Cours : Les liaisons Dangereuses

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Ce roman est tellement proche d'une pièce de théâtre qu'il en devient une. A la base, le titre était « Le danger des liaisons » mais Laclos le change.

De dangereuses liaisons :

Les deux mots du titre « danger » et « liaison » se retrouvent sous la plume des personnages. Le mot « liaisons » est polysémique ; sa signification varie :

1) Avoir une relation amoureuse physique ou comme dans la lettre 126 « un moment de faiblesse ». Le danger est incarné par Cécile : elle va avorter sans même prendre conscience de ce qu'il lui est arrivé.

2) Les relations que l'on entretient sur le plan social : Ils répondent aux codes de la société et il est dangereux de ne pas les respecter.

3) L'objet lettre : une correspondance. Des lettres écrites et reçues ayant un côté dramatique car tissant une trame ; elles sont preuves d'échanges, mais le lettre reste et peut être interceptée sinon pire, lue par un autre. Il s'agit d'un objet tabou, une arme à double-tranchant = c'est un agent de la liaison pouvant la trahir.

La lecture des Liaisons Dangereuses est un acte de voyeurisme, le mot « danger » est bien choisit.

Un roman théâtral :

Ce roman a une composition rigoureuse et théâtrale : il a une construction dramatique en quatre parties allant avec la trame narrative :

Ø Lettre 1 à 50 : Exposition des trois intrigues, un incipit qui se prolonge au-delà de la lettre 1, mais allant jusqu'à la lettre 4. On y découvre alors la vengeance de la Marquise passant par Cécile, le projet de Valmont, et l'idylle naissant entre Cécile et Danceny. La Marquise favorise les amours qui lui serviront. A la lettre 44 Valmont cède à la demande de la Marquise car Madame de Volanges le discrédite auprès de la Présidente de Tourvel = au final, rien n'est acté, la morale est sauve.

Ø Lettre 51 à 87 : Entrée en scène de la Marquise qui mène le jeu, Valmont et Danceny pataugent pour conquérir, tandis que la Marquise incite la mère de Cécile à éloigner sa fille à la campagne. Valmont a ses deux proies sous le même toit, la Marquise humilie Prévan = c'est la victoire du vice.

Ø Lettre 88 à 124 : Valmont reprend l'initiative pour conquérir Cécile et la Présidente sans difficulté, tandis que la Marquise est complice.

Ø Lettre 125 à 175 : Retournement de situation, la lettre 125 de Valmont a fait chuter la Présidente, mais il se met en danger face à la Marquise qui exige la rupture et refuse de tenir sa promesse en retour, elle déclare la guerre : on assiste alors à une accélération de l'hécatombe finale ; Valmont meurt en duel, la Présidente meurt de chagrin, Cécile rentre au couvent, la Marquise fuit en Hollande. Le quatuor est dissipé, mais c'est trop tard, le mal est fait.

-> La structuretravaillée de Laclos avait un projet très précis au milieu de ces nœuds et de cette hécatombe finale : c'est une véritable Tragédie.

Quelques notions spatio-temporelles :

L'histoire se développe en cinq mois, du 3 août au 14 janvier : ce qui reste court pour un roman, également comme la notion de crise au théâtre.

Les trois premières parties s'étendent chacune sur un mois, tandis que la dernière court sur deux mois et demi et pourtant, elle paraît plus courte. Les péripéties y sont plus nombreuses et le choix des mois symboliques = nous ouvrons le roman au cœur de l'été ce qui correspond à la vie, et nous le fermons en janvier, en pleine désolation hivernale.

Les lieux, quant à eux, sont restreints et peu détaillés, des « salons parisiens », autres « petites maisons » ou encore le « château de Mme de Rosemonde » participent au renforcement de ce microcosme aristocratique dont les personnages ne sortent pas : un véritable huis clos.

On observe une opposition entre cette mondanité parisienne et l'univers proposé à la campagne, dont les seules ouvertures dans ce roman sont finalement la Corse, la Bourgogne et la Hollande. En revanche on remarque des grandes précisions sur certaines pièces de mobilier : des canapés, fauteuils, lits, secrétaires, tiroirs, clés...

-> Tout est là pour nous conforter dans l'univers libertin, ajoutant à cette dimension théâtrale

L'action avance par coups de théâtre : le départ de la Présidente, les manœuvres de la Marquise... Les personnages possèdent quelque chose de théâtral, on retrouve le Don Juan moliéresque mais également la Présidente, héroïne racinienne.

-> Fatalité tragique des passions qui frappe chacun : encore une fois on rapproche cela du genre théâtral

Le système des personnages :

Ici, mis à part Cécile, les personnages n'ont pas de prénoms, qui sont remplacés par des titres. Ils sont jeunes, même si certaines adaptations les vieillissent, et sont dans leur trentaine ; d'où la plus grande perversité du roman, qui les rend encore plus coupables.

Les portraits sont rares, nous savons que Cécile est « un bouquet de rose » et la marquise défigurée à la fin du roman, de sorte qu'il ne lui reste qu'un œil. Ils sont définis par leur caractère et leur style d'écriture : ainsi ils relèvent plutôt d'un type de personnages plutôt que d'un caractère ; la marquise est une femme de tête libertine, Valmont le libertin méthodique surpris par l'amour, la Présidente incarne la dévote vertueuse victime du séducteur, Cécile et Danceny sont les deux jeunes ingénus corrompus, Mme de Volanges la mère moralisatrice et Mme de Rosemonde la confidente âgée.

Au milieu se trouve le quatuor : deux libertins et deux ingénus, dont l'auteur exploite toutes les figures de couples possibles :

1) Merteuil/Valmont et Cécile/Danceny : les amants et les amoureux

2) Valmont/Cécile et Merteuil/Danceny : le couple libertin/ingénu

3) Cécile/Merteuil et Valmont/Danceny : le maître et l'élève

-> La complexité de ces relations va servir à l'auteur qui en joue.

On remarque la présence d'une relation pédagogique pervertie par des échanges sexuels, se détache alors la Présidente de Tourvel, qui est celle par qui le scandale arrive : elle perturbe les combinaisons libertines et est à l'origine de la rupture de complicité entre Valmont et la marquise. L'amour qu'elle déclenche fausse les cartes sur tous les plans, déclenchant jalousie et colère chez la marquise.

-> Valmont, selon elle, trahit le libertinage, et elle ne le pense plus comme libertin. Ces deux femmes qui ne s'écrivent pas vont détruire la relation de chacune d'elles à Valmont.

Un jeu avec le langage :

Laclos joue sur les différents langages utilisés : la perversion des valeurs s'accompagne d'une perversion du langage, détourné en fonction du destinateur et du destinataire de chaque lettre. Par exemple, dans la lettre 4 Valmont emploie le langage de la dévotion pour conquérir la Présidente, un langage qui devient alors celui de la séduction = il se conduit comme Tartuffe.

Le langage militaire est, comme chez Dom Juan, langage de la conquête amoureuse = un combat d'alcôve. On réduit la femme à l'état d'objet.

Le langage le plus perverti est celui de la marquise : apparemment honnête, il est à contenu libertin, ce que Laclos fait bien comprendre au lecteur = d'où la présence d'un véritable intérêt littéraire.

Le langage fait tout le danger de ce livre, exactement comme dans « le credo de Don Juan ».

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