Chapitre 5 : Paris s'habille de gris

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Montmartre – 1ère semaine de juin - samedi

Qui aurait cru qu'un mois de juin pouvait compter autant de nuages ? Rien qu'au-dessus de sa tête le Petit Garçon en comptait trois, mais ceux-là comptaient double : ils étaient très gros.

Cela faisait plusieurs semaines depuis leur escapade suicidaire à la poursuite de Slortznic, d'ailleurs le
Petit Garçon ne le voyait plus beaucoup, il était trop occupé à vendre ses machines. Certaines rumeurs étonnantes courraient les rues de Montmartre :
Slortznic était suffisamment convaincant pour que des gens s'endettent auprès de prêteurs sur gages pour acheter l'Adnupollux, la machine qui permet de mettre sa famille à l'abri de la pollution et de purifier l'air de sa maison.

Le Petit Garçon n'y croyait pas du tout, peut-être que l'Adnutio arrivait à purifier l'air grâce à son rayon vert projeté dans le ciel mais l'Adnupollux avec sa petite taille ne devait pas faire grand-chose. Pour lui c'était une arnaque.

D'ailleurs à propos de pollution, il avait remarqué que les rues étaient plus sombres ces derniers jours, phénomène tout à fait étrange car nous avancions vers les beaux jours. Le soir la brume montait de la Seine et venait chatouiller le bas des rues du quartier. À l'abri dans les hauteurs, le Petit Garçon regardait ce spectacle avec beaucoup de suspicion. C'était comme si tout Paris s'était recouvert d'un voile gris.

Il venait tout juste de rentrer du marché, en ouvrant la porte il compta sur ses doigts :

- Non ce n'est pas possible : dix-huit jours... Hé ! Ça fait dix-huit jours qu'on n'a pas vu une ombre de soleil. Tu m'étonnes que les gens soient stressés, pour un mois de juin c'est une première ! Les gens étaient désagréables au marché, on avait l'impression d'être en guerre un jour de disette, dit le Petit Garçon.

- Les autres chats s'en plaignent aussi, le manque de soleil leur pèse, dit le chat allongé sur le bureau de son maître, un peu comme un temps de canicule mais sans le soleil, juste le poids de l'atmosphère, si lourd, si pesant. Autant te dire que je préfère rester ici.

- Toi tu as l'air plutôt en bonne forme, remarqua le Petit Garçon.

- C'est parce que tu me nourris si bien, maître miaou miaou...

Le Petit Garçon rigola en caressant la tête de son compagnon. Il rangea quelques carnets invendus et sortit ses courses qu'il était parvenu à faire juste avant la fermeture du marché.

- Tous les marchands me disent qu'ils sont mécontents de leurs arrivages, les produits ont une sale tête. Tiens regarde par exemple ces deux poivrons.

Le Petit Garçon sortit de son sachet les deux légumes et à sa grande surprise :

- Eh bien ils ont clairement meilleure mine ! C'est bizarre j'étais persuadé d'avoir pris deux rouges. Dans chaque main le Petit Garçon tenait un poivron, l'un rouge, l'autre vert, en parfaite santé.

- C'est très étrange, ils étaient très différents sur le marché.

Le chat s'approcha pour les renifler, rien à signaler.

- Bon tant mieux, conclut notre jeune ami.

- Hé maître tu ne trouves pas que ta plume à l'air bizarre ?

Le chat s'étant approché doucement de l'objet magique, lui mit un petit coup de patte comme pour la faire réagir.

- Tu trouves qu'elle brille plus qu'avant ? demanda le Petit Garçon.

- Oui et puis elle tremblote regarde, le chat désigna l'extrémité de la plume d'une griffe.

En effet on pouvait noter quelques tremblements faibles.

L'Héritier 1878 : le Rayon Vert de l'AdnutioOù les histoires vivent. Découvrez maintenant