boîte de préservatifs durant les courses. J'ai cru que j'allais mourir de honte lorsqu'ils m'ont expliqué devant plusieurs clients du magasin comment il fallait s'en servir.

— Pourquoi méprises-tu Pao à ce point ? me questionne Alicia au moment où je me glisse sous mes draps.

Avec mauvaise humeur, je rabats ma couette, réfléchissant à la meilleure réponse que je pourrais fournir. Est-ce que je déteste Pao ou est-ce plutôt lui qui ne peut pas me voir en peinture ? Après tout, tout a commencé par sa faute.

— Si tu veux connaître la vérité... Je crois que je le hais de me détester autant, lui confié-je.

— Et pourquoi te déteste-t-il ? demande-t-elle en se redressant, soudain intriguée. Tu es aussi inoffensive qu'une mouche !

— Je n'en sais rien. Enfants, nous étions très amis, mais lorsque sa mère est décédée l'été avant notre entrée à l'école primaire, tout a changé. Il s'est transformé en monstre.

Je me tourne vers mon amie, guettant sa réaction. La tête toujours appuyée sur son bras droit, elle revêt un air songeur, comme si elle cherchait à trouver une explication à tout cela. Mais il n'y en a pas. J'ai passé des années à la chercher. En vain.

— Qu'est-ce qu'il t'a fait ?

Calée contre mon oreiller, je soupire avant de fermer les yeux. Je n'aime pas repenser à ces années de douleur.

— Tu te souviens du premier épisode de la série : Les Plus Grandes Hontes de la vie d'Ella Courtier ?

— Tu veux parler de la fois où tu ne portais pas de culotte sous ta jupe et que les garçons t'ont couru après afin de vérifier la rumeur ? s'esclaffe-t-elle.

Oui, un jour, j'ai eu le malheur de me rendre à l'école en oubliant de mettre une culotte sous ma jupe. Je vous laisse deviner la suite ? Quoique... Je suis persuadée que la réalité est encore plus embarrassante que ce que vous vous imaginez. À chaque récréation, les garçons s'adonnaient à un jeu cruel : lorsqu'une fille portait une robe ou une jupe, ils lui couraient après, soulevaient son vêtement et regardaient sa petite culotte. Puéril et humiliant. Ce jour-là, ce n'est pas moins d'une quinzaine de garçons qui a pu admirer mon arrière-train dans ses moindres détails. Ils se sont moqués de moi et j'en ai pleuré. Non seulement Pao a fait partie de mes détracteurs, mais c'est aussi lui qui m'a affublée du surnom d'Ella-pas-de-culotte. Lui et ses copains minables m'ont appelée ainsi durant des années.

Ce stupide Cupidon (sous contrat d'édition avec Hachette)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant