Chapitre 8 - Sur la piste

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Xavier

Qu'est-ce qui m'a pris d'accepter cette sortie ? pensé-je en lissant mon tee-shirt. Cela ne me ressemble tellement pas ! Thomas, lui, semble comme un poisson dans l'eau. Après les portiers, ce sont les barmaids et quelques habitués qui se retournent pour le saluer : une vraie star ! À côté, j'ai l'air d'un ours émergeant de sa tanière en pleine hibernation.

Pourtant l'endroit n'a rien de terrible, loin du bouge sombre que je m'étais imaginé. Ici l'ambiance est plus décontractée, à mi-chemin entre un club d'électro et un bar de plage. La décoration est colorée, et si la piste est effectivement dans la pénombre afin de mettre en avant les divers jeux de lumière, le reste de la salle est éclairé par des lampes tamisées. Malgré tout, je ne me sens pas du tout à mon aise et l'envie de déguerpir m'opprime les poumons. Comprenant mes hésitations à décamper, mon cousin m'entraîne jusqu'à une table située à l'écart des danseurs.

Une serveuse aux formes plantureuses arrive aussitôt avec un décolleté plus que généreux et des cils pailletés dont elle use à l'excès. Sans doute est-ce ainsi qu'elle réussit à faire consommer les clients.

— Vous feriez mieux de prendre une bouteille ! s'exclame-t-elle d'ailleurs à l'entente de notre commande, deux whiskys, comme d'habitude.

— On ne va pas rester si longtemps, répliqué-je avec froideur.

Thomas souffle et lui mime son regard de chien battu. Elle rit de son désarroi avant de s'approcher de nouveaux arrivants, non sans laisser traîner une main sur l'épaule de mon compagnon de sortie. Quel tombeur !

— Alors, j't'avais pas dit que ce lieu était d'enfer ? me crie-t-il à l'oreille pour couvrir le bruit des basses.

— L'enfer, ça tu peux le dire ! maugréé-je, en rêvant de rentrer à la maison.

— Allez, détends-toi un peu... Amuse-toi !

Je fais de mon mieux pour masquer ma mauvaise humeur. Après tout n'ai-je pas décidé de prendre sur moi et de faire moins peser mes états d'âme sur mes proches ? Le pauvre Thomas n'a rien fait si ce n'est tenter de me divertir ! Ce samedi est l'entraînement idéal pour profiter d'une soirée avec mon cousin sans passer pour un rabat-joie et lui tuer l'ambiance.

Une heure.

Voilà ce que je m'impose, essayant de ne pas trop forcer pour ma première sortie. Je vais résister une heure sans râler et boire un coup en bonne compagnie et après j'aurais mérité de rentrer à la ferme. Ainsi je n'aurais pas fait faux bond à Thomas, j'aurais fait un effort sur moi-même. Ce serait bien, du moins si je parviens à tenir ma résolution.

Miss Étalage-de-poitrine est de retour, un plateau en main, un sourire aux lèvres et deux verres remplis d'un liquide ambré. Elle se penche à l'extrême, offrant à Thomas une vue au microscope de ce qui occupe ses balconnets avant de repartir, guillerette vers le bar.

— Tu te l'es déjà faite ? le questionné-je en levant mon whisky dans sa direction.

— Et pas qu'un peu ! s'enorgueillit-il.

Il entrechoque sa boisson à la mienne avant de prendre une longue gorgée.

— Et on dirait bien qu'elle en redemande ! ajoute-t-il dans un éclat de rire.

Son ton jovial, son sourire de poupon allié à son regard de tombeur déclenchent mon hilarité. J'ai beau ne pas cautionner son style de vie, je ne peux m'empêcher de m'esclaffer de ses frasques et de lui envier la légèreté qu'il met dans tout ce qu'il entreprend. Est-ce la brutalité de son enfance, avec la mort de ses parents, qui lui a appris à vivre au jour le jour ? Sans doute... Comment l'en blâmer après tout ?

Nuit d'orage et petites complicationsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant