Le corbeau

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Je lui avais demandé d'enlever la couleur rose de ses cheveux, qui risquait d'être trop reconnaissable.

Me voilà donc assis en face d'un blond décoloré, bien trop clair et bien trop décoloré, il a simplement enlevé le rose, comme je lui avait demandé. Rendant toute sa tignasse blonde. Je m'attendais à quoi aussi, il allait forcément faire le moins d'effort possible. Ses sourcils sont mille fois trop foncés pour sa teinte capillaire, d'un roux cuivré, la couleur d'origine de ses cheveux aussi je suppose, je suis pas visagiste mais pas con non plus, son blond là, c'est simplement moche. On dirait une gamine de 16 ans qui fait des folies pour s'émanciper et j'ai jamais aimé les ados. Me voyant plongé dans mes songes il pose son burger avale sa bouchée et me fait part de sa réflexion:

« T'as quoi encore tête de cul ? »

Il parle trop fort, des gens se retournent vers nous, vous voyez ? Une ado qui se fait remarquée.
Il va vite falloir qu'on corrige sa façon d'être discret, en fait tout est à refaire.

« Ta coupe te rend vraiment laid. »

Il s'étouffe avec sa nourriture, après sa crise de toux il me fixe, et m'envoie un coup de pieds sous la table, heurtant directement mon tibia. Je me contracte sous la douleur, on est censé ne pas trop se faire remarquer et voilà qu'il découvre qu'il a envie d'me prendre la tête.

La serveuse propose de nous resservir de l'eau au moment précis du choc contre le bas de la jambe, mon visage tordu par la haine, je l'envoie vigoureusement bouler. Il reprend un croc de son burger et marmonne des insultes à mon égard, trop mignon.
J'avale une frite, me demandant comment j'allais me venger, peut être lui raser le crâne, ça résoudrait les deux problèmes en même temps, ses cheveux ignobles et sa grande gueule. En plus je suis certain que son crâne a une forme originale.
La porte du petit restaurant s'ouvre, la serveuse l'accueille joyeusement, la personne qui vient d'arriver se dirige vers le comptoir, j'entends sa voix débattre avec elle même face au menu, la reconnaissant instantanément. Je jette un léger coup d'œil. Je ne mettais pas trompé, c'est bien lui. Cette enflure, qu'est ce qu'il fout là ? Chat n'y prête pas plus attention que ça, concentrer sur son repas, tant mieux, qu'il reste calme. Je prie de toutes mes forces pour qu'il soit végétarien et donc par extension pas intéressé par le menu totalement composé de viande, je sais, c'est une prière très précise, je l'entends de nouveau bouger, merde, il s'est assis.
Chat me regard perplexe mais ne s'agite pas, coup de chance pour une fois qu'il ne beugle pas. Je lui fais signe de rester calme et lui chuchote le danger immensément présent.

« Le mec là bas, en short et en débardeur, c'est un agent de la criminologie. »

Il avale difficilement son dernier morceau, empêchant sa toux de sortir en positionnant sa main devant sa bouche.
Avant de me remettre à mes explications je vérifie que l'agent en question ne nous a pas remarqué. Rien à signaler pour l'instant.

« Il porte toujours un flingue sur lui, si il nous repère il n'hésitera pas a tirer. C'est lui qui me pourchassait il y a 10 ans, c'est une grosse pointure. »

Il l'observe un moment le plus discrètement possible, merveilleux, sans fausse note, je l'ai jamais vu aussi félin, puis retourne son attention vers moi. On dirait finalement que cette nouvelle couleur l'a rendu plus sage.

« Et c'est quoi son petit nom ? »


« Toki Karasu »

Son nom se reflète dans le sang, les larmes, la haine. Comme un corbeau guettant chaque morceaux de chair qu'il pourra dévorer.



