Chapitre 11 / partie 1 - À corps perdu

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Un vacarme assourdissant extirpa Sandra de son sommeil. Pour une fois que les cauchemars la laissaient tranquille, il fallait que le destin trouve un autre moyen d'abréger son repos.

L'adrénaline du réveil brutal dissipée, elle se remémorera où elle se trouvait. Elle se souvint de l'ascenseur, du désert, de Cow City, de la chambre... Parcourant cette dernière du regard, la jeune femme constata l'absence de Sydney. Seul Archimède Junior dormait à ses côtés, ses quatre petites pattes vers le plafond, le dos calé contre le sol terne. Au niveau de la truffe du chien gisait un bout de papier jaunit. Sandra s'en saisit et le parcourut :

" N'oublie pas de quitter ma chambre. Je te laisse la clé, rapporte-la-moi quand tu pars."

Au moins, elle avait fait un effort. Le message comportait plus que quelques mots bien qu'il restait très informel. Ses lettres manuscrites étaient parfaites, arrondies et sans défauts. Sans fautes. À l'instar de son oral, la destructrice avait un écrit parfait.

Obnubilée par un simple texte... Les messages par téléphone ou internet, elle en avait reçus des tonnes : quelques fois mignons, souvent des mauvaises nouvelles, parfois même des textes remplis de haine, sans que jamais rien ne l'atteigne autant que ce fragment de feuille au bout de ses doigts.

Parce que ce soir, elle ressentait les choses différemment. À savoir qu'il était possible - du moins, envisageable - que la personne qui lui avait sauvée la vie deux années auparavant soit la même que celle qui l'avait abandonnée dans les dunes. Pas juste à cause de ce qu'elle avait dit sur sa théorie des mondes parallèles, mais aussi parce que ce message d'expulsion l'impactait. Ce rejet la touchait, alors que cela n'aurait pas dû.

Retourner dans son monde - si tant est-ce que cela soit faisable - avec ce doute naissant en elle devenait difficile. Il devait bien y avoir un moyen d'en avoir le cœur net ? Comment démêler le vrai du faux quand les seuls indices à sa disposition étaient une Sydney psychopathe et rajeunie ?

Le bruit qui l'avait réveillée s'intensifiait, à tel point qu'elle ne parvenait plus à se concentrer. On aurait dit une horde de clients au Black Friday à l'ouverture, une foule de centaines d'acheteurs qui piétineraient le sol rageusement, écumant les allées à la recherche du Saint Graal.

Sandra enfila ses habits de la veille et abandonna le chiot dans la chambre. Ce dernier n'émit aucune objection, encore fatigué.

Une fois les escaliers descendus, la jeune femme découvrit l'origine de tout ce boucan : une atmosphère western s'emparait des lieux.

L'alcool coulait à flots, des serveuses très peu vêtues slalomaient entre les clients : pour la plupart, des hommes en tenues de cow-boy, avec des pistolets à la ceinture ou soutenues dans des holster de cuir sombre. Un mauvais remake de film de Tarantino prenait vie en ces murs. Il y a avait un nombre impressionnant de gars qui buvaient, riaient, dansaient ou jouaient aux cartes.

Dans la fosse aux lions, Sandra reconnut Sydney, accoudée au bar.

Elle s'avança dans sa direction. Si elle n'était pas certaine d'être dans l'autre monde, Sandra aurait tout à fait pu s'imaginer dans un bar de la route 66. L'ambiance bruyante et conviviale de la salle dénotait avec celle froide et austère de la nuit précédente.

— Tiens, l'apostropha Sandra en tendant la clé de sa chambre à sa propriétaire.

La destructrice s'en saisit, taciturne. Une serveuse, qui portait une robe rouge et noire en dentelle relevée sur le devant, dévoilant de longues jambes décorée de bas résilles, dévisagea Sandra. Juchée sur des talons hauts, celle qui portait un plateau lança un regard interrogateur à Sydney. Cette dernière, d'un geste subtil, lui intima de continuer son chemin.

L'Ascenseur : 2ème étageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant