Chapitre 7/partie 1 - Jet lag

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Un silence de mort régnait dans les couloirs sombres. Les murs défraîchis restituaient la faible lueur d'une lune timide au-dehors. Les vitres imprégnées de poussières n'aidaient pas à rendre l'endroit plus accueillant.

Un son étouffé retentit juste avant que les portes coulissantes ne s'ouvrent. Sandra, collée contre le fond de la cabine, hésita. Alors qu'elle inspira profondément, elle avisa son reflet dans le miroir qui garnissait l'espace réduit : sa peau était couverte de sueur, des mèches châtaines s'agglutinaient en paquet sur son épiderme moite.

En dehors de son état de stress à la limite du tolérable, sa fatigue était visible. Ainsi que sa maigreur. Car en plus de ne plus dormir plus de quelques heures d'affilées, son appétit l'avait quitté depuis bien longtemps. L'absence de masse graisseuse faisait ressortir des muscles finement ciselés, résultat d'années de sport.

Par crainte que les portes ne se referment, la jeune femme daigna sortir de la cabine. Bizarrement, cette cabine, qui avait été l'objet de son angoisse jusqu'ici, s'était transformée en refuge à l'instant même où elle avait entraperçut le couloir obscur et lugubre de l'autre monde.

L'atmosphère avait changé. Il n'en fallut pas plus pour admettre que le rituel avait été accompli avec succès. L'absence de lumières artificielles, hormis celles de l'ascenseur, l'odeur âcre des moisissures en action, mais surtout cette ambiance indéfinissable mais très caractéristique... Sandra ne l'avait plus ressenti depuis des années, mais c'était sans mal qu'elle se restituait ces souvenirs.

Ses pas furent les seuls bruits qu'elle perçut. L'odeur qui l'assaillit, celle des très vieux bâtiments, lui donna un haut-le-cœur. Ce n'était pas tant les effluves qui activaient ses cellules olfactives qui lui donnèrent la nausée, mais l'idée irréfutable qu'elle était revenue. Car cette odeur et cette atmosphère étaient inimitables.

Sa tête tourna et elle dut s'appuyer contre le mur pour garder son équilibre. Penchée en avant, elle ne put réprimer un réflexe de révulsion douloureux de son estomac.

Archimède Junior protesta d'un couinement. Il était ballotté et cela ne semblait pas lui plaire. De peur que quelqu'un - ou quelque chose - ne les entende, Sandra se redressa et se hâta de sortir de cet immeuble. En passant devant l'endroit où Tim avait perdu la vie - et une quantité importante de sang - Sandra fut soulagée qu'il n'y ait plus la moindre trace.

Elle trouva facilement la sortie. La porte d'entrée, qui à l'époque était bloquée par les goules pour trapper leur gibier, était désormais ouverte. Une fois à l'extérieur, l'ombre de la jeune femme se mouvait en silence. Avec beaucoup d'attention, Sandra analysait son environnement : un léger vent parcourait les rues ensablées, une lune incandescente illuminait la ville fantôme et les dunes avoisinantes. Pas la moindre trace de goules.

Un petit pincement naquit dans le cœur de la jeune femme. Elle avait secrètement pensé que Sydney l'attendrait peut-être. Qu'elle guetterait son retour sans relâche, chaque nuit. Chaque jour. Chaque instant. C'était stupide d'avoir imaginé cela, et Sandra se maudit intérieurement d'avoir pu y croire. La déception avait un goût amer.

Même dans ce cas de figure, la jeune femme avait tout prévu. Elle allait traverser le désert jusqu'à Plainfield. Elle n'était pas sûre de la direction à prendre, étant donné qu'à l'époque elle avait suivi machinalement Sydney, mais sa détermination était telle qu'elle aviserait si elle ne parvenait pas à se repérer. Plus question de faire machine arrière. Deux ans qu'elle se préparait à ce jour, qu'elle attendait ce moment, c'était maintenant qu'il fallait se montrer à la hauteur.

Sa motivation regonflée à bloc, la jeune femme marcha vers les dunes. Le sable qui se dérobait sous chacun de ses pas fit remonter des stigmates du passé.

Parvenue au sommet de la première dune, Sandra aperçut un scintillement à une dizaine de mètres de là où elle se tenait. Elle regarda plus attentivement, et sous la lumière blafarde de l'astre de la nuit se dessina un pick-up de couleur claire. Le véhicule se confondait parfaitement dans son milieu, et sans cette réverbération lunaire, jamais la jeune femme ne l'aurait distingué.

En toute discrétion, elle s'en approcha, méfiante. Regardant dans toutes les directions à de nombreuses reprises, et parcourant du regard l'intérieur du pick-up, elle en conclut qu'elle était seule. Peut-être était-ce une aubaine, peut-être n'aurait-elle pas à arpenter le désert brûlant à pied.

Alors que sa main se glissa sur la poignée de la portière conducteur, un objet froid frôla sa gorge. Sandra se raidit instantanément, tandis qu'une voix s'adressa à elle :

— Je ne ferrais pas ça, si j'étais toi.

L'Ascenseur : 2ème étageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant