« Je vais créer une lumière avec tous les morceaux de Lune que j'ai récoltés. »
- Scenery
V
———
À dix-huit heures, hier, la Lune est tombée.
Elle s'est détachée de la nuit naissante sous le regard impuissant des étoiles. Et, pareille à un cadre mal accroché, celui dont on se doute que le clou est trop peu enfoncé, elle a glissé le long du ciel jusqu'à ce que sa vitre d'argent s'éclate sur le plancher de l'Univers. Tous les fragments de son passé se sont dispersés dans les airs et s'y sont embrasés. La pluie n'a laissé derrière elle que des cendres sur le sol.
À cette même heure, j'ai vu un garçon émerger de la poussière. On aurait cru un habitant de la Lune avec ses cheveux clairs et sa peau blanche constellée de cratères sombres. Il n'aimait pas en parler, il m'a dit plus tard. C'était un peu l'histoire secrète de sa face cachée. Sur le moment, il m'a simplement raconté comment il était tombé et, les yeux sur ses chaussures, il m'a confié vouloir reconstruire la Lune pour chasser les cauchemars à venir. Et peut-être même qu'ainsi, il s'en irait la rejoindre dans leur monde nouveau.
« Il suffirait de retrouver quelques morceaux, mais comment les atteindre, comment les tenir dans ses mains ? Sur Terre, tout a brûlé mais là-haut, et il le mentionna sans même lever les yeux, les morceaux brillent comme de vraies étoiles. »
L'Automate qui m'accompagnait faisait sa drôle de tête : celle qui dit qu'on s'attache trop fort à tout ce qui disparaît. On ne l'avait sans doute pas codé pour comprendre la tristesse des orphelins de la Planète Bleue. On ne les codait pas pour grand-chose nous concernant.
« Bienvenue à l'école des Astronautes, j'essayai de le rassurer. Ici, notre étoile brille pour toujours. »
Lui aussi se mit à faire une drôle de tête puis ses yeux quittèrent ses chaussures et balayèrent le Hall de notre grand vaisseau. Il devait se dire qu'ici, où nulle trace de la Terre ne subsiste, l'absence de la Lune ferait moins mal et que les cauchemars ne l'atteindraient sans doute pas à l'autre bout de l'Univers. Ce n'était pas forcément vrai, mais il suffisait d'y croire. C'est ce que disait toujours le Capitaine avant d'ajouter « Maintenant que tu y crois, il faut que cela devienne vrai ! ».
Étrangement, cela ne s'appliquait que sur peu de choses et pas toujours celles que l'on voudrait.
Le Capitaine arrivait d'ailleurs dans le Hall avec ses cheveux tout ébouriffés et des étoiles brunes sur son visage. Le garçon de la Lune prit sa main et le suivit tandis que l'Automate s'empara de la mienne et me ramena dans ma chambre.
Ce n'est que le lendemain, ou peut-être un peu plus tard (le temps est une illusion sournoise, d'après les grands) que je compris le problème : cette chute, ce n'était pas comme les autres dix-huit heures où les figures nouvelles apparaissent dans notre ciel. Là, son ampleur nous avait ébranlés.
La destruction de la Lune avait dû être telle que l'un de ses morceaux avait entaillé le cœur d'Einai II. Depuis les baies vitrées, j'avais l'impression que l'étoile s'essoufflait sans cesse et j'avais beau frotter mes yeux et coller mon nez sur le verre, il y avait toujours cette brève apnée de la lumière. C'était forcément ça.
« L'étoile a un problème.
– L'étoile va très bien, enlève tes mains de la vitre maintenant. »
La vieille Automate passa son chiffon devant moi et repartit attaquer d'autres élèves. Elle finirait par briser la vitre à force de la frotter si fort et nous serions alors tous dehors, là où, pour nous, l'oxygène n'existerait plus. Je reculai d'un pas. Einai II eu un nouveau sursaut. Alors que j'allais chercher Gravité, la sonnerie annonçant son arrivée retentit. Elle nous fit tous approcher et, une fois le cercle de chaises presque complet, elle tapa dans ses mains. La discussion commença.
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Matriochkas - [Advent Calendar]
Storie breviAdvent Calendar 2019 Projet collaboratif (BTS) 24 jours, 24 conteurs, 24 citations, 24 OS --- Depuis quand ? Pour combien de temps ? Compter les heures, les mois, les années. Revenir en arrière, arrêter le temps, repartir. Bonjour, bonsoir, Mat...