Le Prince-Cygne & la Princesse 🦢

. VI .

«It's almost like you're here with me, although we're far apart»

- Altesse ? Allons-nous continuer longtemps ?

- Si je puis me permettre, nous avons déjà fouillé cette partie des bois... Plusieurs fois...

Clara n'écoutait personne. Assise en amazone sur son cheval, elle avait les yeux rivés vers le ciel.

- Ne quittez pas les hauteurs des yeux ! Je veux connaître le moindre mouvement dans les arbres ! Cherchez un nid, un grand nid, un nid anormal ! Ramenez toutes les bêtes qui paraissent suspectes !

- Suspectes, des bêtes ?! interrogea un soldat, à voix basse.

- Un nid ?! répéta un autre.

Un collègue leur intima le silence. Comme un félin en chasse, la princesse restait à l'affût du moindre bruit. Elle cherchait la créature ailée. Encore. Sa garde se gardait bien de dire ce qu'elle pensait de ses idées et se contentait de suivre et d'obéir. Inconsciemment, plusieurs groupes se séparèrent, suivant chacun une piste. La mission de trouver un animal ''douteux'' ne rassurait personne et le moindre bruissement, le moindre souffle de vent en faisait sursauter plus d'un. Toute l'équipe s'enfonça de plus en plus dans la forêt. Il y régnait un silence de mort. L'automne avait ôté toute verdure à cet environnement et lui donnait un aspect légèrement macabre. Au bout de quelques heures, ils avançaient toujours plus profondément dans le bois. Ces terrains devenaient de plus en plus inquiétants. Le soleil n'allait pas tarder à ce coucher et donnait au ciel une vive couleur orangée. Les arbres, morts debout, avaient le tronc colonisé de mousse et champignons translucides. Les branches nues évoquaient une assemblée de squelettes mélancoliques. Les chevaux commençaient à fatiguer, mais les gardes n'osaient rien demander à leur gouverneure. Celle-ci, en première ligne, ralentit considérablement ses pas au pied d'un grand arbre noir pourvu d'une unique branche, à des mètres du sol. Elle la scruta très sérieusement et ses soldats suivirent son regard : il y avait un corbeau, immobile, perché. Ce dernier ne semblait point effrayé par tous ces inconnus et ne lâchait pas l'héritière des yeux. Les gardes échangèrent des regards, perplexes. Avec une lenteur contrôlée, Clara passa sa main derrière son dos et, du bout des doigts, tira une flèche de son carquois... Quand une silhouette sombre, rasant l'herbe sèche, traversa les bois à la vitesse de la lumière !

- LOUP !! cria un soldat.

Les chevaux se cabrèrent et hennirent en chœur. La moitié des gardes se précipitèrent à la poursuite de l'animal, pour protéger leur princesse et lui rapporter une bête suspecte. Le loup chassait un cerf, et les deux animaux furent poursuivis dans un vacarme guerrier. Clara resta sous le corbeau, imperturbable. Ce si petit oiseau était-il capable de se transformer ? Le corbeau était réputé pour sa ruse et ses attaques sournoises. Il correspondait parfaitement à ce que la reine Juliette avait pu voir avant d'expirer. Sans le quitter des yeux, Clara arma son arc et le tendit, parée à loger sa flèche dans le regard noir de la créature. Cette dernière ne bougeait pas. Comme si elle la défiait. Clara pensa que si le corbeau était ce qu'elle cherchait, il n'hésiterait pas à user de son art pour éviter l'attaque. La princesse inspira calmement et se prépara à tirer. C'est alors qu'une ombre passa au-dessus d'elle : deux longs volatiles rosés planaient au même rythme. Clara arrêta de penser et ne put détacher son regard d'eux. Ils avançait par à-coups, leurs ailes fendant le ciel à la façon de pagaies, puis se laissaient dériver, une succession d'impulsions suivies de glissades. Ils progressaient d'un mouvement gracieux qui enflait et désenflait à la façon d'une vague. Puis l'évidence frappa : les flamands-roses ne vivaient pas dans les bois ! C'était la créature ! Sans en avertir personne, Clara, vivifiée, s'élança derrière eux !