Chapitre 1 - La dispute

1.1K 48 17
                                    

Léonore

— Tu aurais pu faire un effort quand même, Léonore !

Je m'étrangle en entendant le reproche que vient de me faire mon petit ami. Toutefois, je ne suis pas surprise. À chaque fois que nous rentrons d'un repas chez les parents d'Olivier, l'ambiance est la même. En cause : les aspirations de ma belle-famille, surtout concernant mes choix de vie et de futur.

— Et tu voulais que je fasse quoi ? m'agacé-je. Que je dise amen à chaque parole de ta mère ?

— Oh ça va... Elle te propose juste une place dans son entreprise, pas la peine de faire un esclandre, ce n'est pas comme si elle t'invitait à te prostituer quand même !

— C'est tout comme, grommelé-je, bras croisés sur ma poitrine en signe d'opposition et d'extrême énervement.

Côté conducteur, mon beau brun reste concentré sur la route, les mains posées sur le volant chromé. Ses cheveux coupés aux millimètres sont aussi parfaits que son costume. Il est sublime, mais à l'heure actuelle, je ne pense qu'à une chose : il est le fils modèle à sa maman et j'ai une furieuse envie de déchiqueter sa veste, rien que pour casser cette image BCBG que j'exècre à l'instant même. Son regard dévie pour me faire face puis retourne sur le paysage qui défile devant lui. Son cou est tendu, il m'en veut.

— Tu es ingrate, dit-il enfin dans un souffle. C'est une opportunité en or qu'elle t'offre sur un plateau tout de même. Ça mérite que tu y réfléchisses, non ?

S'il croit qu'avec sa voix doucereuse je vais me calmer, il a tout faux. La fureur éclate d'autant plus dans l'habitacle. Hors de moi, je monte encore d'un ton.

— Mais une opportunité de quoi ? J'ai déjà un travail que je sache.

— Tu es influenceuse sur les réseaux sociaux...

L'inflexion dans les paroles d'Olivier me hérisse les poils et suffit à traduire sa pensée : comme sa mère, il ne perçoit pas cela comme un métier. Un passe-temps, tout au plus...

— Je ne t'ai jamais entendu te plaindre quand cela permet de te couvrir de cadeaux ou de t'emmener en week-end romantique ! Là, tu ne critiques pas le salaire que je me fais...

— Ce n'est pas une question de salaire, voyons, répliqua-t-il mollement, signe que la dispute le fatigue.

J'essuie mes mains moites sur la jupe noire que je porte à mi-cuisses. La chaleur et l'énervement me donnent la sensation d'étouffer, aggravé par le cuir des fauteuils qui semblent me faire fondre de l'intérieur, je descends la vitre à la recherche d'air frais. En vain...

La discussion tourne dans ma tête et n'apaise en rien ma colère. Jusque-là, les réflexions sur ma carrière n'ont été que sous-entendues. Sujet à plaisanterie parfois, mais sans dépasser les bornes. J'en ai toujours fait abstraction, mettant ce genre de remarques sur le compte du décalage de mode de vie.

Après tout, les opportunités qu'offrent les réseaux sociaux sont si récentes que cela me paraît normal que des gens des générations précédentes ne le comprennent pas et s'en inquiètent. Mais lors de ce déjeuner, les attaques se sont faites plus fortes et virulentes qu'à l'accoutumée. J'ai eu droit à des regards inquiets pour ma santé mentale. Comme si travailler de chez soi était finalement quelque chose de honteux alors que je suis plutôt fière d'être à mon propre compte. Mon beau père m'a même demandé si je ne devenais pas agoraphobe. Qu'est-ce qu'il ne faut pas entendre ! J'ai tenu bon jusqu'au coup de grâce où Anne m'a fait cette fameuse proposition pour intégrer sa compagnie d'assurance en tant que conseillère. Plus barbant, tu meurs !

Nuit d'orage et petites complicationsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant