Chapitre 8 : Hypersensibilité et Suspicions

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~ Jeudi vingt-trois janvier • Lycée des Anges • Huit heures Deux ~

« Je ne sais pas... Je ne me sens pas très bien c'est tellement atroce...

— Les policiers en charge de cette affaire vont être prévenus, surtout ne touchez à rien et restez sur place.

— Je... D'accord.

— Je peux vous laisser ou bien vous préférez que je reste avec vous jusqu'à l'arrivée de la police ?

— Non merci, je ne voudrais pas vous déranger.

Elle ne voulait pas craquer devant une inconnue. Amandine venait de voir deux cadavres en moins de trois semaines d'intervalle, c'était beaucoup trop pour elle. Des personnes qu'elle avait côtoyées pendant plusieurs années, certes avec qui elle ne se s'entendait pas forcément, comme Christophe ou cette chipie de Lucie, mais en aucun cas ils ne méritaient de mourir de cette façon. Personne ne méritait ça. Rien que d'imaginer une personne en train de faire ce genre de supplices ou juste qui pense les réaliser lui donnait une envie de vomir.

Ce matin elle était partie plus tôt de chez elle car elle n'avait pas réussi à fermer l'oeil de la nuit. Trop préoccupée et attristée par cette cruauté humaine, elle feignait de sourire. Certes, elle n'était proche d'aucune victime, mais depuis son plus jeune âge, elle faisait preuve d'une hypersensibilité grandissante. Tout lui tenait à cœur et pouvait la submerger. Elle adorait cette phrase de Flaubert, qu'elle répétait souvent : « Je suis doué d'une sensibilité absurde, ce qui érafle les autres me déchire ».

Son frère considérait cela comme une qualité d'être « empathique », mais pour elle et son père, son hypersensibilité était plutôt un fardeau.

En arrivant dans le lycée ce matin, elle s'était immédiatement dirigée vers la cantine pour y déposer son Thermos dans les casiers dédiés à cet effet. Au début, rien ne semblait différent des autres jours, à part qu'il flottait dans l'air une drôle d'odeur, qui lui rappelait le sang. Soudain, son talon claqua non pas sur le sol mais sur dans une flaque de liquide rouge.

Amandine ne voulait pas relever la tête, en sachant pertinemment ce qui se trouvait au dessus d'elle. Son cœur s'emballa et elle fût prise d'horribles tremblements, mais sa curiosité – ou sa peur – prit le dessus.

C'est ainsi qu'elle la vit suspendue par les pieds, eux-mêmes attachés à des cordes accrochées aux lustres de la salle. Lucie avait un teint semblable à la neige, si blanc qu'Amandine se mit à sangloter. Elle reconnut aussi l'odeur de la pourriture, la putréfaction, et derrière elles, il y avait aussi celle de la mort, qu'elle ne pouvait décrire avec des mots, car rien ne pouvait expliquer ce drôle de sentiment. Ces odeurs venaient de pénétrer son âme pour s'y ancrer et la marquer à tout jamais.

Soudain, la lycéenne entendit un bruit. Amandine se retourna et vit quelqu'un partir en courant. Elle ne vit cette personne que de dos, peut-être était-ce le meurtrier ? C'était un garçon aux cheveux foncés, tout de noir vêtu. Elle s'efforça de retenir ceci tout en observant la jeune fille. Lucie était couverte de petites coupures tout le long de ses bras, d'où s'était écoulé tout le sang qui circulait encore en elle hier soir. Amandine sortit en courant de la cantine. Après avoir appelé la police, elle fondit en larmes, puis s'écroula, à bout de forces.

L'adolescente ne savait pas depuis combien de temps elle était assise, mais elle entendit quelqu'un arriver. La policière s'agenouilla devant elle. Amandine savait que ses yeux étaient rougis par ses pleurs et que son visage était devenu bouffi. Marie lui adressa un sourire rempli de compassion et demanda :

La Rose MauditeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant