Mon stylo s'agitait sur mon carnet, formant des mots et des phrases qui disparaissaient quelques secondes après : déchirer la page était devenu un réflexe.
Je donnai un coup sur la table en grognant et soufflant. J'étais perdue depuis trop de jours, je ne savais comment l'annoncer à mon éditeur.
C'était la première fois que ça m'arrivait : j'étais atteinte du syndrome de la page blanche et rien que d'y penser, j'angoissais. C'était déjà ma troisième crise en l'espace d'une semaine, ce n'était plus une peur mais une réalité.
Je pouvais rester des heures devant ce cahier qui maigrissait à vue d'œil sans pour autant comporter une seule ligne potable. Pourtant, j'avais déjà le genre littéraire mais aucune idée précise. Pas une seule.
Nous étions dimanche 8 septembre 1987, et mon dernier livre avait été publié le 7 mai. C'était un roman d'aventure, autant dire que ça s'était bien vendu puisque c'était à la mode, en ce moment.
Mais j'aimais les défis et les risques, c'est pourquoi mon cerveau se concentrait essentiellement sur un nouveau style : une histoire intéressante et réaliste, une sorte de témoignage bien écrit sortant de l'ordinaire. Autant préciser que mon éditeur était contre cette idée, mais j'avais pu le convaincre la semaine précédente. Depuis, je ne l'avais pas rappelé, il ignorait donc le fait qu'aucun mot ne pouvait se lire sur ma feuille.
Le téléphone retentit subitement, ayant don de me faire serrer des dents et de faire battre mon cœur à toute allure. C'était mon éditeur, Georges Handsal.
– Bonjour, je voulais avoir des nouvelles. Savoir où tu en es, dans combien de temps ça pourrait être fini...
– Euh oui, effectivement, concernant cela je voulais te d...
– ... Parce que tes fans s'impatientent, ils ont tous hâte d'avoir un de tes nouveaux livres en main.
Je ne pouvais définitivement le lui avouer. J'étais obligée de mentir ou il pouvait me faire la morale sur les conséquences, l'oubli. Je ne voulais pas être oubliée puis qu'il m'abandonne pour retrouver une autre écrivaine toute jeune avec des idées neuves.
– J'ai déjà quasiment écrit un chapitre, les idées fusent, rigolai-je afin d'illustrer convenablement mon faux enthousiasme.
– Super, n'hésite pas à venir pour me présenter tes idées et pourquoi pas ton premier chapitre, pour savoir si on continue sur ce chemin ou si on fait comme j'avais dit : un roman d'aventure. Je pars une semaine en vacances, je te rappelle donc le 23 septembre à huit heures pile.
Il raccrocha sans me laisser le temps de refuser. J'avais donc deux semaines pour avoir l'idée, le fil rouge et le premier chapitre. Pour ce faire, il fallait que je trouve de l'inspiration.
Avoir de l'imagination, ça ne se travaillait pas, ça venait ou ça ne venait jamais. Mais je pouvais accélérer la chose et j'avais peut-être une idée...
– Jamie, je te laisse la maison pour plusieurs jours, je pars dans une autre ville.
Premier conseil : pour combattre ce syndrome, il fallait changer d'environnement. Cela permettait au cerveau de se changer d'air.
Je remplis mon sac, sans oublier le plus important : mon stylo bille et mon bloc-notes. J'allais partir dans une ville inconnue, en prenant le premier billet.
En espérant que le destin me mène là où il fallait....
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Page Blanche
FanfictionÉcrire des lignes, arracher les pages. Ça ne m'était encore jamais arrivé, mais pourtant, c'était devenu une réalité : le syndrome de la page blanche me tenait si fort que je ne pouvais lutter. Le changement d'environnement était une solution puisqu...