IV | Champagne

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<< Santé! >>
L'exclamation se suivit rapidement d'un tintement de verre puis de rires d'adultes. Kokoro, au bout de la table, considérait en silence les différents membres de sa famille parler entre eux de tout et de rien... et surtout de rien. Bon sang que ces adultes sont ennuyants. Il n'y avait ici personne de son âge mental. En effet, Kokoro n'arrivait pas non plus à comprendre les adolescents près d'elle. En réalité, elle ne comprenait pas ces réunions de famille.
Cela se voyait d'un simple coup d'oeil: touts leurs sourires étaient faux. Ces politesses ne dupaient personne. Il n'y avait aucun intérêt à réunir des parents éloignés si c'est pour ainsi se mentir mutuellement sur ses intentions. Tout cela car il s'agit d'une noble famille, riche et imposante, n'est ce pas? Les adultes parlent entre eux en espérant manipuler son prochain pour son propre profit, tandis que les plus jeunes ne cessent de se rabaisser les un des autres de façon plus ou moins ambiguë en prouvant que leur avenir est le plus prometteur. La seule personne gardant un temps soit peu d'honneur était la grand-mère de Kokoro, veuve, et qui sirotait tranquillement sa boisson sans prêter attention aux paroles qui s'échangeaient par de-là l'apéritif. Kokoro, dans un tel environnement, ne pouvait que tirait de l'admiration pour la vieille femme. Ce pourquoi elle chercha à son tour à faire abstraction des mots creux qui animaient tristement la pièce. La fausse blonde se contenta simplement de considérer les différents plats sur la longue table qui s'étendait face à elle: des fruits secs, des fruits moins secs aussi, des noix, des petits fours en veux-tu en voilà, des salades.. mais tout de hautes qualité bien entendu. Les entrées avaient été très soigneusement préparés par on-ne-savait quel grand chef ou traiteur de la ville. Cet apéritif ne laissait que supposer de la grandeur du repas qui allait suivre.
Et il y avait des boissons. Bon sang, oui, qu'il en avait. Beaucoup trop même. De quoi hydrater tout un régiment. L'attention de la jeune fille se porta sur un verre qu'un -supposé- oncle remplissait d'un liquide jaunâtre gazeux. Du champagne sans doute, après tout c'est tout à leur image de consommer des boissons alcoolisées de ce genre. Kokoro resta néanmoins silencieuse à considérer l'agitation que provoquaient les bulles dans le milieu aqueux. Leur façon de se former au fond du verre puis de remonter à la surface pour éclater lui parut si fascinante. Si on gardait un tel esprit enfantin, c'était compréhensible.
La parole d'un des adolescents qui restait dans le coin "des jeunes" avec la plupart des autres adolescents la tira néanmoins de sa contemplation. Le garçon était tout proche d'elle. Kokoro s'étonna elle-même de ne pas avoir remarqué que l'attention avait été portée sur elle plus tôt.
<< Et toi Kokoro? -Je me permet de te tutoyer-, qu'est ce que tu prévois de faire à l'avenir? >>
Quelle question ennuyante.
"C'est é v i d e n t, nan? Je compte attendre que Peter Pan m'emmène loin de vous et de la grossièreté humaine! Bon sang, oui! Je m'en irai là où ma sincérité puérile sera mot d'ordre dans la vie en société!" se surprit la jeune fille à penser elle-même.
Si elle le pouvait, Kokoro resterait dans sa puérilité au risque de succomber instantanément à l'entrée à l'âge adulte, de la même façon que les bulles du champagnes éclatent dès leur contact avec l'air.
La jeune fille se tenta alors au jeu de ses camarades d'user des mots pour sous entendre autre chose: son ennuis pour leur façon d'être.
<< Et bien... je sais pas vraiment comment m'y prendre, mais je compte bien tenter de changer la façon de penser de la société. Pourquoi pas me lancer dans la philosophie? Héhé >>

Une courte évasionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant