Depuis combien de temps est-ce que je n'ai pas reçu de chaleur de la part de quelqu'un d'autre ?
Le monde autour de moi ne ressemble plus à rien, le ciel bleu fumée m'étouffe, les arbres aux feuilles orange aurore d'ordinaire si vifs, ont à présent l'air de dépérir et les rouge-gorges au chant si doux en automne, restent silencieux.
Je n'entends plus rien.
Les gens autour de moi hurlent comme des animaux, ils m'incendient, me donnent des noms d'oiseaux, je devrais brûler à l'heure qu'il est, mais au lieu de ça, je reste de glace.
Les sons, les mots ne font que résonner dans le vide, je n'entends plus.
Il m'est arrivé de me demander si c'était réellement problématique ; c'est vrai après tout, est-ce que vous savez depuis combien de temps on ne m'a pas adressé la parole ? Depuis combien de temps je n'ai pas eu de vraie conversation avec quelqu'un ?
Les gens me regardent sans me voir.
Je suis aussi terne que le reste du monde, translucide, inutile.
Communiquer ou parler, écouter ou faire du bruit, je ne sais plus ce que c'est, je ne sais plus ce que ça fait.
Je suis glacée au milieu de tout ce monde qui remue, qui s'agite devant mes yeux, qui crie, qui frappe ; qui ne me voit pas, parce que je n'existe pas.
Qu'est-ce que ça fait de recevoir un petit peu de chaleur ? Qu'est-ce que ça fait de se faire appeler par son prénom ? De recevoir un simple sourire, un bonjour sincère ou un merci ? Une main sur l'épaule, un regard amical ?
Qu'est-ce que ça fait de ne pas avoir constamment froid ?
Chaque jour le soleil se lève, le ciel vire au violet lilas puis au rose incarnat en passant par un jaune-orangé éblouissant, pour finalement retourner à son bleu banal.
J'ai arrêté d'écouter parce que je n'ai toujours droit qu'aux reproches, à la violence, au froid glacial et mordant.
Je ne fais plus aucun bruit, et pourtant on me secoue de droite à gauche ; Je sens bien leurs mains qui me serrent, qui marquent ma peau blanchâtre, qui me tuent, me font affreusement mal, mais qui, à la fois, ne me font rien du tout.
Je ne sens rien du tout.
Je ne pleure pas.
Je ne dis rien.
Je suis gelée.
Je suis gelée et tout le monde passe à côté de moi sans me regarder.
Je m'évertue jour après jour à sourire, à fabriquer un petit peu de chaleur pour les autres alors que je n'en ai même pas assez pour moi. Et pourtant l'illusion est parfaite.
Plus personne ne fait attention aux teintes du ciel aujourd'hui, il n'est plus que bleu ou gris.
Maintenant plante tes yeux dans les miens, ne représentent-ils réellement qu'une couleur pour toi ? Ne vois-tu pas tout le reste, tout ce qui se cache derrière leur aspect ?
Ils sont froids et vides, gris ou bleus, et c'est tout ?
Ils sont en train de s'éteindre, je m'éteins.
Regarde-moi pour de vrai.
Je ne suis plus une personne.
J'ai besoin de chaleur.
Juste un regard.
L'air froid me perfore les poumons, je ne respire pas. Je suffoque. Je suis perdue au milieu d'un océan de glace.
Il n'y a aucune issue. Je suis condamnée de toute façon.
J'ai froid. Je suis gelée.
Mes lèvres bleues Glycine restent closes, silencieuses comme le rouge-gorge épuisé par la solitude.
Mon corps blanc de saturne, tacheté de marques bleu nuit, dépérit, comme les feuilles d'automne.
Regarde, je suis gelée.
............................................................................
ARE YOU STILL LISTENING ?
Je n'ai plus de nom, plus de voix, je suis terne et transparente à la fois. Je suis gelée, je n'entends plus, ne ressens plus, j'ai froid. Qu'est-ce qu'il me reste d'humain d'après-toi ?
Ils ont tout pris cette fois.
On peut pas me réparer. Les choses ne changeront jamais. Je suis coincée dans une foutue spirale infernale.
Je pourrai aller où je veux, faire ce que je veux, ce sera toujours là, en moi, au creux de mon estomac, au fond de ma tête, ça se verra dans mes gestes, dans mes paroles, dans mon regard ; ça se voit déjà.
Je suis gelée.
Épuisée, j'ai atteint mes limites.
Il faut dire au revoir maintenant.
We saying goodbye, girl.
VOUS LISEZ
Adieux à l'Univers : À la dérive
PoetryElle n'a plus les mots, elle se perd, elle disjoncte, elle part complètement à la dérive. Elle ne mange plus, ne pense plus, ne respire plus. Que pourrait-elle bien écrire ? Collection Adieux à l'Univers : partie 4 / Période Actuelle