Chapitre 8 : Sueurs froides et incompréhension

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1er arrondissement – 2ème semaine de juin - vendredi

La tête entre les mains, Gigot suait à grosses gouttes :
l'enquête prenait plus de temps que prévu, et pendant ce temps la situation ne s'améliorait pas, les patrouilles qui circulaient dans Paris lui avaient fait remonter un dossier assez lourd sur l'agitation des rues parisiennes :
dehors tout paraissait comme étouffé par un écran de fumée, chaque objet semblait avoir perdu ses couleurs, les gens ne venaient plus au marché car les denrées faisaient peur à voir, ils étaient tendus à cause de l'absence de soleil qui durait maintenant depuis trente jours.

Ils peuvent tenir jusqu'à cinquante jours, lui avait signalé le département scientifique. Leur rapport sous les yeux, Gigot apprenait que les premiers signes de folie devaient apparaître à partir du trentième jour. Au bout de cinquante... ce serait l'anarchie en ville et le taux de suicide augmenterait considérablement, il y aurait des émeutes sans précédent :
ce serait suffisant pour faire tomber le gouvernement encore fragile de l'après-guerre...

Les anciens ennemis de la France avaient bien récupéré depuis la fin de la guerre. L'Empire allemand et le royaume de Prusse rayonnaient par leurs découvertes technologiques... la France avait été assez lente dans le redressement de son économie. C'était d'ailleurs tout l'enjeu de cette Exposition universelle, accroître le rayonnement du pays pour en tirer des opportunités économiques...

Un autre dossier rapportait les plaintes des médecins de l'hôpital Sainte-Anne : beaucoup de patients en voie de guérison retombaient malade sans raisons apparentes, certains se plaignaient de la pollution, d'autres du manque de couleurs. Les médecins ont appelé ce phénomène : le mal du charbon, mais ils ignoraient comment le vaincre et manquaient de moyens. Parmi les syndromes on peut retrouver : le teint livide, les yeux rouges, des pustules autour de la bouche et... la folie.

- Ça y est, ça a commencé, se dit Gigot.

Son inquiétude ne faisait que s'accroître au fur et à mesure qu'il croisait tous ces éléments. Il passa les mains sur son visage comme pour se masser les tempes. Comment avait-il pu laisser passer tout ça ?
Le président allait lui tomber dessus et ça serait la fin, il serait la risée du gouvernement. Il se servit un verre et réfléchit. Finalement peut-être que cette situation était une opportunité :
être l'homme qui rétablirait l'ordre dans ces circon-stances critique et ainsi regagner les faveurs du
président.Décidément j'aurais passé toute ma vie à lécher des c... bref.

La mine sombre, Gigot appela sa femme pour la prévenir qu'il rentrerait certainement tard ce soir. Regagnant son bureau avec son verre de scotch, il passa en revue les documents et photos que le professeur Moriarty lui avait laissées. Ça faisait plusieurs jours qu'il avait confié la documentation de l'Adnutio au département scientifique pour analyse, il n'avait toujours pas les résultats, mais de toute manière il ne comprenait rien aux graphes et il doutait que la réponse à ses inquiétudes puisse se trouver dans l'Adnutio. C'était les photographies prises à la volée des pavillons prussiens et allemands qui l'intéressaient. Quelle idée d'avoir voulu inviter ses anciens ennemis à l'Exposition universelle : encore une astuce du président qui allait leur coûter cher.

Il regarda la photographie en noir et blanc. Quelle folie avait pu pousser la Prusse à une telle extrémité ?
Empoisonner la capitale française en injectant les résidus de ses combustibles dans la Seine. La photo montrait bien des conduits qui se déversaient dans la Seine, sur une autre on distinguait une machine volante avec des poches remplies, d'après les informations d'un document écrit, d'un gaz asphyxiant qui transmettait un virus à travers l'air. La même machine volante qu'il avait dessiné sur son calepin quelques jours plus tôt, faisait des essais dans les airs depuis des semaines déjà, le gaz commençait donc à faire effet.

L'Héritier 1878 : le Rayon Vert de l'AdnutioOù les histoires vivent. Découvrez maintenant