Chapitre 29

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Je crois que me rendre dans la maison de sa mère est encore plus intime que si j'entrais chez Chloé. Si c'est sa maison d'enfance, il restera sûrement des traces de la sienne. Ça attise ma curiosité. Comment était-elle quand elle était enfant ? Sage comme une image ou véritable trublionne ? Je me pose mille et une questions tandis que je conduis dans les traces de sa voiture, détonnant dans ce paysage d'anciennes fermes et au milieu de vieux tracteurs. Elle s'arrête derrière une toute petite maison rigolote qui m'évoque plus une chaumière avec son toit si particulier et sa longue cheminée. La bâtisse paraît âgée, mais n'a rien perdu de sa superbe. Les pierres qui composent les murs tiennent un peu de guingois, mais elles semblent pouvoir affronter vents et marées sans même frémir.

– Tu as grandi ici ? demandé-je sans détour en sortant de ma voiture.

– Pas du tout ! Ma mère l'a achetée quand mon frère et moi sommes partis de la maison.

C'est raté pour la vieille chambre d'enfant dans laquelle j'aurais pu trouver des trésors concernant ma chère collègue. Rien non plus à me mettre sous la dent pour gentiment me moquer de sa période adolescente.

C'est d'un triste.

Je pénètre dans une petite entrée très fonctionnelle, donnant sur un couloir. Le sol composé de tomettes anciennes me mène jusqu'à la pièce à vivre. Je n'ai pas fait quelques pas en direction du salon qu'une vague de chaleur me gagne. Les tons écru et crème de la décoration se marient à merveille avec la charpente apparente. Dans le coin, des bûches crépitent dans une cheminée en pierre et me met immédiatement à l'aise. C'est étrange comme certains intérieurs dégagent de telles ondes positives. Je n'ai aucun mal à imaginer la mère de Chloé comme une personne profondément posée et heureuse de la vie.

Le passage au chaud reste bref puisqu'une énorme boule de poil couleur chocolat nous fonce dessus pour obtenir des câlins et le droit de sortir. Le panier gourmand attendra. Nous contournons la maison aux côtés d'une chienne surexcitée qui file dans le grand terrain jouxtant le potager vers lequel nous nous dirigeons.

Aléa est beaucoup trop mignonne. Sa longue queue touffue remue sans arrêt et elle galope constamment entre les jambes de Chloé et un point non identifié dans le champ. Elle court de partout, saute sur des mottes de terre, et renifle l'entrée d'une taupinière. À chaque retour de notre côté, elle vient quémander des caresses en frappant ma main de son museau. C'est un autre style qu'Artémis, c'est sûr, mais elle n'en reste pas moins adorable. De toute façon, tout ce qui ressemble à un plumeau sur quatre pattes constitue ma plus grande faiblesse.

Le potager représente une véritable œuvre d'art, bien qu'il ne soit pas très développé au vu de la période. La mère de Chloé a aménagé différents espaces à l'aide de vieilles palettes. De petites pancartes indiquent quel fruit ou légume se trouve sur chaque parcelle. Chloé s'amuse à me les cacher pour me faire deviner ce qui pousse. On dirait une enfant, mais je n'ai aucun mal à jouer le jeu. Ce serait l'hôpital qui se fout de la charité de prétendre que je ne suis pas moi-même une grande gamine.

J'ai vraiment l'impression de ne pas du tout avoir affaire à la même personne que ces derniers mois, et je n'arrive pas à savoir si j'apprécie ou si ça m'inquiète. Dans tous les cas, c'est très perturbant.

– Des topinambours ? répète-t-elle en riant. Mais ça n'y ressemble même pas un peu !

J'observe l'espèce de chose terreuse qu'elle place entre mes mains. Un mélange entre un ver dodu et un long gnocchi. Autant dire que cette forme n'augure rien de bon.

– Je détestais les topinambours quand j'étais gamine, du coup ça collait bien avec un truc à l'aspect répugnant.

– Ce sont des crosnes, me corrige-t-elle. C'est excellent.

Hating, Craving, FallingOù les histoires vivent. Découvrez maintenant