J-J

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C'est le dernier jour et j'ai peur, j'ai passé ma nuit à pleurer je ne serais pas dire pourquoi. D'un coup les larmes me sont montées au yeux alors je les ai laissées couler, étrangement ça ne m'a pas soulagé. D'habitude, le fait de pleurer un bon coup me calme, mais pas cette fois. Avant quand je pleurais un de mes parents venait me voir, soit pour parler soit pour simplement être avec moi, mais cette fois j'étais seul. J'ai entendu ma mère passer devant la porte, elle a eu un soupir de tristesse mais n'est pas rentrée. Une nuit seul à pleurer, j'aurais aimé passer ma dernière nuit avant de quitter ce monde de façon moins triste. Au fond de moi, je sais que j'aurais voulu qu'elle rentre dans la chambre.

J'ai peur alors je me comporte comme à mon habitude en me réveillant. Je pars de chez moi comme si rien de tout ce que j'ai prévu n'allait se passer. En sortant j'entends la voix de ma mère de l'intérieur me souhaitant une bonne journée, une chose est sûre, je ne pourrais pas l'entendre rire une dernière fois.

J'arrive trop vite à mon lycée à mon goût. Pour la première fois depuis longtemps le temps ne me semble plus figé.

Je ne vais tout de même pas passer ma dernière journée dans cet endroit empli de gens détestables, alors je fais demi tour juste devant le portail. Je sens beaucoup de regards noirs sur moi alors que je me fraie un chemin à travers la foule d'étudiants. Je lève les yeux et croise un regard que je ne pourrais jamais oublier, celui de Jun. Il me fixait avec un regard qui semblait si désolé, cette simple vision me brisa le cœur. Je me sentais presque honteux vis à vis de mon comportement d'avant, comme si en faisant ce que je comptais faire je crachais sûr tout ce que j'avais pu accomplir dans la vie.

Ne pouvant plus supporter ses yeux fixés dans les miens je détourna le regard, je suis définitivement lâche.

Je pars et je vais m'acheter une bouteille de vodka et des bières, il faut bien trinquer à ce dernier jour comme il se doit. Alors je bois, transformant petit à petit mon esprit en quelque chose de plus vague de moins précis comme si toutes mes pensées que j'ai pu avoir jusqu'à là disparaissaient pour laisser place à l'agréable embrume-ment causé par l'alcool.

Je laissais mes pieds devenus incertains me guider rendant ma démarche chancelante. Finalement je pris place près d'un lac artificiel se trouvant au milieu du parc où j'avais l'habitude de me rendre avec ma sœur. Elle est en cours à l'heure qu'il est, en pensant à elle je me rends compte que je ne la verrai plus jamais, j'aurais dû lui dire au moins au revoir avant de partir. Je me demande quel genre de personne elle va devenir en grandissant. Je me demande si elle réussira à finir un de ses livres un jour. Elle m'a toujours montré toutes les petites histoires qu'elle a pu créer mais elle se plaignait à chaque fois que le résultat ne lui plaisait pas au fil des chapitres alors elle jetait tout et elle recommençait. Je laisse un rire m'échapper à la pensée de ses petites joues gonflées par la frustration quand elle venait m'expliquer que son histoire qu'elle m'avait racontée il y a à peine une semaine ne lui plaisait déjà plus.

Je sens une larme couler sur ma joue. Je ne la verrai jamais grandir, je ne pourrai jamais être la première personne qui lira ses livres, je ne pourrai plus jamais la voir heureuse et souriante comme avant... Je suis désolé, tellement désolé.

J'entends mon téléphone sonner, je regarde l'écran, c'est mon père. Je ne décroche pas, je le laisse sonner et je le pose à coté de moi, j'aime bien la musique de ma sonnerie elle est calme, en l'entendant je me sens apaisé. Au bout de cinq appels je me décide à décrocher. La voix de mon père raisonne directement dans mes oreilles:

"Minghao où es tu? Le lycée m'a appelé pour me dire que tu avais encore séché les cours."

Les larmes sur mes joues se multiplient et se mélangent à un rire amer qui passe la limite de mes lèvres, sans même me prévenir. Mon père arrête de parler d'un seul coup.

"Fiston tu pleures? Qu-es-ce qu'il t'arrive? Tu veux que je vienne te chercher?"

Je souris faiblement à travers mes larmes. Tu crois que c'est vraiment le moment de devenir quelqu'un de bien? Je ne veux pas sentir que les autres pourraient regretter mon départ pourtant depuis ce matin, j'ai de plus en plus l'impression d'avoir de l'importance aux yeux de certaines personnes.

"Ne viens pas me chercher."

Je raccroche et éteins mon téléphone directement après ces quelques mots. Et je prends une grande gorgée d'une des bouteilles qui m'entourent, le liquide passe vite dans ma gorge et me bousille un peu plus le cerveau rendant mes pensées un peu plus floues qu'elles ne l'étaient déjà.

J'entends des bruits derrière moi, alors je me retourne pour voir qui aura le grand honneur de me voir dans cet état pitoyable. Quand je vois qui se trouve dans ce parc je me sens si nostalgique, c'est deux jeunes garçons qui doivent à peu près avoir l'âge de ma sœur, ils me font penser à Jun et moi au collège avec leur air insouciant. Ils passent à coté de moi sans même me remarquer.

Au final je n'ai rien réussi à faire de cette dernière journée. Je n'ai pas pu entendre le rire de ma mère, je n'ai pas pu être sincère envers qui que ce soit, ma sœur gardera un souvenir triste et faux de moi à tout jamais. Jun ne sera jamais ce que j'ai sur le cœur depuis tout ce temps. Pourtant ces mots qui me brûlent la gorge et les lèvres en ne demandant qu'une chose, être libérer de ces non- dit si toxiques. Ces mots qui ne demandent qu'à être jetés en touffes sans même être mis en bouquets, je t'aime, je suis désolé, j'étouffe, retiens moi, aime moi.

Mais jamais ces mots ne franchiront la frontière créée par mes croissants de chair si traites qui ne font qu'exécuter les ordres de mon esprit trop terrifié pour savoir lâcher-prise.

Je regarde l'heure que mon téléphone affiche après l'avoir rallumer, dix sept heures, c'est l'heure d'y aller. Je me suis demandé où je pourrais faire ça et je me suis dit que je devrait sauter du toit de mon merveilleux lycée. Après tout, c'est là que ça a commencé, ce fameux 21 octobre c'est en partant du lycée que j'ai eu l'accident, comme quoi si j'avais été moins pressé de rentrer chez moi je serais sans doute avec mes amis à ce moment, en train de raconter des conneries sans queue ni tête.

J'arrive au lycée qui s'est vidé vite ou bien c'est moi qui ai pris beaucoup de temps pour arriver je ne sais pas.

Je monte les escaliers qui m'ont conduit tellement de fois aux toilettes pour que je puisse libérer mes tripes. Je passe devant ma classe qui a été témoin de mes craintes tant de fois. Je suis sur le toit, je me rends compte seulement maintenant à quel point cinq étages c'est haut . Je m'assis sur le rebords du toit et je bois une grande gorgée de la boisson qui ce trouve dans la bouteille à mes cotés, le liquide me brûle la gorge ça me donne une folle envie de vomir. Je me lève et avance un de mes pieds dans le vide et je laisse mon corps fatigué suivre le mouvement.

Au final mon père avait sans doute raison, je ne sais pas ce que je veux, parce que mon dieu ce que j'aurais voulu vivre. C'est seulement quand la mort m'ouvre ces bras froids que je m'en rends compte.

J-10 [✔]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant