Chapitre IX

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La réunion s'éternise, les théories s'accumulent à chaque trouvaille supplémentaire et la fatigue nous rend de moins en moins lucide au fur et à mesure qu'on pense avancer dans notre enquête. Causant certaines tensions, en plus de celles faite par le stress de tout ce qu'on ignore encore. A force de trop se torturer les méninges, on risque de finir avec d'énormes rides sur le visage. Takako se sent un peu moins coupable qu'au début de la soirée, les autres garçons continuent de fouiller toutes les sources de données que notre organisation a pu obtenir ou préserver suivant les cas. Kei quant à lui, a de nouveau le regard dans le vide, et trace de manière automatique les contours de mon pansement. Je sais ce qu'il ressent : il regrette de ne pas avoir pu me protéger. J'aurai beau lui dire plusieurs fois que ce n'est pas grave, que c'est passé et que je suis résistante, il s'en voudra jusqu'à ce que le coupable soit hors d'état de nuire.

-T'apitoies pas sur une chose aussi insignifiante Kei...

Il sort de ses pensées, et relève la tête pour plonger son regard dans le miens, comme prit au dépourvu.

-Tu as raison, c'est rien comparé à ce que tu as pu traverser auparavant. Mais à l'avenir, fais plus attention...Je ne sais pas ce que je ferai si un jou-...

Je lui coupe la parole calmement, en mettant ma main sur la sienne.

-Pense à maintenant, je te l'ai déjà dit.

Il acquiesce en silence et se racle la gorge avant de prononcer son verdict de commandant :

-Bon, nous avons assez d'éléments pour conclure l'ordre de résolution du problème. Lieutenant, va voir l'enfant avant que j'énonce le plan s'il-te-plaît.

Je me lève, non sans difficulté suite à l'injection du sérum de tout à l'heure qui lutte encore contre le virus, et vais jusqu'à la pièce qui nous sert d'infirmerie improvisée. Sans réelle surprise, la petite s'était endormie. En éteignant la console et en l'installant correctement, je me mets à me demander si cette enfant est véritablement mon passé. Pour être franche, j'ai dû mal à me remémorer celle que j'étais avant l'histoire du laboratoire. Savoir que j'avais pu être aussi... humaine, me perturbe. J'ai l'impression que ce n'est qu'une enfant parmi tant d'autres et que rien ne nous rattache, si ce n'est notre rencontre de ce matin. C'est étrange comme sentiment, ce détachement...

Je reviens à la salle principale, et informe Kei de mon constat. Ce dernier se racle une énième fois la gorge avant de prononcer son premier ordre pour notre nouvelle mission :

-Mon plan sera donc celui-ci : Avec moi iront la Lieutenant, Shuei, Salem, Minato et Takako pour re-déposer mini-Mako. Ainsi les jumeaux, Ryûo et Usui, vous resterez au Quartier Général le temps de notre excursion. Les détails pour la suite vous seront transmit en temps et en heure. Des questions ?

-On nous prive encore de participer à la fête ! Raille avec un demi-humour Ryûo.

Le Commandant, un poil agacé, n'a pu se retenir de le foudroyer du regard avant de lui répondre froidement :

-Si tu crois que c'est une partie de plaisir, alors tu confirmes mon choix.

Cette remarque empêche son interlocuteur de rétorquer quoique ce soit, et finit par baisser les yeux en bougonnant un semblant d'excuses. Au fond, notre ami n'avait pas tort. Ce n'est pas la première fois qu'on divise notre troupe ainsi. Pas du tout par manque de confiance, mais par stratégie. Et cette stratégie estime qu'une nouvelle fois, ramener tout le monde ne fera que compliquer les choses. Les Jumeaux gèrent le piratage et les archives, Usui la gestion de la sécurité du bâtiment et est chargé de la surveillance. Quant à notre compère Ryûo, c'est le responsable de communication. Il se débrouille avec excellence dans les traductions, les décodages et sait brouiller les échanges ennemies ainsi que leurs positions sur des radars. Voilà pourquoi ces quatre là reste ici, ils sont la clé de notre organisation pour cette mission. En tant que principale concernée dans tout ce désordre, il est normal que j'aille sur le terrain pour ramener l'enfant dans le passé, le commandant et Salem m'accompagnent comme garde-du-corps, Minato pour son agilité, sa discrétion et son aisance au sniper, et enfin Takako pour deux raisons. La première est pour sa capacité très importante dans les négociations et le mentalisme. La deuxième : Il a été la seconde victime du piège qu'on nous a tendu.

On se met d'accord sur l'organisation complémentaire, et le commandant finit la réunion. Cependant, un point me chiffonne : La mémoire de Mini-Mako. Devrions-nous la laisser intacte ? Où doit-on l'effacer au risque que je revive ces évènements en flash-back tout au long de ma vie ?

Comme si j'étais un livre ouvert, Shuei me dévisage avec une certaine compassion et me rassure :

-Quoique tu choisisses, retiens le fait que tu ne seras pas seule et que nous te soutiendrons. On a confiance en toi, et on sait que tu ne laisseras pas ce genre de chose altérer ton présent n'importe comment.

Je souris en fermant les yeux, soulagée et de nouveau convaincue de mes actions. Il a raison, ce n'est pas le moment de flancher pour un détail aussi insignifiant. En rouvrant les yeux, japerçois les jumeaux à l'entrée de la salle principale. Rei retient Lei, Lei qui semble vouloir se diriger vers notre pièce pour l'infirmerie.

-Mais frangin laisse-moi y aller ! Je veux juste vérifier si le lieutenant dort toujours ! râle Lei, essayant de se défaire de la prise de son frère. Ce dernier n'en démord pas et rétorque :

-Ce n'est pas à nous de le faire, imagine tu la réveilles ? On ne l'approche pas sans autorisation, point barre !

-La lieutenant est devant vous, dis-je en montrant ma curiosité. Quest-ce qu'il se passe ici ?

Les jumeaux font volte-face vers moi, surprit, et après un soupir sincère, Rei m'explique :

-Mon abruti de frère souhaite aller vérifier si ton passé dort encore, il aimerait récupérer quelque chose mais pour ça il doit s'assurer de son sommeil. Personnellement, je refuse de le laisser, il est trop maladroit pour être discret et va surement la réveiller.

Etonnée je demande à Lei ce qu'il veut absolument récupérer, et sa réponse manque de me faire lâcher un rire :

-Eh bien...J'ai oublié mon "Tamagoshi" sur le bureau

-C'est un nom de code pour « journal intime », me précise Rei.

Je tapote leurs épaules et m'engage à aller le récupérer. Sur notre canapé de chefs, Kei bidouille une sorte de plan sur son ordinateur, je lui informe rapidement que je compte réveiller lenfant. Aucune manifestation, donc j'en conclus qu'il est d'accord et me rend dans la fameuse pièce. En allumant la lumière, je remarque que la petite est déjà réveillée. Elle est là, assise en tailleur en se frottant les paupières encore mi-closes. La mission va bientôt débuter. Je ne sais pas si c'est de retourner dans mon passé qui me donne des pincements au coeur, ou si c'est de savoir que je ne reverrai plus mon moi davant. Tout est encore un peu mitigé.

THE TARGET VOLUME 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant