Quand les masques tombent, les vents tournent

Chapitre 12 : Du déni à l'acceptation 1/3

Lorsque Natsu se réveilla le lendemain, son sommeil ayant curieusement été dépourvu de cauchemars relatifs aux événements récents, il mit du temps à se souvenir de ce qui s'était passé la veille. Cela revint malheureusement aussitôt qu'il prit conscience de la dureté du sol sur lequel il était allongé et qu'il posa les yeux sur le décor grisâtre qui le cernait de tous côtés.

Ah oui, il se souvenait. On l'avait encore jeté à la poubelle.

En l'absence d'une quelconque activité capable de détourner ses pensées de ce que cela signifiait, la détermination et le courage dont il avait fait preuve la veille avaient totalement disparu. Il avait de quoi manger, de quoi boire, de quoi se réchauffer. Il n'y avait rien à faire d'autre sinon attendre, attendre, et encore attendre. Il ne pouvait même pas aller explorer pour se divertir, ses moyens de déplacements étant extrêmement limités pour le moment, et pour un bon bout de temps.

Il mangea une demi-portion de racine en guise de petit déjeuner, but une gorgée d'eau comme à son habitude pour en atténuer le goût graveleux, rassembla le bois amassé pour allumer un feu et finalement... se recroquevilla contre un mur et attendit.

Il ne savait même pas ce qu'il attendait. Au fond de lui il ne voulait pas croire ce qui lui arrivait. Il ne voulait pas croire qu'il était revenu à cette existence misérable et insignifiante. Il n'était plus rien. Ni un être humain ni même un animal. Juste un déchu à exterminer, un parasite et un poison indésirable que le monde entier essayait de vomir, un amas de chair, de sang et d'os indigne d'être accepté parmi les respectables. Il n'y aurait jamais sa place.

Il en était persuadé et pourtant, il ne pouvait s'empêcher d'espérer. Que tout cela ne soit qu'un douloureux rêve duquel il se réveillerait bientôt, que Fairy Tail allait venir le chercher et l'accueillir à nouveau dans son chaleureux foyer, ou même qu'Igneel finirait par revenir pour le sauver de cette existence vide de sens. Que cette situation où il était seul et livré à lui-même allait soit disparaître, soit changer pour un avenir empli d'amour et de bonheur. Il le désirait si ardemment qu'il commençait peu à peu à s'en convaincre. Le malheur ne pouvait pas frapper tant de fois la même personne, n'est-ce pas ?

Cette pensée le soulagea un peu. Oui, il en était certain. Tout comme la première fois qu'il s'était battu pour survivre, il y avait forcément une lumière à atteindre au bout de ce tunnel de solitude. Il n'avait qu'à attendre.

Alors il attendit. Un jour, deux jours, trois jours. Chaque minute inchangée corroda peu à peu ses espoirs, son cœur les abandonnait d'heures en heures, chaque réveil était plus angoissant que le précédent. Les aubes se succédaient, et il attendait toujours.

Deux jours plus tard l'attente prit fin, et l'évidence perça sa bulle de déni.

Il était seul et le resterait toute sa vie.

*    *    *

A l'aube du sixième jour, Natsu dut se réapprovisionner en vivres. Ravivé d'une énergie venue de nulle part, il s'acquitta de cette tâche avec un empressement et une hargne tels qu'il gagna quelques blessures supplémentaires à force de tomber, aggravant les anciennes au passage. Il avait même volontairement foulé un de ses poignets en frappant un arbre qui lui avait résisté alors qu'il tentait d'en déterrer ses racines, pestant contre la nature elle-même d'être aussi obstinée à l'emmerder et à rendre toute cette chierie encore plus difficile. Il se blessait et se faisait mal continuellement, et il n'en avait rien à faire. La douleur l'aidait à oublier tout ce qui lui avait valu de se retrouver dans cette situation.