Quand les masques tombent, les vents tournent

Chapitre 3 : A l'aube de la haine

La tension était redescendue lorsque les enfants parvinrent à la première des différentes pièces qui composaient le premier étage, qui fut volontairement l'infirmerie. Natsu s'était calmé étrangement vite suite à l'agression dont il avait été victime quelques secondes plus tôt seulement et semblait même maintenant totalement ailleurs, ou plutôt, remarqua Erza, concentré. Ses traits jusqu'alors expressifs et son regard pétillant avaient mué en une neutralité bien terne comparée à la vitalité presque excessive dont il avait fait preuve à son arrivée. Ses pupilles olive s'étaient légèrement affinées sous la concentration, et il tournait la tête de temps à autre pour fixer le vide derrière lui avant de continuer de les suivre, lui octroyant un certain nombre de « Qu'est-ce qu'il y a ? » de la part de ses nouveaux compagnons auxquels il sursautait presque mais ne répondait jamais. Il se contentait plutôt d'un petit sourire innocent et d'une excuse qu'il prononçait avec un air volontairement idiot et candide. Il reprenait aussitôt une expression plus détendue et habituelle avant de, au bout d'un moment et lorsque les attentions n'étaient plus sur lui, retourner à cette concentration qui parut de plus en plus attristée chaque fois qu'elle revenait. Il venait de se retourner une énième fois pour fixer le couloir lorsqu'ils eurent enfin visité toutes les pièces.

Personne ne sut si leur nouvel ami avait retenu quoi que ce soit compte tenu de son évidente dissipation, mais ils se contentèrent au moins du fait d'avoir pu en profiter pour s'occuper de sa joue que la petite Lisanna, dans toute sa douceur, avait soignée.

La visite terminée les enfants s'apprêtèrent à redescendre dans le hall, mais avant que le groupe n'atteignît l'escalier, Natsu attira l'attention d'Erza, qu'il avait compris être celle qui avait le plus d'autorité, en tirant sa manche pour la retenir.

- On devrait... attendre encore un peu avant de redescendre.

Sans comprendre, la petite rousse se tourna vers lui en haussant un sourcil interrogateur, mais en s'enquérant de l'expression attristée de leur nouveau compagnon, elle prit ses mises en garde au sérieux et ordonna au reste du groupe :

- A-Attendez !

Ils s'arrêtèrent à son ordre, surpris mais sachant mieux que de le contester, et Erza se tourna à nouveau vers Natsu.

- Qu'est-ce qu'il y a, Natsu ? Ne t'inquiète pas pour Gray, il ne te fera r-

- C'est pas ça. Juste... tu devrais peut-être aller vérifier que Jii-chan ait fini de lui parler.

Erza n'était pas sûre que cela fût utile, mais son instinct lui ordonna de l'écouter sans qu'elle ne sache vraiment pourquoi et elle acquiesça, se demandant vaguement comment il pouvait savoir que le maître parlait effectivement avec le mage de glace.

- Ok, je vais y aller. Les autres, restez ici. Attendez que je revienne.

Elle se faufila à travers la masse compacte formée par ses compagnons sans attendre de réponse et descendit les escaliers en silence. Elle s'arrêta brutalement en bas des marches, tombant nez à nez avec ce que Natsu avait eu la bonne intuition de suspecter, bien qu'elle ne comprît pas comment il avait pu le savoir.

A quelques mètres d'elle, Gray sanglotait dans les bras de Makarov, et le visage de celui-ci, qui se trouvait face à elle, semblait avoir vieilli d'encore quelques années sous l'affliction qui le ridait. Erza demeura immobile, les larmes aux yeux. Gray avait beau avoir eu un comportement intolérable envers Natsu, elle ne put rester insensible à la détresse qui émanait de lui à cet instant, qui confirmait ce qu'elle avait toujours su.

Elle était celle qui connaissait Gray le mieux car elle avait été la seule à réussir à percer un peu ses défenses et l'inciter à lui parler, même si cela restait des banalités, et elle savait que leur compagnon était rongé par quelque chose, qu'il souffrait, mais n'avait jamais réussi à le pousser à confier ce qui le tourmentait. Personne ne savait donc rien de son passé ou de ce qui l'avait amené à Fairy Tail, tout comme il ne connaissait pas sa propre histoire ou celle de tous les autres, n'ayant jamais voulu les connaître. Elle avait essayé de l'intégrer au reste de la guilde sans succès, ne récoltant que les mensonges qui disaient qu'il préférait rester tout seul et qu'il n'avait besoin de personne. L'impassibilité et le calme qu'il arborait en toute circonstance essayaient de les induire en erreur, mais elle, Erza Scarlet, ne pouvait être dupée aussi facilement. Elle avait côtoyé trop longtemps la douleur pour ne pas la reconnaître lorsqu'elle la voyait. Gray avait besoin d'aide.