Chapitre 6- Mon Métier

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- Vous pouvez me détacher à présent, dit Eranne qui commençait à avoir mal au dos, installée sur son cheval comme un vulgaire sac de marchandises.

- Non, répondit fermement l'assassin.

Eranne ne réalisait toujours pas ce qu'elle avait vu au village et ce qu'elle avait ressenti: une profonde haine pour tout ce qui existe. Mais ce qui l'inquiétait encore plus était l'absence de sa famille.

Où sont-ils ?

Elle était très attachée aux siens et son environnement quotidien, tout lui semblait paisible. Ces souvenirs la rassuraient. Elle espérait que les mages et l'assassin de Duroche l'aident à comprendre les événements récents.

- Nous arriverons quand ?

Elle essaya de se redresser tant bien que mal pour voir l'assassin.

- Dans une journée si les chevaux ne se fatiguent pas avant. Nous passerons la nuit à la belle étoile, répondit l'homme toujours aux aguets, concentré sur le moindre bruit sylvestre. 

- Vous pouvez me détacher. Je ne chercherais pas à vous nuire, étant une jeune fille qui ne sait pas se battre et vous un assassin.

- Les personnes les plus inoffensives sont parfois les plus ténébreuses. Tu sais, j'ai vu ton regard là haut. Un regard avide de meurtre.

- Je ne suis pas comme ça ! répliqua vivement la jeune femme.

- En ce moment peut-être, mais au village, je t'assure que non. Maintenant tais-toi où tu risques d'attirer des malfrats.

Eranne n'aimait pas le mystère qui entourait l'homme qu'elle accompagnait, elle ne connaissait ni son nom ni son histoire, uniquement son métier. Mais rester avec lui était un mal pour un bien, elle savait qu'elle n'aurait pas pu s'en sortir, seule blessée dans la forêt.

Sur le chemin, ils rencontrèrent quelques marchands en route vers les villes les plus développées d'Aysya. Eranne remarqua que le tueur avait un don pour se fondre dans le décor, c'était un avantage pour le duo, à la vue de leur situation. Cela la fascinait de plus en plus. Cependant la nuit commençait à tomber et continuer la marche devenait dangereux.

- Nous allons nous éloigner un peu du chemin, j'espère que tu apprécieras dormir à même le sol.

L'homme descendit de son cheval et guida les deux montures dans l'obscurité sans aucun problème.

Un homme des ténèbres fait pour elles, se dit Eranne.

À Souchefume, on entendait très peu d'histoires de meurtre. La plupart étaient rapportées par la jeune femme qui écoutait les crieurs publics des villages dans lesquels elle se rendait. Eranne avait du mal à comprendre comment une personne pouvait en tuer une autre et ne pas se dénoncer aux gardes à cause de leur culpabilité. Pour elle, l'homme qui l'accompagnait devait forcément se sentir coupable, même si sur le visage elle n'avait décelé qu'un masque sans émotion.

L'homme s'arrêta à plusieurs mètres du chemin. Des arbres les cacheraient suffisamment et le sol tapis de feuilles mortes leur offrirait sûrement un maigre confort. Il attacha les chevaux autour d'un tronc et prit Eranne sur son épaule afin de l'asseoir contre un arbre.

- Le voyage a été très inconfortable, signala la jeune femme avec mépris.

- C'est pas mon problème. Bouge pas, je vais fouiller les environs.

Comment veut-t-il que je bouge ?

L'homme prit l'épée accrochée à la selle de son cheval, il l'accrocha à sa ceinture et jeta un léger coup d'œil à Eranne. Il voyait que la jeune femme était terrorisée de rester sans défenses dans l'obscurité.

Le Corbeau : Presage Des OmbresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant