Chapitre 10 - Mes amis, mes emmerdes

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Xavier

Accoudé au bar, je commande deux monacos et une pression. Chose accomplie, je retourne à la table où se chamaillent Thomas et Laurianne, comme d'habitude. Ces deux-là adorent se détester et ce rendez-vous hebdomadaire après le krav-maga est prétexte à un envoi de piques plus ou moins assaisonnées. Un manège qui me fait sourire même si, de temps à autre, je dois m'interposer entre eux comme un pion dans une cour de récré.

En tout cas, je ne peux pas nier que mes résolutions ont porté leurs fruits. Depuis mon inscription à la salle de sport, je suis beaucoup plus détendu. Mes nerfs passent contre les sacs de frappe ou parfois contre mes camarades d'arts martiaux. À plusieurs reprises, j'ai été envoyé au tapis, ce qui me pousse à redoubler d'efforts et à me dépasser. En recherche constante d'amélioration, j'ai trouvé dans ce sport et plus généralement dans ce club, un bon exutoire à toute ma rancœur.

Si au départ, je me refusai à mettre toute ma force dans mes combats contre Laurianne, j'ai bien vite changé d'avis. En effet, après être rentré avec un cocard et pléthore d'hématomes, il m'a fallu me rendre à l'évidence : je n'arrêterai pas de me faire botter le cul ! Depuis, je récolte encore des roustes – moins souvent ceci dit –, mais j'ai gagné un peu plus de respect de la part de ma binôme qui voulait que je la traite d'égale à égal.

Je viens donc au club deux fois par semaine, les mardis soirs et, comme aujourd'hui, les dimanches matins. La plupart du temps, Thomas nous rejoint aux alentours de midi, une fois le nécessaire réalisé à la ferme afin que nous allions prendre un verre au « Joyeux zigue » en compagnie de Laurianne ou aussi d'autres membres de l'école d'arts martiaux.

Adopté pour sa proximité avec la salle, ce bar est vite devenu notre lieu de ralliement. Il faut dire qu'il n'est pas rare que nous nous gavions des plats de tapas qu'il propose. Des acras de morue, de l'escalivade, du pan serano con tomate aux gambas grillées, il nous surprend chaque week-end avec des assiettes de dégustation préparées maison. Il varie les plaisirs pour le nôtre, ce qui en fait le point de rendez-vous incontournable de l'été. Cependant, cela me fait reprendre une partie des calories brûlées lors de l'entraînement. Qu'importe !

Je réapprends à apprécier les joies simples de la vie, à trouver le bonheur en dehors de mon mariage. Néanmoins, j'ai encore un long chemin à parcourir d'autant que Marie demeure omniprésente dans mon quotidien. Entre les papiers à signer, les affaires à me rendre et les mille et une choses qu'elle ne sait pas faire dans notre – sa – maison, elle passe plusieurs fois par semaine à la ferme. Bien plus que lorsque nous étions ensemble en tout cas, ce qui ne manque pas de me mettre les nerfs en boule. Si j'essaye d'éviter de lui faire des remarques cinglantes à chacune de nos entrevues, je n'en pense pas moins et certaines m'échappent tout de même...

Cette femme va me rendre fou ! Le pire c'est qu'elle ne se fâche pas, même face à ma mauvaise humeur. Jamais elle n'élève la voix, me faisant encore plus culpabiliser d'être le seul con à souffrir de cette situation. Son calme olympien et la lueur de compréhension – ou de pitié... – qui brille dans son regard me font sentir d'autant plus minable. Elle n'éprouve pas la peine que je ressens à voir ma vie s'effondrer et s'étioler en lambeaux. Non, elle perçoit cela comme un nouveau chapitre dans son existence, une page vierge à remplir et la sensation d'avoir un monde de possibles à ses pieds la galvanise. Moi je constate juste que je vis de nouveau avec mon père... Retour à la case départ.

Nous ne pourrions pas être plus opposés en somme, ou bien est-ce naturel après tout quand la séparation ne se fait pas d'un commun accord. L'un pleure alors que l'autre respire... Ceci dit, bien que je sois déchiré de l'intérieur, je ne verse pas une larme. Ma douleur s'exprime par la colère, je ne suis pas encore prêt à la laisser disparaître totalement.

Nuit d'orage et petites complicationsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant