Entre les ombres la fatalité est déjà écrite. Elle ne fait que se répéter.Ma voix explosa, contractée par un torrent de larmes. Je conduisais pour survivre même si la mort me semblait terriblement plus proche que la vie. La vitesse et le danger m'appelaient, j'hurlais face à la douleur, mais mes mots se perdaient à jamais dans l'immensité des lieux. Mes yeux embués fixaient la route espérant y voir le fameux tunnel lumineux. Par dessus tout, je voulais te rejoindre. De l'autre côté.
Dans ma tête résonnait un orchestre symphonique accompagné de chant lyrique, c'était sublime. La poussière de mes roues sur le sable rendait la route encore plus sombre et brumeuse. Derrière moi, retentissait le bruit que Chat semblait bien trop connaître, la sirène, celle de la poursuite interminable qui nous attendait, avec la justice, avec la loi, notre route était longue mais nous menait obligatoirement qu'à un seul endroit, l'enfer.
Il me hurlait d'accélérer, mais j'étais déjà à fond, prêt à nous faire foncer dans un ravin pour esquiver notre destin.
Notre attaque était la fuite, la fuite n'a pas de chemin, pas de ligne à suivre, il était temps de sortir de la route, s'enfuir à travers le vide, le volant se braqua, les roues vibraient, sans chemin tracé, impossible de nous suivre. Il n'y avait qu'une seule route, en dehors de celle-ci, la mort, la chaleur, l'infini.
Mais qui n'est pas attiré par l'infini ?
Les mains de Chat me serraient pour me faire faire demi tour, mon grand, c'est notre seul échappatoire.
Je ne savais pas où je nous conduisait, mais une chose est sûre, ils n'auront pas nos vies, ni nos cadavres.Après une distance incalculable, je coupais le moteur. Nous étions nul part. L'adrénaline redescendait enfin. Mon compagnon de voyage ne parlait plus depuis bien longtemps, conscient de l'idiotie de mon geste. Nous étions perdus en plein désert. Et rechercher, sans espoir d'être aidé. Si on venait nous chercher c'était pour nous abattre. En avait-il plus conscience que moi ? Il savait peut être ce que ça faisait, d'être celui qu'on voulait abattre.
Il se tendît à côté de moi. Il était prêt à imploser.
« Pourquoi tu ne me regardes pas ? »
C'est donc ça qui te torture tant ?
Je ne répond pas,
oui, je ne veux pas te regarder.
Je n'ai rien à prouver.« J'ai fais ça pour toi. »
Il frappa ses pieds contre la boîte à gants comme prit d'une folie soudaine, ses bras s'enroulaient autour de sa tête.
« Je ne t'ai rien demandé ! Je veux que tu me regardes ! »
Ses yeux humides s'étaient faufilés entre ses bras et je les sentaient me fixer. Non, je ne veux pas le voir, voir cette fragilité, je pourrais le casser, lui faire mal juste par bêtise, juste par désir. Je ne suis pas un gentil.
Il panique, je sens sa peur, il faiblit.
« Tu ne veux plus me voir ? Je suis ignoble ? »
Ne me dit pas ça.
Toi, tu es simplement toi.
Mon corps incapable de résister une seconde de plus tourna vers lui.
Mon dieu, qu'est ce que tu peux lui ressembler Chat. Tes pupilles noirs lisent en moi, je le sens, mais je ne peux pas faire de même, j'ai l'impression de déjà te connaître.« Que vois-tu en moi Poisson ? »
Si tu savais mon grand, tu es infiniment palpitant, invraisemblable, fascinant.
« Un morceau lointain de moi, que vois-tu en moi Chat ? »
Il hésite un instant, vois-tu mes erreurs, mes désirs, vois-tu mes pensées, mes vices ?
« La chose la plus proche de moi. »
Ses bras se délient de leur emprise, pour frotter un instant son visage mouillé, ils finissent leur voyage autour de moi. Je ne répond pas à cette étreinte, à quoi bon.