Chapitre 14 : Du déni à l'acceptation 3/3

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C'était le dix-neuvième jour, et Natsu n'avait toujours pas bougé. Depuis le quinzième il n'avait ni quitté sa couche, ni mangé, ni bu, et la soif plus que tout autre chose le tuait aussi lentement que douloureusement. Sa bouche était horriblement desséchée, sa gorge brûlante, le moindre mouvement -pour le peu qu'il en faisait- était une tache insurmontable et un immense supplice, et ses yeux, également à cause du manque total de sommeil, étaient cernés de noir. Tous ses muscles étaient noués et avaient diminué de la moitié de leur volume, ses pieds et ses mains étaient glacés par le manque de fluidité de sa circulation sanguine, sa tête explosait de vertiges et de douleurs battantes, et surtout, sa conscience errait de plus en plus dans la confusion et sombrait petit à petit dans le néant. Si son corps n'avait pas été si particulièrement résistant il serait parti depuis longtemps dans l'autre monde, et pour son plus grand malheur il était donc toujours en vie. C'était la première fois qu'il maudissait le fait d'être un Dragon Slayer.

Il n'abandonna pas pour autant, et continua d'attendre sans bouger que la faucheuse vienne trancher sa vie et l'emporter une bonne fois pour toute.

Bientôt. Encore quelques heures et tout serait enfin fini.

Il ferma les yeux pour la énième fois dans l'espoir d'être emporté dans le sommeil, mais peu importe combien il l'implorait, celui-ci rejetait toujours sa conscience épuisée, lui refusant le repos dont elle avait tant besoin. Chaque fois qu'il essayait de la déconnecter de l'instant présent, le supplice infâme que lui infligeait son cœur la ramenait à l'infecte réalité, la retournant à la potence sur laquelle elle ne pouvait ni vivre, ni mourir. Agonisante, elle ne faisait alors qu'errer quelque part entre la vie et la mort, qu'attendre désespérément qu'on mît un terme à sa souffrance. Que cela fût en la sauvant, ou en l'achevant.

Ses paupières se rouvrirent, découvrant deux prunelles larmoyantes de désespoir. Cela faisait plus de cinq jours qu'il l'avait abandonnée, et la vie refusait toujours d'accepter son départ et de le laisser tranquille. La douleur qu'elle lui infligeait devenait plus abjecte chaque jour à mesure des tentatives de plus en plus en féroces qu'elle abattait sur lui pour l'empêcher de la quitter définitivement. Elle sentait qu'elle le perdait alors elle s'accrochait à lui avec acharnement, lui suppliciant une succession de douleurs toujours plus vives que son existence, même brisée de toute part, ne pouvait pas ignorer. Toujours pas.

Cette fois-là comme toutes les autres, la vie l'attira de nouveau à elle malgré ses efforts pour se défaire de ses griffes acérées et il fut renvoyé dans une nouvelle spirale de souffrances. Qui ne s'arrêterait que s'il parvenait enfin à atteindre les bras de l'Ankou lors de sa prochaine tentative de se soustraire à la douleur devenue insurmontable.

La dernière ayant été aussi infructueuse que toutes les précédentes, les yeux grands ouverts sur la solitude grisâtre qui le cernait de tout côté, Natsu continuait d'attendre, d'espérer, et de souffrir.

Le temps d'un battement de cil, et le vide qu'il fixait ne le fut soudain plus. Malgré sa faiblesse extrême et la douleur que cela lui infligeait, il se redressa légèrement sur un coude, les yeux écarquillés.

Là, à un mètre de lui, à l'entrée de son pitoyable et sombre logis, il y avait quelqu'un. Il n'en voyait qu'une minuscule ombre mais Natsu savait que ce n'était cette fois pas qu'une représentation illusoire de ses désirs comme il en avait déjà eu des dizaines depuis qu'il avait cessé d'essayer de survivre. Cette présence vivante était bien réelle.

Les larmes lui montèrent aux yeux tandis qu'ils observaient cette soudaine et improbable source de vie. Son être tout entier sembla renaître de ses cendres à la vue de cette apparition miraculeuse, le remède à sa solitude devenant soudain si palpable que toutes ses souffrances présentes parurent s'immoler et disparaître. Sa conscience agonisante fut débarrassée de toute la douleur, la peine et la peur qui l'avaient embrumée de confusion, son esprit lavé de toute pensée parasite et son corps affranchi de toute sensation dévorante. Quelque chose s'agrippa à son cœur gelé, le réchauffant à peu à peu jusqu'à ce qu'il le sentît de nouveau battre dans sa poitrine.

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⏰ Dernière mise à jour : May 31, 2020 ⏰

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Quand les masques tombent, les vents tournentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant