Chapitre 3 : Pacte et Souvenirs douloureux

37 3 0
                                    

~ Mardi quatorze janvier • Lycée des Anges • Neuf heures ~

          Cela faisait déjà une semaine que le corps inerte de Mélodie avait été retrouvé dans le lycée des Anges. Les deux policiers n'avançaient pas beaucoup. Ils avaient commencé par interroger les élèves de la classe de la victime, mais tous semblaient lui en vouloir pour une quelconque raison, et peu avaient un réel alibi autre que « À cette heure là ? Je dormais ». La seule bonne nouvelle fut que le matin même, une adolescente de seconde annonça qu'elle avait vu un mot étrange dans les toilettes des filles quelques jours auparavant. Comme il était scotché derrière la lunette d'un toilette, et que les femmes de ménage n'y touchaient pas forcément, il avait pu être déposé là n'importe quand, par n'importe qui.
          Dans l'après-midi, les jumeaux Tom et Hugo, qui ne semblaient pas très ébranlés par le meurtre de Mélodie – c'était le karma selon eux – décidèrent de s'associer pour trouver le coupable avant la police. En effet, les deux garçons étaient prêts à tout pour éviter l'ennui, et la seule solution qu'ils avaient trouvé jusque là était de tout savoir sur leur lycée : ils parlaient à tout le monde, s'intéressaient à tout... Alors pourquoi la police aurait plus de facilités qu'eux ? Comme ils étaient voisins de Mélodie, ils pensaient déjà pouvoir obtenir des informations grâce à leur mère qui avait invité la famille de la victime pour les réconforter, en même temps elle était psychologue. Leur famille avait déménagé à Everton il y a quelques années, parce qu'Hugo s'était fait harceler à cause de sa couleur de peau. Même si il faisait comme si de rien n'était, il avait encore du mal à faire confiance aux autres. Tout le monde avait beau lui répétait que le fait d'être noir ne le rendait pas différent des autres, il gardait des séquelles de son passé.
          « Si l'un de nous venait à mourir, l'autre devra tout faire pour que le tueur... Meure subitement, conclut Tom.
          — Et devenir assassin à son tour ? Quelle ironie ! Je pense que l'assassin préférerait mourir plutôt que d'aller en prison, nous ne lui ferons pas ce plaisir j'espère ! Et puis qui te dit qu'il y aura un autre meurtre ? Ou que l'un de nous deux mourra ?
          — Une intuition...
          — C'est ça, Inspecteur Tom est de retour... marmonna Hugo, qui lui voulait être journaliste.
          — Ai-je besoin de te rappeler le nombre de fois où mon intuition s'est révélée être juste ?
          — Arrête avec ça, tu ne pourrais pas souhaiter te tromper pour une fois ! On parle de meurtres ! »
          Sur ces mots, Hugo tourna le dos à son frère et repartit sans savoir où il allait vraiment. De toute façon, il trouverait bien sur son chemin quelqu'un désirant lui parler de potins ou de rumeurs. Cette discussion ne passa pas inaperçue, car un des deux policiers les observait se disputer à travers la fenêtre de la salle où ils interrogeaient Édouard, ancien petit-ami de la victime et aussi la personne qu'elle était censée rejoindre la nuit du meurtre. Le jour de la découverte du cadavre, l'adolescent avait un alibi : il avait accompagné sa jeune cousine au cinéma pour voir un nouveau Disney, et en plus, les tickets, sa cousine et sa tante le confirmaient. Il aurait très bien pu quitter les lieux, mais dans ce cas là cela impliquait qu'il avait au moins deux complices. Le message sur le téléphone de Mélodie n'était qu'un piège. Quand on lui demanda si il avait perdu son téléphone dernièrement, il assura que non, et jura ne pas l'avoir rédigé pour qu'un complice aille faire le sale boulot à sa place. Marie voulut savoir s'il aimait encore Mélodie, il répondit toujours la même chose : « On était ensemble, on s'aimait, on s'est séparés car on ne s'aimait plus. C'est pas si compliqué non ? »
          Il assura ne pas savoir que Mélodie comptait l'humilier, son étonnement se lisait
très facilement sur son visage. Finalement, ils le relâchèrent avec l'habituel « Merci pour vos réponses, nous vous recontacterons si nous avons d'autres questions ».

          L'inspectrice comptait aller voir les jumeaux pour leur demander le sujet de leur dispute, mais Alberto la retint, car d'autres élèves savaient des choses à propos du suicide mentionné dans le message laissé par l'assassin.
          Le texte révélait beaucoup de choses intéressantes. Le harcèlement qu'infligeait Mélodie aux autres élèves était plus féroce que ce qu'ils pensaient. Le suicide qui, selon les interrogatoires suivants, avait réellement eu lieu, donnait encore plus de possibilités. Tous les élèves qu'ils venaient d'interroger allaient être convoqués à nouveau pour parler de la victime, Faustine, ancienne élève de troisième, avait sauté d'une fenêtre au premier étage et qui s'était brisé la nuque il y a trois ans. Mélodie avait été interrogée mais aucune preuve, séquelle, mot ou lettre n'avaient été retrouvés contre elle, et l'affaire fut classée. La jeune fille fut considérée comme dépressive avec des tendances suicidaires, et seule Laura, son ancienne meilleure amie continuait de dire le contraire.
          Ils apprirent aussi beaucoup de choses sur Mélodie : c'était une personne cruelle, abjecte et superficielle à en mourir, mais c'était aussi une fille qui avait perdu ses parents à l'âge de douze ans dans un accident de voiture dont elle était la seule survivante. Depuis, Mélodie vivait chez sa tante, qui après avoir perdu sa sœur, venait de perdre sa nièce.
         Mélodie avait vécu une vie très difficile, certes, mais rien n'excusait ce qu'elle avait fait. Après un entretien avec les jumeaux, qui avaient pu donner toutes ces informations sur Mélodie à la police, Marie Deveni lut à nouveau le message laissé par le tueur, enfin la copie qu'on lui avait donné. Le sang sur l'original était bien celui de Mélodie, et malheureusement, le tueur n'avait laissé aucune empreinte sur le papier.

          Pendant ce temps, Laura se trouvait seule, assise au pied d'un chêne devant son lycée. L'adolescente fixait d'un air vide une photo sur son téléphone, sur laquelle on la voyait accompagnée de deux autres filles souriantes, ses deux anciennes amies : Billie et Faustine. L'interrogatoire qu'elle avait subi à propos de cette dernière avait fait remonter de douloureux souvenirs en elle. Quand elle fermait les yeux, toutes les moqueries, les injures, les coups bas et les violences de son année de quatrième lui revenaient à l'esprit. Les larmes qu'elle croyait avoir à jamais séchées menaçaient de couler à tout instant. À cause de Mélodie et sa troupe, Laura avait renoncé à sa passion pour la natation depuis que les vipères lui avaient pris ses vêtements pendant qu'elle était en train de se doucher. La jeune fille avait dû se balader en serviette pour trouver un professeur pour appeler ses parents, et les rires de ce jour resteraient à jamais gravés dans sa mémoire.
          Depuis, elle craignait d'aller à la piscine et l'idée même la faisait paniquer. Au début, sa meilleure amie était là pour la soutenir mais rapidement, la jeune fille harcelée abandonna toute volonté de vivre.

          Un soir de printemps, alors que Laura se rendait chez Faustine pour un travail commun, l'adolescente, voyant que son amie ne venait pas, ouvrit la porte avec le double caché dans le pot de fleur et se dirigea directement dans la chambre de sa meilleure amie. Elle ressenti un courant d'air froid et remarqua que la fenêtre était grande ouverte. Étonnée par l'absence de son amie, elle se dépêcha d'aller vers celle-ci c'est, se disant que son amie n'aimerait pas trouver sa chambre froide à son retour. Elle se pencha au balcon et la vit écrasée au sol, tachée de rouge. Tremblante, Laura recula et s'effondra sur le lit quelques instants, avant de descendre en courant pour aller dans le jardin. Elle y trouva son amie inerte, cheveux et sang formant un cercle autour de son visage. Laura dû s'y prendre plusieurs fois pour appeler les urgences. Elle eut le temps de leur donner l'adresse et d'expliquer la situation jusqu'à ce qu'elle se sente partir, puis, tout se mit à tourner et devint noir.

La Rose MauditeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant