Kahoni [Vkook]

10

 Comme prévu, la brute du nom de Toraek était là, le dos appuyé contre le mur du couloir. Il tourna la tête en entendant les gonds grincer légèrement et se détacha du mur.

D'un geste du bras, il lui indiqua d'avancer. Alors Taehyung ne se fit pas prier, il passa devant et se dirigea diligemment jusqu'à la première salle. Le chef dormait, allongé sur des sacs de paille posés dans un coin et qu'on avait recouvert d'une couverture de laine.

« Le gamin est là, chef. »

Aussitôt, l'interpelé s'éveilla en un sursaut accompagné d'un grognement de mécontentement.

« Eh bien ! Tu ne pouvais pas t'assurer de récupérer le montant toi-même et me laisser dormir, imbécile !? s'énerva-t-il en se levant avant d'essayer d'arranger sa tenue.

– Je pensais que vous préféreriez le faire par vous-même, chef.

– Oui ! Mais non ! Pas quand je dors ! Pourquoi suis-je entouré de sombres crétins..., bougonna-t-il dans sa barbe en s'asseyant à la table. »

Le rythme cardiaque de l'adolescent accéléra d'un coup. Ça n'allait pas. Le bandit s'était installé du mauvais côté de la table, il avait donc fatalement une vue parfaite sur l'ouverture qui donnait sur le couloir. Observant le brigand se dandiner sur le siège pour caler son postérieur du mieux qu'il pouvait, il paniquait. Il n'y aurait pas de soucis avec le géant, qui, lui, était complètement de dos, mais celui-ci allait forcément voir son brun passer.

Dans une tentative désespérée, il se plaça bien en face de l'homme, essayant sans grand espoir de lui masquer la vue.

Il récupéra la bourse et la posa sur la table dans un bruit métallique qui fit frémir d'intérêt les pupilles du barbu.

« C-combien ?

– Une pièce d'or et trente d'argent. C'est la gueule d'ange qui t'as fait perdre la mémoire ? ricana-t-il grassement d'un ton plein de satisfaction sans quitter le sac de cuir du regard. Il était à ton goût, tu t'es bien amusé, huh ? Je le savais, je le savais... Une mine d'or qui vend du rêve ! Tu sais quoi, Toraek ? Je pense que je vais hausser les prix encore, son petit cul vaut de l'or ! »

Le jeune homme serra les dents, essayant de ravaler l'envie furieuse de mettre son poing dans la figure de cet individu immonde. L'améthyste de ses yeux lançait des éclairs.

Et contre toute attente, l'un des pieds du siège de l'affreux personnage se brisa en un craquement terrible, et ce dernier se retrouva par terre.

Embarrassé, il se racla la gorge bruyamment en se relevant et s'installa sur le siège d'à côté.

« Bon ! Tu te bouges ? J'ai pas toute la nuit, moi ! »

Fulminant toujours, le châtain ouvrit la bourse. Il posa d'abord une jolie pièce jaune qui brillait fort à la lueur des lampes à huile. Il ne fit pas attention au fait que le malfrat avait changé de place. Puis, avec lenteur, comme s'il comptait avec attention, il laissait tomber un par un les écus d'argent sur le bois abîmé.

Dans son dos, une ombre passa dans l'encadrement de la porte.

« C'était quoi ça ? demanda-t-il vivement, d'un ton méfiant en se levant brusquement. Toraek ! »

La pulsation rata un battement aux tempes du châtain. Il l'avait vu, en dépit de sa concentration sur les pièces qui s'entrechoquaient, il l'avait vu dans le coin de son champ de vision de là où il était désormais placé.

Le colosse se précipita dans le couloir. Le chef voulut le suivre, mais, dans un élan de braverie ˗ ou de folie, il n'aurait su dire ˗ le courageux avait poussé la brute sur le côté de toutes ses forces, le faisant trébucher.