Ses poignets, fermement attachés par une corde épaisse, et sa cheville droite reliée au mur par une grosse chaîne de fer forgé, lui faisaient mal. Les liens étaient serrés et mordaient cruellement sa chair.
Il était retenu ici depuis la presque deux jours.
Lors de la tempête, ils avaient dû se trouver non loin des côtes en réalité, puisqu'il s'était échoué sur une plage avant même que l'océan n'ait réussi à le noyer ou ni qu'il ait épuisé toutes ses forces alors même qu'il n'avait rien sur quoi se reposer, l'obligeant à redoubler d'efforts pour rester à la surface. Il était encore éveillé quand les vagues l'avaient fait rouler sur le rivage, mais il était tout de même bien vite tombé de fatigue à même le sable, à bout de forces.
Plus tard, on l'avait réveillé à coups de pied dans ses membres engourdis et très froids, le faisant geindre de douleur, avant que deux colosses de muscles qui empestaient la crasse et l'alcool ne se saisissent de lui et ne le forcent à se mettre debout, en le maintenant de leur poigne de fer, l'empêchant d'effectuer tout mouvement.
Là, une brute légèrement moins baraquée que les deux précédents, mais qui néanmoins n'inspirait pas moins la crainte voire même dégageait davantage d'autorité, s'avança devant lui. Il tira un poignard aiguisé de sous sa veste et joua nonchalamment avec juste sous le nez du brun.
Et enfin, il ouvrit une gueule où manquaient quelques dents et dont les rescapées avaient vraiment mauvaise mine, en dégageant une haleine fétide alors qu'il s'adressa finalement à lui en l'étudiant sous toutes les coutures : « Tu nous mets dans l'embarras, morveux. En bandits qui se respectent, on s'attendaient à te dépouiller comme il se doit, mais il se trouve que tu es presque encore plus misérable que les chiens qui dorment à l'abri des pontons à même les pavés. Pourtant, on a même essayer de récupérer ce joli caillou enfoncé dans ton front. Mais sans aucun succès. Et c'était très très étrange d'ailleurs... Parce que apparemment on peut même pas en approcher nos doigts. Alors, tu comprends qu'on estime s'être fait arnaquer... C'est pourquoi j'ai une charmante idée. Après tout, il n'y a pas que les biens qui ont de la valeur. Donc, j'ai besoin d'évaluer la marchandise, p'tit avorton. Savoir si quelqu'un voudra bien d'toi. T'es plutôt maigrichon quand même, et t'as pas l'air très en forme. T'as mangé dernièrement ? Faut t'ménager, gamin ! Comment je peux prétendre te vendre ? Mais bon... Tu viens d'où, gamin ? Toutes ces marques sur ta peau, c'est vraiment très intriguant, et plutôt agréable à regarder... Exotique... Et puis t'as une belle p'tite gueule par contre, avait-il affirmé en attrapant son menton pour l'observer à sa guise. Ça pourrait p't-être plaire... Y a vraiment quelqu'chose, je trouve... Je suis sûr que certains diraient pas non... Et puis, en plus, les temps sont durs, si ça s'trouve, personne cracherait sur de la main d'œuvre pas chère, même si l'gars est pas très costaud. On va t'passer un peu à bouffer histoire qu'tu sois présentable et ça fera l'affaire. Allez, on l'embarque. »
Les deux montagnes lui avaient brutalement mis les bras dans le dos et s'étaient affairés sans trop de soucis à lier ses poignets en dépit de la résistance que l'échoué pouvait montrer, trop affaibli par son naufrage.
Mais les plans du chef ne s'étaient pas arrêtés là. Pendant leur trajet jusqu'à la cité la plus proche, ce dernier avait encore bien réfléchi à comment obtenir les meilleurs profits de sa nouvelle marchandise. Plus il le scrutait pendant le voyage, plus il trouvait que ce corps avait du potentiel. Et une idée des plus lucratives lui avait traversé l'esprit.
Après tout, qui l'obligeait à vendre cette espèce de demi-portion à gueule d'ange ? Il était certain qu'il pourrait obtenir bien plus en conservant la main mise sur ce gringalet.
Alors à leur arrivée en ville, le petit groupe avait traîné dans les ruelles. Le boss cherchait à investir dans un établissement pour établir son commerce. Il était sûr de son coup. Et il trouva rapidement, quelques heures plus tard seulement, après qu'un accord ait été mis au point avec le propriétaire des lieux, lui assurant une part des bénéfices.
Ensuite, la brute et ses hommes aménagèrent l'endroit. Il fallait bien réfléchir à comment tout agencer et sécuriser. Ils ne pouvaient se permettre de laisser trop de liberté à leur poule aux œufs d'or, elle essaierait de s'enfuir, à coup sûr. Et ils avaient même établis les modalités, plusieurs tarifs et proposaient plusieurs offres.
Et, c'était très simple. À partir de maintenant, si le garçon voulait manger de la nourriture de bonne qualité et ne pas subir de châtiment de la part de son propriétaire, il devrait se plier à ses ordres. Et donc, se plier aux clients.
Ainsi, depuis, il se trouvait là, attaché sans pitié, à attendre les premiers.
Le laissant aux mains de ses ses chiens de garde, le chef était parti traîner en ville pour proposer ses services, les faire savoir à la population. Il comptait également sur les commérages et les ragots, le bouche à oreille des gens, répandant la nouvelle rapidement à travers la cité. Le bandit connaissait bien le coin. Il savait dans quels quartiers aller, qui avait la langue bien pendue et auprès de quels groupes de personnes cela pourrait intéresser. Il ne se faisait pas d'illusions quant au fait que les clients n'afflueraient pas dès ce soir, mais le plus tôt serait le mieux.
Terrorisé, Jungkook tremblait dans la pièce, sous ses liens trop serrés, en serrant les dents pour supporter la douleur. Il savait pertinemment ce qui l'attendait. Son cœur battait à toute allure, priant pour que nul client ne se montre. Jamais. Il avait peur de ce que le futur lui réservait.
Jamais il n'avait autant espéré quelque chose de toute son existence.
Il se doutait bien qu'il ne verrait personne aujourd'hui. C'était toujours possible, bien entendu, mais, c'était tout de même peu probable.
Et le brun pensait beaucoup.
À un moyen de s'évader, à ce qu'il devrait faire si par malchance quelqu'un se montrait, aux horreurs qui se dessinaient, à sa mauvaise fortune, au fait que les êtres humains étaient barbares et sans pitié partout... Mais surtout à Taehyung.
Il ne l'avait pas vu depuis la tempête, et ça l'inquiétait beaucoup... Le châtain pouvait avoir rendu son dernier souffle qu'il n'en saurait rien. Et cette situation de terrible ignorance l'insupportait peut-être même mille fois plus que toute la situation abominable dans laquelle il s'était fourré.
Alors il espérait, il priait pour qu'il soit toujours en vie et qu'il aille bien. Vraiment bien. Que personne n'avait osé lui faire le moindre mal. Que ce monde cruel le laissait en paix. Ils n'avaient pas le droit de le toucher. Il pouvait supporter qu'on le maltraite lui, qu'on le blesse, qu'on le martyrise et qu'on le piétine de son corps jusqu'à son âme. Et il le supporterait. Mais, la souffrance de son ami... De son petit ange, ce garçon si doux, si adorable, cette âme si belle et joyeuse... Ça lui ferait trop mal.
Sa sirène lui manquait plus que tout. Ils n'avaient jamais été séparés aussi longtemps. Jamais depuis qu'ils se connaissaient.
Il leur était arrivé bien des fois de se chamailler plus ou moins fort, de se mettre en colère et de se fâcher. Mais leurs disputes ne les avaient jamais autant éloigné l'un de l'autre. Ils s'étaient toujours réconciliés très vite, aucun d'eux ne supportant la sensation d'en vouloir à l'autre et de se tenir éloignés après s'être quittés en mauvais termes.
Ils se manquaient trop.
Et seul dans cette pièce monstrueuse qu'il abhorrait et qui à coup sûr deviendrait prochainement une salle de torture pour lui, comme à attendre l'heure de sa mise à mort, Jungkook se perdait dans ses souvenirs. Il revoyait son visage, entendait sa voix.
Bordel, ce qu'il lui manquait !
Et crevant le silence, une larme coula.
D'un millier d'émotions sur lesquelles il ne saurait mettre de nom tant elles se bousculaient.
VOUS LISEZ
Kahoni [Vkook]
FanfictionQu'y a-t-il au bout de l'Océan ? Voilà le rêve de ces deux enfants pour qui une île et son peuple trop exigeant n'étaient que cauchemars. Un désir bien trop grand pour que l'acceptent les traditions figées... Un merci infini pour @Taerra-nova à qui...