Chapitre 3

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L'homme fronça les sourcils. Son expression trahissait une agréable surprise.

– Vous me suivez ? plaisanta-t-il.

– Non, je fais juste le tour des restaurants de la ville et ça commence à me gonfler votre système de réservation. C'est pas comme si vous étiez débordés dans le coin ?!

Il fit signe au serveur qu'il pouvait retourner à son travail, qu'il allait savoir gérer ça. Bonne chance.

– Écoutez, si je fais une exception pour vous, ça ne sera pas juste pour les autres personnes que nous avons renvoyées, dit-il calmement.

Il me fixait en attendant probablement que je quitte les lieux. C'était peine perdue. Les bras croisés, je le défiais du regard. Il se mit à rire nerveusement.

– Vraiment, je ne peux pas. Je vous promets de vous garder la meilleure table si vous réservez demain, mais c'est impossible aujourd'hui.

Je ne bougeais pas d'un poil. Je me concentrais pour lui adresser mon regard le plus sérieux, le même qui avait convaincu mon éditeur.

Je devais avoir un don pour ça, puisqu'il soupira et se rapprocha de moi pour me souffler discrètement :

– D'accord, voilà ce qu'on va faire. Je ne peux pas vous laisser manger ici, mais je peux vous faire chauffer quelque chose à emporter. Exceptionnellement. Pour vous remercier de vous occuper de mon grand-père.

– Pourquoi ne pas me laisser directement manger ici, pour me remercier ?

Michael laissa à nouveau échapper un rire nerveux.

– Vous ne lâcherez rien, hein ?

– Vous commencez à bien me cerner.

Ses yeux se plantèrent dans les miens. Je pouvais voir à son expression qu'il réfléchissait. Ça me plaisait.

– Vous me le revaudrez, annonça-t-il en pointant un doigt sévère vers moi.

Je le vis aller inscrire quelque chose sur le cahier des réservations laissé sans surveillance, avant de me faire signe de le suivre.

– Je vous remercie, souris-je satisfaite alors que je prenais place à la table qu'il me présentait.

– Faites-moi plaisir et réservez, la prochaine fois. Je ne veux pas me retrouver à la porte.

– Je croyais que vous étiez le chef ?

– Il y a toujours quelqu'un au-dessus, affirma-t-il en me tendant le menu avec un clin d'œil.

Il allait retourner en cuisine, espérant sûrement avoir fait un salut renversant, mais je le rattrapai en l'interpellant.

– Je peux vous poser une question ?

– Allez-y.

– Est-ce que vous souhaitez que je découvre ce que cache votre grand-père ?

Il se retourna complètement.

– Comment ça ?

– Vous m'avez implicitement fait comprendre que votre grand-père était la personne qu'il me fallait pour ce satané bouquin. Je trouve ça étrange. Habituellement, les personnes sont très réticentes à l'idée de voir leurs histoires de famille utilisées et dévoilées.

Michael m'adressa le même regard que quelques heures plus tôt, lorsque ce même sujet avait été abordé.

– Mon grand-père se fait vieux. J'ai l'impression qu'il a besoin d'être libéré de tout ça. Et je n'ai pas envie qu'il emporte ses histoires avec lui de l'autre côté. Peut-être auriez-vous plus de chance que moi...

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