Virus

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Je me sens enfermée. 

Plus que jamais.

Pourtant on peut sortir maintenant.

Finalement, j'étais plus libre pendant le confinement.

Quand je pense que j'avais hâte que ça se termine...

Je ne savais pas ce qui m'attendait.

À présent, le danger est partout.

Pas seulement dans un supermarché ou sur la place du village.

Il est dans les rues, dans la forêt, dans mon salon et dans ma chambre ; il est un virus qui passe d'une bouche à une autre, on ne parle que de lui, tout le temps, même sans être là, il occupe tout l'espace.

Il est partout.

Et il adore montrer qu'il est tenace : dès qu'on le croit loin, il revient en force.

Je suis fatiguée de devoir me battre toute seule.

J'ai épuisé mes réserves d'anticorps.

Les autres font mine de rien, ils sont bien trop à l'aise dans leurs petites vies pour changer quoi que ce soit. 

Ils ne chassent pas le virus mais plutôt le patient zéro, celui qui pose problème, celui qui pourrait contaminer les autres.

Pendant ce temps-là, le virus s'installe de plus en plus, il gagne du terrain, empiète d'avantage sur la santé de celle qu'il a contaminé.

Mais on s'en fiche.

Parce qu'apparemment, ce n'est pas si contagieux, les autres sont immunisés ou plus résistants; et si moi, je suis malade, c'est parce que je l'ai cherché, je ne me suis pas suffisamment protégée, j'ai fait preuve de trop d'imprudence pour me retrouver dans une situation pareille. 

Ça n'arrive pas par hasard, et ça ne touche pas n'importe qui.

Finalement peut-être que si je mourrais complètement, le problème serait résolu pour de bon. Plus de risque d'être contaminés. 

Le virus n'a pas l'air de récidiver, pas qu'on sache en tout cas et pas pour le moment, il ne dérange personne, lui.

Il s'est installé si près de moi cette fois, que je ne peux même plus respirer.

Son nom est sur toutes les lèvres et dès que je l'entends, j'en perds mon souffle.

Son visage est partout, dès que je le vois, je m'effondre.

Son odeur empreigne les murs, au point que j'en suffoque.

C'est interminable.

La douleur.

La fatigue.

Ça ne s'arrêtera jamais.

Il n'existe aucun vaccin, aucun remède. 

Il n'y a plus aucun espoir.

Je suis prise au piège.

J'aurais beau aller à l'autre bout du monde, le virus persistera d'une manière ou d'une autre.  

Il a marqué mon organisme pour toujours, les symptômes sont permanents et incurables, aussi douloureux qu'ils soient, personne ne peut rien y faire. 

Mon système immunitaire est complètement détraqué, incapable de se défendre, bon à rien, il laisse passer tous les rhumes et toutes les grippes qui s'attaquent à lui parce qu'il ne voit plus l'intérêt de se battre.

Il n'y aucun moyen d'y échapper, c'est une pandémie, le virus est partout, tout le temps.

Mais c'est le patient zéro qu'on accuse et qu'on isole parce que sans lui, le virus ne peut pas se répandre, sans cellule hôte, pas de virus, pas de contamination, pas de problème.

Voilà, c'est ça, je suis pas un être humain, je suis une cellule, un problème sur pattes qu'on tient enfermé dans une boite de pétri et qu'on observe au microscope, en train de se faire dévorer par un virus.

Ça n'a rien d'éthique, ça n'a rien de juste; officiellement c'est illégal, officieusement c'est plus que toléré. Il est écrit quelque part que les virus n'ont pas le droit de s'attaquer aux cellules et encore moins que qui que ce soit les laisse faire. Pourtant personne ne bouge, personne ne se met en travers de son chemin, au contraire, on lui ouvre les portes.

Ma vie entière est une expérience dont je suis le cobaye et qui a pour seul but de me détruire le plus douloureusement possible.

Il faut que je mette un terme à tout ça, c'est insupportable.








Adieux à l'Univers : À la dériveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant