Fragment de lettre d'adieu

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- A mes parents

         Et au monstre qui leur sert de fils. -

Je n'en peux plus.

Je n'en peux plus.

Que dire de plus ?

Rien de ce que je pourrais écrire ne saura vous réconforter.

Vous ne comprendrez jamais.

Vous ne saurez jamais à quel point j'ai mal.

Vous ne saurez jamais et peut-être est-ce mieux ainsi ?

Peut-être vaut-il mieux que je parte sans rien vous dire ?


Je déteste cette vie.

Je déteste ce que je suis.

Je peux à peine me regarder.

Je suis épuisée.

Je vais simplement m'éteindre,

Arrêter la machine qui tourne sans arrêt dans mon crâne.

Arrêter ma mémoire.

Arrêter la douleur.

Je n'étais pas faite pour être là, vous pouvez me croire.

Je ne suis pas normale.

Je ne suis pas vivable et pas vivante non plus.

Je ne suis rien.

Un courant d'air, un souffle, une ombre.

Je ne suis rien.

C'est tellement compliqué.

Comment vous expliquer, vous dire ce que j'ai sur le cœur sans briser le vôtre ?


Je n'ai jamais eu la sensation de faire partie de la famille ;

 Vous vous en êtes aperçus, bien sûr.

Vous ne me compreniez pas, vous ne m'avez jamais comprise.

C'était tellement plus facile de se tourner vers votre fils.

Vous le connaissez lui au moins, vous le comprenez, pas vrai ?

C'est beaucoup plus simple de me faire passer pour une menteuse plutôt que d'admettre ce qu'il a fait.


Tu te souviens, C. (aka Maman), quand, en sortant de la gendarmerie, juste après avoir lu et entendu tout ce qu'il a bien pu me faire, tu m'as dit :

"Laurine, avec tes mensonges, il risque 10 ans de prison, c'est vraiment ce que tu veux ?"

Tu sais quoi C. ?

Moi ça fait bientôt 10 ans que j'y suis en prison.

Et toi, F. (aka Papa), tu te rappelles ce jour où tu es monté dans notre chambre et que tu l'as vu ?

Tu as vu ce qu'il me faisait et tout ce que tu as dit c'est "Votre mère va péter un fusible quand elle va savoir ça."

Et puis tu es parti.

Tu m'as laissée avec lui.

Et plus jamais on a entendu parler de cette histoire.

Vous avez fait ce que vous faites le mieux : vous voiler la face.

Tu ne t'en souviens plus, pas vrai ?

Mais moi, je l'ai imprimé sur la rétine ce moment.

Je ne te l'ai jamais dit parce que je ne voulais pas remuer le couteau dans la plaie, mais honnêtement, je te trouve vachement culotté de me traiter de menteuse après ça.

C'est plus simple d'être de son côté à lui.


Alors voilà, maintenant vous allez pouvoir le retrouver.

Vous ne serez plus obligés de le voir quand je ne suis pas là. 

C'est que vous vouliez, non ?

Vous disiez que je n'avais qu'à faire des efforts, que j'emmerdais toute la famille.

J'ai fait des efforts, mais c'était trop dur, et vous vous en fichiez.

Comme ça, il viendra sûrement vous réconforter à mon enterrement à coups de "Elle était folle, c'est mieux comme ça." et vous repartirez faire votre vie avec un poids en moins, comme si de rien n'était.


Tu sais quoi O. (aka frère) ?

J'aimerais que tu brûles, que tu souffres à un point tel que tu ne t'en remettras jamais.

J'aimerais que tu saches ce que ça fait de ne plus pouvoir se regarder dans un miroir, de ne plus pouvoir vivre avec les autres, d'avoir peur dans le noir ; de ne même plus pouvoir se défendre quand on nous tombe dessus.

Je veux que tu payes.

Je te déteste.

De tous les monstres que j'ai rencontrés, tu es de loin le pire.

Je ne te pardonnerai jamais ce que tu m'as fait subir.

[...]


Adieux à l'Univers : À la dériveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant