Depuis la fin de notre réunion, environs une heure s'est écoulée. La petite ne m'a posé aucune question une fois mes explications terminées et elle nous a même donné son accord pour la suppression de sa mémoire. « Tant que je retrouve ma famille, je ferai ce qu'il faut ! », m'avait-elle répondu.
Les garçons sont en train de préparer le portail temporel, moi je rédige un compte-rendu sur la situation pour nos archives. Mini-Mako a eu le temps de se reposer, et a décidé de rester à mes côtés dans la salle de réunion. J'étais tellement absorbée par ma rédaction que j'ai mit du temps à comprendre qu'on m'appelait.
-Hey Lieutenant ! me surprend Usui, inquiet par mon expression incrédule.
-Excuse-moi, quand j'écris, j'oublie ce qui m'entoure. Qu'y a-t-il ?
Il soupire d'exaspération et me désigne du doigt l'enfant :
-Shuei va commencer la première étape de l'opération. Tu dois être présente.
-Très bien, j'arrive tout de suite. Emmène-la maintenant que je termine mon rapport.
Mon coéquipier et mon mini-moi s'exécutent pendant que je conclus ma dernière ligne. Nous voici donc avec la gamine dans le bureau personnel de notre médecin. Ce dernier est déjà installé pour effacer les souvenirs de ce que mon passé a vécu avec nous. Il s'assure que nous soyons bien prêts, puis utilise sa méthode d'hypnose. C'est comme ça que l'on « efface » la mémoire de quelqu'un. Il enfouit les souvenirs dans le fond de l'inconscient. Manquant de laisser glisser mes documents des mains, je me remémore tout les moments d'apprentissage que nous nous étions efforcés à suivre pour devenir plus fort mentalement et physiquement. De la chance que nous avons d'avoir une équipe aussi complète en talent. Notre toubib maîtrise tout un tas de techniques pour ce qui est du contrôle cérébral. Nous avons beau être doté d'une puce puissante, nous avons préféré nous entraîner dans tous les domaines possibles, et ainsi obtenir une intelligence relativement élevée. Tout ceci pour éviter d'être prit à la légère, ou comme de vulgaires pantins se servant uniquement de leurs capacités artificielles pour survivre. On refuse catégoriquement de se laisser à la facilité, en utilisant notre puce. C'est devenu presque une interdiction de l'exploiter, sauf en cas d'urgence ou d'entraînement occasionnel.
Une fois la séance d'hypnose effectuée, viens le tour de l'inhalation du somnifère. Il est évident qu'une fois la mémoire perdue, elle ne se laissera pas trimbaler sagement d'une époque à une autre. Cette mesure nous permet de ne pas la garder sous hypnose, évitant ainsi des éventuelles séquelles irrémédiables. La voici maintenant allongée sur le divan de la pièce, emprisonnée dans ses rêveries. Elle va retrouver sa maison et sa famille...
- Quel enfer..., ai-je soupiré à voix haute par mégarde.
Mes deux compères m'observent, dubitatifs. Usui décide de ne rien dire et quitte la pièce, son casque sur les oreilles et le regard absent. Comme si il venait de perdre lui aussi une étincelle dans sa vie. Shuei, quant à lui, me tapote amicalement l'épaule pour me réconforter avant de se mettre à l'étude de mon compte-rendu, que je lui ai tendu entre temps. Je sens un souffle chaud parcourir ma nuque et des bras s'enrouler autour de ma taille.
- L'enfer ? , me questionne sereinement Keichiro.
- Oui. Savoir ce qui attend mon passé, et que je ne peux pas interférer, c'est une torture presque sans nom.
- L'enfer aurait été de ne pas avoir pu s'évader de cet endroit, et de ne s'être jamais rencontré.
Shuei nous regarde avec conviction, après avoir ajouté cette phrase.
***
Nous voici au grand complet dans l'une des caves de notre QG. La mission va pouvoir débuter, et nous ne disposerons que de très peu de temps. Il est deux heures du matin, et nous devons être de retour avant quatre heures. Passer ce délai engendra de sévères conséquences. Dans la pièce se trouve, contre un mur, quatre boîtiers métalliques disposés de sorte à former un rectangle. Ce sera notre « porte » d'accès, qui sera activée quand une charge conséquente d'électricité sera envoyée. Notre puce se synchronisera à la fréquence formatée par les boîtiers, et nos corps pourront se dématérialisés pendant le voyage temporel. C'est un système qui calque un peu celui du fonctionnement neurologique.
-Equipe d'expédition, mettez-vous en place, l'activation complète se fera dans cinq minutes. Equipe de maintenance, restez vigilant aux réactions du portail, et tenez-vous prêt à intervenir en cas d'urgence. Nous intime Rei, sur le quai vif, s'occupant du démarrage de la machine.
Automatiquement, nous nous sommes correctement positionnés. La boule au ventre, comme avant chaque transfert de ce type, personne n'ose faire ne serait-ce qu'une once d'humour. On sait que la moindre erreur de programmation peut tout faire tomber à l'eau. Même si individuellement, comme Takako a pu le faire la nuit dernière en étant manipulé, traverser les dimensions est relativement aisé, en groupe c'est une autre gestion. Il y a d'avantage de données à programmer, à gérer et à surveiller pour éviter tout problème. Des problèmes de transmissions des matières ou d'interférences notamment. Nous mettons tous notre capuche, un tissu ou masque pour couvrir une partie de notre visage. Ryuo vient déposer mon mini-moi sur mon dos, avant de prendre ses distances en entendant le décompte de Reï débuter.
-Makoto, ça ira pour te déplacer avec elle sur le dos ? s'enquiert Salem, sur le point de tendre les bras pour me la prendre.
Comme par peur injustifiée de me séparer de mon passé, je décline sa proposition sous-entendue avec un petit sourire, et lui assure que je vais pouvoir y arriver. Les garçons se regardent entre eux, un peu perdu, puis se recentrent sur l'activation du portail. Je ne sais pas vraiment comment décrire cette sensation, mais c'est comme si je souhaitais rester jusqu'à la fin avec mon moi d'avant. Sans doute pour savourer mon côté encore totalement humain et innocent que je perdrai de nouveau, inévitablement.
-Trois...Deux...Un...Activation terminée pour l'ARC01-INTER.05. Vous pouvez y aller, le chronomètre est enclenché. Faite attention et revenez nous en entier !
Rei nous lance cette dernière phrase, avant que l'on ne s'avance pour de bon vers l'accès dimensionnel. Une faille regorgeant d'énergie électrique dessine une porte à l'endroit prévue, une lumière blanche nous enrobe à mesure où l'on s'avance vers le mur. Pas de regard en arrière, nous levons juste notre main droite pour un salut.
-Tout rentrera dans l'ordre, je le promets. Je me fais cette promesse dans un murmure, emboîtant le pas de mes camarades dans la lumière aveuglante. Je fus la dernière à quitter notre époque.
VOUS LISEZ
THE TARGET VOLUME 1
General Fiction"La mort n'est pas la pire chose de la vie. Le pire, c'est ce qui meurt en nous quand on vit". Albert Einstein. Un siècle bercé et corrompu par diverses technologies toutes aussi dangereuses les unes que les autres, une organisation, un groupe de j...