Hating, Craving, Falling

Chapitre 30

L'horizon nocturne est ponctué de petits points lumineux. Certains sont des astres juchés sur des millions d'années, d'autres émanent des lampadaires ou des phares à quelques kilomètres de là. Tout est une question de perspective, pourtant le fond de tableau reste le même.

Un frisson me secoue tandis que je me recroqueville sous l'épais manteau que Chloé m'a prêté. Nous nous tenons debout, face à l'immensité de ces champs noirs. Nous discutons sereinement et je ne cesse de m'émerveiller devant le fait que tout se passe si bien. Son comportement est tellement imprévisible en temps normal, que je m'attends à ce que tout bascule à chaque instant. Mais non, sa voix se révèle calme, interrompant avec douceur le chant des quelques grillons résistant à l'hiver. J'ai l'impression d'être à l'intérieur d'une capsule temporelle et qu'en réalité, tous ces instants ne se seront jamais réellement déroulés.

Nous sautons de conversation en conversation et il s'avère de plus en plus compliqué de suivre leur cheminement. Qu'on m'explique d'ailleurs pourquoi Chloé me raconte actuellement la raison de sa séparation avec son ex.

– Elle est partie vivre en Australie. C'était un rêve de gamine pour elle. Moi j'aimais mon quotidien en France, je ne me voyais pas tout lâcher.

– Tu ne lui en as pas voulu de faire passer son voyage avant toi ?

– Je l'ai simplement laissée partir. Ce n'était pas qu'un voyage pour elle. Ça aurait été égoïste de ma part de la garder près de moi, en l'empêchant de réaliser son rêve. Mais c'était impossible pour moi de vivre une histoire à distance. Avec tant de distance. J'ai préféré la voir heureuse en étant loin que malheureuse avec moi, et je ne regrette rien. Je garde beaucoup d'affection pour elle.

Je hoche la tête malgré l'obscurité et me concentre pour ne pas claquer des dents tant je suis gelée. À son tour, elle m'interroge sur les filles de mon passé.

– Je n'ai pas vraiment d'ex.

– C'est tout ? demande-t-elle après un silence.

– Ben...

Je réfléchis aux femmes que j'ai rencontrées. Celles avec qui j'ai partagé des nuits endiablées sont nombreuses, mais celles qui ont laissé une trace dans ma vie se comptent sur les doigts d'une main. Quant à celles qui ont une place dans mon cœur, dieu merci aucune connexion sexuelle ne nous relie.

– Il n'y a pas vraiment grand-chose à dire en fait.

– Tu n'as jamais été en couple ?

Sa voix trahit son étonnement. Mon silence est révélateur et Chloé rit doucement. La délicatesse de ce son me surprend. Là où je pensais qu'il serait moqueur, il n'exprime rien d'autre qu'un simple constat, de la manière la plus naturelle qui soit.

Je lui explique que la seule relation amoureuse que j'ai entretenue plus de quelques jours était avec Mélodie. À douze ans.

Elle rit encore.

Tendrement.

Elle ne se moque pas.

Arrête de croire qu'elle passe son temps à te juger, tout le monde n'est pas comme toi.

Aléa semble invisible dans la nuit, mais il suffit que Chloé l'appelle pour qu'elle aboie, nous permettant de la localiser.

– Ça me fait penser à une romance que j'ai lue récemment.

Elle me raconte brièvement l'histoire de cette femme qui n'avait jamais pu aimer un autre homme que son amour de jeunesse. Il avait dû partir à l'autre bout du monde, et quand ils s'étaient retrouvés, plus de vingt ans plus tard, leur amour était intact.