Pov Karasu

Je sens un frisson me parcourir, je me souviens d'une superstition qui dit que quand un frisson comme celui-ci nous envahit sans raison c'est que quelqu'un pense à nous ? Je ne suis plus très sûr, mais ça me convient. Uhuh, je me demande bien qui ça peut être. Cette serveuse me dévore des yeux depuis tout à l'heure, alors ma jolie tu ne serais pas l'auteur de mon fameux frisson ? Je lui envoie un clin d'œil, elle s'enfuit directement, toute timide à cette âge la.
Je ne m'attarde jamais sur ce genre de petit resto d'habitude, je préfère de loin les restaurants spécialisés en végétarien, je ne trouve jamais réellement mon bonheur sinon, bizarrement ici, leur seul plat sans viande est mon favoris. Sûrement un coup du destin, ou cette serveuse qui m'attire dans ses filets grâce à sa sorcellerie.
Une fois que mon plat est commandé je sors les dossiers de ma sacoche, les étalants sur ma table, je les examine un instant. Kiroma Chat, Tama poisson, leur visage m'obsède, jusqu'à dans mes rêves, ils n'ont aucune gène, se promenant librement, ils ont ce talent pour la fuite et le camouflage, être visible c'est le meilleur moyen d'être invisible. Ils nous l'ont prouvé en vivant dans un hôtel à la vue de tous, en finissant par un carnage gigantesque. La douceur et l'attaque soudaine ? Ça me semble être un comportement très hasardeux, voir instinctif. Si on mettait la main sur l'un, je ne suis même pas sûr que l'autre cherche à lui venir en l'aide, ils n'ont pas d'attachement ni d'empathie, les monstres n'en n'ont pas. Tama Poisson a brûlé toute sa famille un soir alors qu'il avait seulement 14 ans, à cet âge c'est de naissance la folie qui parasite son cerveau, ou peut être son cerveau est-il juste pas comme le nôtre.
Mon plat brûlant est posé par la jolie demoiselle, j'en profite pour lui faire comprendre que l'attirance est réciproque en lui caressant la main subtilement, elle s'enfuit de nouveau, elle me fait languir.
Je prends quelques fourchettes en bouche, inspectant leurs photos en même temps, celles de Kiroma Chat viennent certainement de réseau sociaux, j'en déduis qu'aucune n'était présente dans nos fichiers, en même temps, il avait juste été chopé avec 20g sur lui, on risque rien avec ça depuis bien longtemps, il a passé une journée en garde à vue et c'était fini. D'ailleurs il n'en avait même pas consommé, c'est bizarre, une portion de consommateur sans consommer ? Le gamin à encore des choses à révéler.
À la vue de son visage je frappe un peu plus violemment mes dents contre la fourchette, créant un bruit qui raisonne dans mon crâne, Tama Poisson, semblant toujours avoir un pas d'avance, en total contrôle de son être, au procès pas une fausse note, pas une larme, il était vide, il a payé le plus gros truand et c'est tiré. Voulais-tu simplement la tranquillité ? Je me souviens encore, du jour où je t'ai enfin trouvé, de la sensation, la pression que j'exerçais sur ton corps, ton sang qui coulait sur le macadam, c'était parfait, un super souvenir. Une satisfaction m'envahit à ces images me revenant en tête. Soudain, mes tripes se resserrent, une douleur étrange attaque mon estomac. Sans prendre le temps de la réflexion je me lève laissant tout en place sur ma table et fonce aux toilettes. Mes mains se posent sur la cuvette, je régurgite la totalité de mon repas, je maudis ce foutu restaurant, je me disais bien que le plat avait un goût étrange, la date devait être passé depuis un moment au vu de la violence des nausées.
Après une bonne quinzaine de minutes je sors finalement des toilettes, j'ai cru qu'elles aillaient devenir mon cercueil. La nausée n'a pas totalement disparu, mais assez pour partir, et je ferais fermer ce restaurant.
Mes documents ? Où sont-ils ? Je me rue vers ma place, totalement vide, rien sous ma chaise, ni sous la table, je retourne tout, rien, rien.
C'est cette sorcière ? Je me retourne, j'aperçois un petit sourire sur ses lèvres, j'avance vers elle, ses yeux se lèvent vers moi, des yeux pleins de dégoûts. Je sors mon flingue, tout le monde se met à terre.

POISSON CHATOù les histoires vivent. Découvrez maintenant